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Réforme de la fonction publique et de l'action disciplinaire
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Le 13 février dernier, le secrétaire d’État, Olivier Dussopt, a dévoilé au Conseil commun de la fonction publique (CCFP) le projet de réforme de la fonction publique élaboré par le Gouvernement.

L’article 13 de ce projet de réforme est relatif à l’action disciplinaire et ambitionne, si on s’en réfère à l’intitulé du Chapitre III au sein duquel il est inséré, d’« apporter des réponses graduées et harmonisées à des comportement fautifs ».

Mais, qu’en est-il vraiment ?

 

Un élargissement du choix des sanctions pour la fonction publique de l’État et hospitalière

 

En l’état actuel du droit, s’agissant du premier groupe de sanction, les fonctionnaires de l’État et hospitaliers ne peuvent être sanctionnés que d’un avertissement ou d’un blâme.

L’article 13 du projet de réforme propose d’élargir l’échelle des sanctions en introduisant, au sein de ce premier groupe, la sanction d’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours.

Outre le fait que l’introduction de cette nouvelle sanction offre à l’autorité dépositaire du pouvoir de nomination un choix plus large de sanctions, elle lui permet de prononcer une exclusion temporaire de l’agent sans que n’ait à être saisi au préalable la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline.

En effet, le projet de réforme n’apporte pas de modification à l’article 19 alinéa 2 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 qui dispose seulement qu’ « aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupepar les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’État, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté ».

Il faut également relever qu’au même titre que l’avertissement et le blâme, l’exclusion temporaire de trois jours ne semble pas pouvoir être contestée devant la commission des recours duConseil supérieur de la fonction publique hospitalière.

 

Une absence d’harmonisation des sanctions entre les trois fonctions publiques

 

L’engagement d’une réforme de l’action disciplinaire aurait pu être l’occasion d’harmoniser les sanctions pouvant être prononcées à l’encontre des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Malheureusement, cette réforme ne met pas fin aux disparités qui existent en la matière.

D’une fonction publique à l’autre, les sanctions inscrites aux termes du deuxième groupe demeurent différentes :

 

Fonction publique d’ÉtatFonction publique territorialeFonction publique hospitalière
Radiation du tableau d’avancement

V

XV
Abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l’agent

V

V

V

Exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours

V

V

V

Déplacement d’office

VX

X

 

Il aurait été intéressant, dans un souci d’équité, d’harmoniser ces sanctions disciplinaires.

 

Une graduation plus progressive des exclusions temporaires de fonctions

 

Il faut néanmoins relever que l’article 13 tend à harmoniser, entre tous les fonctionnaires, les durées desexclusions temporaires de fonctionspouvant être infligées.

Comme c’est déjà actuellement le cas pour les fonctionnaires territoriaux, l’exclusion temporaire de fonctions pourra être prononcée, en fonction de la gravité des manquements reprochés :

  • pour une durée maximale de 3 jours : sanction du premier groupe ;
  • pour une durée de 4 à 15 jours : sanction du deuxième groupe ;
  • pour une durée de 16 jours à deux ans : sanction du troisième groupe.

 

Il convient également de noter que la graduationdes sanctions est plus progressivece qui va nécessairement imposer à l’autorité administrative d’être d’autant plus vigilantequant au choix de la durée de l’exclusion et donc de la proportionnalité de la sanction.

Il serait dommage qu’en contrepartie d’un plus grand panel de sanctions, le contrôle de proportionnalité opéré par le juge en soit renforcé.

 

Une clarification des modalités de mise en œuvre de l’abaissement d’échelon

 

L’une des modifications les plus intéressantes de ce projet de réforme concerne les précisions apportées sur les modalités de mise en œuvrede la sanction d’abaissement d’échelon.

Encore récemment, la Cour administrative d’appel de Lyon a en effet pu juger légale la sanction d’abaissement de deux échelons prononcée contre un fonctionnaire de police[1].

L’article 13 apporte donc un éclairage utile puisqu’il prévoit que la sanction d’abaissement d’échelon entraînera un abaissement à « l’échelon immédiatement inférieurà celui détenu par l’agent ».

 

Une modification de la composition du Conseil de discipline

 

D’un point de vue procédural, le projet de réforme prévoit de supprimer, pour la fonction publique territoriale et hospitalière, les dispositions relatives au fait que le Conseil de discipline ne doit pas comprendre de fonctionnaire d’un grade inférieur à celui de l’intéressé poursuivi.

Cette modification permettrait de faciliter la tenue du Conseil de discipline en évitant d’avoir à saisir, dans certains cas, la Commission administrative paritaire départementale.

En revanche, la composition du Conseil de discipline pourrait devenir de ce fait moins cohérente par rapport aux fonctions occupées par l’agent poursuivi, ce qui pourrait rendre plus difficile l’appréciation de la faute ou de l’insuffisance professionnelle observée.

Pour conclure, sans révolutionner l’action disciplinaire, ce projet de réforme a le mérite d’apporter certaines précisions et d’offrir aux administrations un plus grand choix de sanctions.

Néanmoins, l’on peut regretter que l’harmonisation proposée pour les sanctions d’exclusions temporaires n’ait pas été élargie à l’ensemble des sanctions car cela aurait pu permettre de garantir davantage d’équité entre les agents.

 

 


 

[1]CAA Lyon, 10 janvier 2017, n° 14LY03927

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).