CORONAVIRUS : CONGÉS PAYÉS, RTT, JOURS DE REPOS ET DURÉE DU TRAVAIL
Article rédigé le 26 mars 2020 par Me Marine Jacquet
25 ordonnances ont été adoptées dimanche par le Parlement en application de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Il s’agit de mesures d’exception, qui ont vocation, en principe, à ne s’appliquer que pendant cette période de crise sanitaire.
Penchons nous plus avant, article par article, sur les dispositions spécifiques prises en matière de congés et de durée du travail afin de tenir compte de la propagation du Covid-19 et de ses conséquences économiques, financières et sociales organisées par l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020.
ARTICLE 1ER : Les Congés Payés
Actuellement, rappelons que lecode du travail prévoit qu’un employeur définit, après avis, le cas échéant, du comité social et économique, la période de prise des congés de ses salariés. Ce dernier ne peut ensuite, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.
Sur ce fondement, au vu de la situation actuelle exceptionnelle, il était admis que l’employeur puisse avoir la faculté d’imposer aux salariés de différer leurs vacances afin qu’elles coïncident avec la période de confinement et ce sans respecter le délai d’un mois de prévenance. En revanche, l’employeur ne pouvait pas imposer de congés aux salariés qui n’en n’avaient pas encore posés.
Dans le cadre du projet de loi d’urgence, le gouvernement entendait donc permettre à l’Employeur, unilatéralement, d’imposer à tout salarié de déplacer mais également de poser des congés pendant la période de confinement. Ceci étant, le projet de loi a été largement modifié.
Plus précisément, l’article 1 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos précise :
« Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19, par dérogation aux sections 2 et 3 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail et aux stipulations conventionnelles applicables dans l’entreprise, l’établissement ou la branche, un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche peut déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc, à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
L’accord mentionné au premier alinéa peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.
La période de congés imposée ou modifiée en application du présent article ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020 »
En d’autres termes, il résulte de cette ordonnance qu’un employeur peut imposer des jours de congés aux salariés ou modifier les dates, sous réserve :
- qu’un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche l’y autorise ;
- de respecter la limite de 6 jours ;
- que la période de prise des jours de repos imposée ou modifiée ne s’étende pas au-delà du 31 décembre 2020 ;
- de respecter un délai de prévenance d’un jour franc minimum.
L’employeur ne peut donc y procéder unilatéralement, mais par la voie de la négociation collective.
Sur ce point, il peut donc être observé que ce dispositif est, in fine, plus favorable et protecteur pour les salariés qui auraient déjà posés leurs congés par rapport aux dispositions du code du travail en vigueur.
En effet, ainsi que rappelé supra, il était admis que l’employeur puisse unilatéralement déplacer (non pas imposer) les congés des salariés sur la période de confinement et ce sans limite de jours. Or, désormais, le texte apparait imposer, même dans cette hypothèse, qu’un accord soit conclu et restreint les congés, imposés ou différés, sur une limite de 6 jours.
ARTICLES 2, 3, 4 ET 5 : Les jours de réduction du temps de travail, les jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps
Concernant les jours de réduction du temps de travail (RTT), les jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, ils pourront, quant à eux, être imposés ou modifiés unilatéralement par l’employeur, sans qu’un accord collectif soit requis, sous réserve :
- de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc ;
- que l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 : quid du niveau de difficultés. Ce point sera potentiellement source de contentieux.
- que le nombre total de jours de repos imposé ou modifié ne soit pas supérieur à 10 jours – étant entendu par jour de repos : RTT, jours de repos prévus par une convention de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne-temps– ;
La période de prise des jours de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
ARTICLE 6 : Règles dérogatoires au temps de travail
L’article 6 de l’ordonnance permet, de manière temporaire et exceptionnelle, aux entreprises des secteurs jugés essentiels à la continuité de la vie économique et à la sûreté de la Nation, de déroger aux règles d’ordre public en matière de durée quotidienne maximale de travail, de durée quotidienne maximale accomplie par un travailleur de nuit, de durée du repos quotidien, de durée hebdomadaire maximale absolue et moyenne, de durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit.
Plus précisément, il est prévu pour ces entreprises, les dérogations suivantes :
Durée actuelle prévue | Dérogations | |
---|---|---|
Durée quotidienne maximale de travail fixée à l'article L. 3121-18 du code du travail | 10 heures | 12 heures |
Durée quotidienne maximale de travail accomplie par un travailleur de nuit fixée à l'article L. 3122-6 du code du travail | 8 heures | 12 heures Sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal au dépassement de la durée prévue à ce même article |
Durée du repos quotidien minimale fixée à l'article L. 3131-1 du code du travail | 12 heures | Réduction possible à 9 heures consécutives Sous réserve de l'attribution d'un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n'a pu bénéficier |
Durée hebdomadaire maximale fixée à l'article L. 3121-20 du code du travail | 48 heures | 60 heures |
Durée hebdomadaire maximale de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives fixée à l'article L. 3121-22 du code du travail Ou sur une période de douze mois pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 et aux 2°, 3° et 6° de l'article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole | 44 heures | 48 heures |
Durée hebdomadaire maximale de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives fixée à l'article L. 3122-7 du code du travail | 40 heures | 44 heures |
Les entreprises relevant de secteurs d’activités jugés particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale sont déterminées par décret ainsi que les catégories de dérogations admises pour ces dernières.
L’employeur qui met en œuvre ces dispositions doit informer, sans délai, et par tout moyen le comité social et économique ainsi que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020.
ARTICLE 7 : Dérogation au repos dominical
L’article 7 de l’ordonnance introduit des dérogations au repos dominical à des entreprises relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique, qui seront déterminés par décret, ainsi qu’aux entreprises qui assurent à celles-ci des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale.
Il est prévu pour ces dernières la possibilité de déroger à la règle du repos dominical fixée à l’article L.3132-3 du code du travail en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent également de produire leurs effets au 31 décembre 2020.
Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.
Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.
Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels, leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.
Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).