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La différence entre faute disciplinaire et insuffisance professionnelle est parfois ténue. La régularité de la décision dépend notamment de cette distinction.
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Faute disciplinaire, insuffisance professionnelle … Les directeurs des établissements de santé sont bien souvent confrontés à une difficulté relative à la qualification juridique du comportement de l’un de leur fonctionnaire ou agent contractuel.

Cet agent fait-il preuve d’insuffisance professionnelle dans l’exercice de ses fonctions ?

Les manquements reprochés relèvent-ils davantage de la faute disciplinaire ?

La réponse à ces questions est primordiale afin de sécuriser la décision à intervenir et déterminer la procédure devant être mise en place.

 

 

Quelle est la différence entre les notions de faute disciplinaire et d’insuffisance professionnelle ?

  • La faute disciplinaire suppose que l’agent commette un manquement, transgresse une ou plusieurs obligations professionnelles. Par exemple, commet une faute disciplinaire, le médecin, l’infirmier qui viole le secret professionnel en divulguant l’identité d’un patient ou encore l’agent qui ne respecte pas ses horaires de travail.
  • S’agissant de l’insuffisance professionnelle, elle résulte d’une manière de servir qui traduit une incapacité de l’agent à accomplir les missions correspondant à son grade ou pour lesquelles il a été recruté. Elle consiste en un manque de diligence, de rigueur dans l’exécution du travail.

Concrètement, l’insuffisance professionnelle s’apprécie au regard du triptyque suivant :

  • Le savoir : la connaissance de l’agent
  • Le savoir-faire : les compétences techniques de l’agent
  • Le savoir-être : la capacité de l’agent à exercer ses fonctions en entretenant de bonne relation avec ses collègues.

En pratique le Directeur pourra déterminer si son agent fait preuve d’insuffisance professionnelle en comparant ses connaissances et ses compétences techniques avec celles d’un agent du même grade donnant pleine satisfaction dans son travail.

 

Dans le cas où le manquement constitue une faute disciplinaire et non une insuffisance professionnelle, comment déterminer la sanction proportionnée pouvant être infligée ?

 

La question de la proportionnalité de la sanction aux faits fautifs est centrale.

Il n’y a pas de méthode prédéfinie qui permettrait d’affirmer que tel manquement implique telle sanction.

Néanmoins, on peut dire que le choix de la sanction doit se faire au regard notamment :

  • De la nature de la faute
  • Des dysfonctionnements dans le service induits par les manquements
  • De l’existence d’antécédents disciplinaires : si l’agent a déjà été sanctionné dans le passé cela montre comportement général problématique
  • De la nature des fonctions occupées
  • Des victimes des agissements fautifs : Il faut également regarder envers qui les faits ont été commis : le juge est particulière attentif lorsque les faits sont commis envers des personnes vulnérabilités en raison de leur âge et/ou de leur pathologie

 

Une fois que le manquement reproché à l’agent a été juridiquement qualifié de faute ou d’insuffisance, quelle est la procédure à mettre en place ?

 

S’agissant de la procédure, elle est la même que l’agent soit poursuivi disciplinairement ou pour insuffisance professionnelle.

 

1/ D’abord, lorsque la Direction de l’établissement à connaissance de faits graves et suffisamment vraisemblables, elle peut procéder à la suspension à titre conservatoire de l’agent afin de sauvegarder l’intérêt du service, la sécurité des personnes et des biens.

Cette suspension, qui ne peut excéder un délai de 4 mois, est totalement indépendante de la procédure disciplinaire ou d’insuffisance professionnelle. Cela signifie que :

  • La régularité de cette suspension ne peut pas être remise en cause uniquement parce qu’aucune procédure n’a été engagée à l’encontre de l’agent à l’expiration du délai de 4 mois ;
  • Même si aucun texte ne le prévoit, le juge administratif a admis qu’une mesure de suspension pouvait intervenir avant le prononcé d’un licenciement pour insuffisance professionnelle dès lors que l’objet de la suspension est l’intérêt du service.

 

2/ Les droits de la défense doivent être respectés ce qui implique que l’agent soit informé :

  • de l’engagement d’une procédure disciplinaire ou pour insuffisance professionnelle à son encontre,
  • des faits qui lui sont reprochés,
  • de son droit à communication de son dossier individuel et à en obtenir copie éventuellement à titre onéreux,
  • de son droit d’être assisté par un ou plusieurs défenseurs de son choix,
  • et de la possibilité de présenter des observations orales et/ou écrites.

 

Attention, sur ce point une différence existence entre les agents titulaires et les agents contractuels puisque pour les agents contractuels un entretien préalable doit obligatoirement être organisé en cas de licenciement pour faute ou pour insuffisance professionnelle. C’est au cours de cet entretien que lui sera exposé ses droits et les faits qui lui sont reprochés.

 

3/ Le conseil de discipline est ensuite saisi par le Directeur de l’établissement qui rédige un rapport de saisine lequel sera adressé à l’agent poursuit et aux membres du conseil de discipline.

Ce rapport doit rappeler :

  • la situation administrative de l’agent,
  • le déroulement de sa carrière au sein de l’Administration,
  • ses éventuels antécédents disciplinaires
  • et bien le ou les faits pour lesquels le conseil de discipline est saisi.

À l’issue de ce rapport le Directeur propose la sanction qui est proportionnée au regard des faits ou, dans le cas d’une insuffisance professionnelle, le licenciement de l’agent.

 

4/ Le Président du conseil disciplinaire convoque ensuite l’agent et les membres du conseil de discipline.

  • Attention, l’agent doit être convoqué au moins 15 jours avant la séance au risque de vicier la procédure. Il convient d’être très prudent sur le respect de ces délais et d’envoyer cette convocation en pensant aux délais postaux qui peuvent être longs.

 

5/ Le Conseil de discipline se réunit lors d’une séance et entend, dans le respect du contradictoire, l’agent et son défenseur.

Le Conseil peut également entendre un représentant de l’établissement qui, s’il ne siège pas au sein du Conseil c’est-à-dire qu’il ne fait pas parti des représentants de l’administration ou n’est pas secrétaire de séance, peut se faire assister par un avocat ce qui permet d’équilibrer les échanges, l’agent poursuivi étant souvent assisté par un avocat ou un représentant du personnel.

 

6/ À l’issue des échanges, les membres du conseil délibèrent et votent de manière secrète. Seul le secrétaire de séance peut assister au délibération et au vote mais il n’y participe pas.

 

7/ Un avis motivé est rendu.

  • Le Directeur ne doit pas se sentir lié par cet avis pour rendre sa décision.

 

8/ La décision rendue, qu’elle soit une sanction disciplinaire ou un licenciement pour insuffisance professionnelle, doit être motivée.

La motivation des décisions est particulièrement importante afin d’éviter toute annulation par le juge en cas de contentieux.

Le recours à un avocat pour la sécurisation de la rédaction de la décision peut être opportun afin éviter toute déconvenue.

 

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).