CORONAVIRUS : ADAPTATION DES RÈGLES DE PROCÉDURE DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF
Article rédigé le 26 mars 2020 par Me Xavier Laurent
La crise créée par l’épidémie de COVID 19 a conduit à l’adoption d’une loi n°2020-290 du 23 mars 2020 permettant de faire face à l’urgence de la situation sanitaire.
L’article 11 de cette loi prévoit notamment que « afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation », le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance toute mesure :
« c) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions »
En application de cette disposition, une ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 porte adaptation des règles applicables devant l’ensemble des juridictions administratives (notamment tribunaux administratifs, cours administratives d’appel et Conseil d’Etat) cela à compter du 12 mars 2020 et pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire.
Comme nous allons le voir, il s’agit de prendre en compte les difficultés, notamment liées au confinement de la population, auxquelles doivent faire face pendant toute cette période justiciables, personnels et professionnels de justice, d’une part en adaptant l’organisation et le fonctionnement des juridictions (titre I de l’ordonnance), et d’autre part en prorogeant les délais de procédure et de jugement (titre II de l’ordonnance).
L’adaptation des juridictions : l’assouplissement des règles internes permettant de sauvegarder l’accès au juge
Nous ne reviendrons que très brièvement sur les dispositions contenues dans le titre I, qui intéressent principalement les juridictions elles-mêmes ; celles ayant un impact direct sur les justiciables sont les suivantes :
- Communication aux parties des pièces, actes et avis par tout moyen (et pas seulement via télérecours) ;
- Organisation des audiences à huis-clos, en publicité restreinte ou à travers des moyens de communication audiovisuels (visioconférence) ;
- Dispense pour le rapporteur public d’exposer ses conclusions à l’audience en toute matière (donc a priori pas de dispense de les rédiger et d’en communiquer le sens aux parties) ;
- Possibilité de statuer sans audience sur les requêtes en référé (le juge statuerait alors uniquement sur les écritures des parties) ;
Le service public de la justice s’adapte donc pleinement à la situation en faisant en sorte de garantir dans ces circonstances particulières l’accès au juge.
Des délais supplémentaires permettant aux justiciables et à leurs Conseils de faire face aux conséquences du confinement
Concernant le titre II de l’ordonnance, l’objectif poursuivi est de permettre aux justiciables, mais surtout à leurs Conseils les représentant devant les juridictions administratives, de ne pas être exposés à un risque de clôture de l’instruction du dossier par la juridiction pendant la période de confinement, alors qu’ils ne disposent pas nécessairement des moyens et des outils pour produire des écritures dans les dossiers pendants.
L’article 15 prévoit tout d’abord que les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire sont applicables aux procédures devant le juge administratif.
Cet article 2 explicite le mécanisme de report de terme et d’échéance : de manière générale, tous les délais sont prorogés à compter de la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, pour la durée qui était légalement impartie, mais dans la limite de deux mois.
Ainsi, l’ordonnance ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans cette période ; elle permet simplement de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.
N’entrent toutefois pas dans le champ de cette mesure :
- les délais dont le terme est échu avant le 12 mars 2020 : leur terme n’est pas reporté ;
- les délais dont le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire : ces délais ne sont ni suspendus, ni prorogés ;
L’article 16 dispose quant à lui que :
« Les mesures de clôture d’instruction dont le terme vient à échéance au cours de la période définie à l’article 2 sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge »
Concrètement, cela signifie qu’entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, aucune clôture d’instruction initialement prévue pendant cette période ne pourra intervenir.
Dans l’hypothèse où la fin de l’état d’urgence sanitaire intervenait le 30 avril 2020, une clôture fixée initialement au 30 mars 2020 serait prorogée jusqu’au 1erjuin 2020, laissant ainsi le temps nécessaire aux parties pour produire des écritures et pièces.
Cette prorogation est rendue d’autant plus nécessaire que les avocats risquent de devoir faire face à des difficultés pour joindre leurs clients, solliciter des pièces auprès d’eux ou faire valider leurs écritures, particulièrement pour les avocats en droit de la santé dont la clientèle est composée d’établissements publics de santé.
Le juge pourra bien évidemment lui-même reporter le délai de clôture, a priori nécessairement pour une durée supérieure à celle d’un mois suivant la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, à l’exclusion de toute durée inférieure.
L’article 17 prévoit enfin que les juridictions disposeront elles-aussi d’un temps supplémentaire pour rendre leurs décisions.
Ainsi, durant la période d’état d’urgence sanitaire « le point de départ des délais impartis au juge pour statuer est reporté au premier jour du deuxième mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».
Les dispositions de l’ordonnance n°2020-305 apparaissent donc de nature à sécuriser les procédures devant le juge administratif, d’une part en garantissant l’accès au juge même dans une période de grandes difficultés et d’autre part en permettant aux différents acteurs du procès administratif de s’adapter à des circonstances exceptionnelles susceptibles d’empêcher ou de limiter l’exercice de leurs activités professionnelles.
Avocat depuis 2014, Xavier LAURENT a initialement exercé au sein d’un Cabinet parisien une activité plaidante et de conseil auprès d’entreprises sociales pour l’habitat tant publiques que privées (OPHLM, SA d’HLM), notamment dans le cadre de contentieux immobiliers (droit locatif, copropriété, construction, urbanisme).
Fort d’une solide formation en droit public et désireux de donner une nouvelle orientation à sa carrière, Xavier LAURENT a par la suite intégré un Cabinet spécialisé en droit de la fonction publique, au sein duquel il a exercé en conseil et contentieux pour de nombreuses collectivités territoriales (contentieux du harcèlement moral et des sanctions disciplinaires, conseil en gestion RH, marchés publics, etc…).
C’est en 2018 qu’il a rejoint le pôle social du Cabinet HOUDART ET ASSOCIE.
Au-delà de ses compétences en droit de la fonction publique, Xavier Laurent a eu l’occasion de traiter des dossiers en droits du travail et de la sécurité sociale, lui donnant une vision transversale et une capacité d’analyse complète sur toutes les questions intéressant la gestion des ressources humaines des acteurs du monde de la santé (salariés relevant du code du travail, agents statutaires et contractuels).