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Création d'un code de la fonction publique
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La création bienvenue d’un Code général de la fonction publique

 

Article rédigé le 30 janvier 2022 par Me Antoine Tricaud

L’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du Code général de la fonction publique crée la partie législative du Code général de la fonction publique. Les dispositions de cette ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2022. Elle codifie les quatre lois statutaires de la fonction publique de 1983, 1984 et 1986 ainsi que des textes de lois plus récents comme la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
À terme, ce nouveau code devrait également regrouper les dispositions réglementaires applicables aux agents publics.

 

La volonté affichée du Gouvernement de contribuer au principe d’intelligibilité de la norme

 

« Le chantier de la codification du droit de la fonction publique a été engagé avec la ferme volonté de la mener à son terme afin de contribuer aux principes d’intelligibilité de la norme »

Réponse du ministère de la Transformation et de la Fonction Publique à la question écrite n° 27120 de la députée Alice Thourot, publiée au JO le : 23/02/2021 page : 1744

Cette recherche d’intelligibilité de la norme qui renverrait à la lisibilité du texte, ressort également du Rapport au Président de la République selon lequel la codification des différents textes gouvernant la matière « est le reflet d’une ambition, celle de rendre plus lisible et accessible un statut modernisé pour satisfaire tant les attentes des agents publics que celles des encadrants ou des services des ressources humaines mais aussi, plus largement, des citoyens ».

Il aura néanmoins fallu six habilitations législatives successives pour que ce chantier aboutisse. C’est finalement en application de l’article 55 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique qui habilitait le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à l’adoption de la partie législative du Code général de la fonction publique (CGFP) dans un délai de 24 mois que le projet a pu voir le jour.

Cette codification a été réalisée à droit constant, tout comme le Code des relations entre le public et l’administration en 2015 ou le Code de la commande publique en 2019.

Une telle codification qui consiste à recenser et à compiler des textes existants ne permet pas d’innovations importantes.

L’exercice n’est cependant pas anodin et devrait se révéler assez utile, tant pour les agents publics, que pour les encadrants ou les services des ressources humaines mais aussi, plus largement, des citoyens, comme le souligne le Rapport au Président de la République, car le code intègre de nombreux textes, qui vont bien au-delà des statuts généraux.

 

La codification du droit de la fonction publique selon un plan thématique

 

Ce Code général de la fonction publique rassemble au sein d’un seul et même corpus juridique, des dispositions très nombreuses, relativement diverses, et façonnées à des époques différentes.

Le Professeur Hélène Pauliat met assez bien en exergue les influences parfois opposées qui irriguent l’ensemble des textes gouvernant la matière :

« Entre les lois statutaires de 1983 et 1984 portées par Anicet Le Pors et la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique soutenue par Amélie de Montchalin, le fossé est important ; la société a changé en 40 ans et la codification doit intégrer ces évolutions. La cohérence d’ensemble n’allait donc pas de soi »

Hélène Pauliat, « Partie législative du Code général de la fonction publique : la sixième habilitation est la bonne ! », JCl. Adm. Fasc. Unique, 8 décembre 2021.

Tout d’abord, le chapitre liminaire du code revient sur la définition de certaines notions déterminantes dans la matière.

L’article L. 7 dudit code énonce en ce sens que :

« 1° Les mots : « agent public » désignent le fonctionnaire et l’agent contractuel ;

2° Le mot : « fonctionnaire » désigne le fonctionnaire civil de l’État, le fonctionnaire territorial et le fonctionnaire hospitalier mentionnés respectivement aux articles L. 3, L. 4 et L. 5 ;

3° Les mots : « agent contractuel » désignent l’agent contractuel recruté sur un contrat de droit public par l’une des autorités mentionnées à l’article L. 2 ;

4° Les mots : « agent de l’État » désignent le fonctionnaire de l’État et l’agent contractuel de l’État ;

5° Les mots : « agent territorial » désignent le fonctionnaire territorial et l’agent contractuel territorial ; 

6° Les mots : « agent hospitalier » désignent le fonctionnaire hospitalier et l’agent contractuel hospitalier.»

 

Deux autres enseignements sont à tirer de ce chapitre liminaire. D’une part, l’article premier fixe que le code « constitue le statut général des fonctionnaires » et d’autre part, l’article 2 énonce que « Pour autant qu’il en dispose ainsi, le présent code s’applique également aux agents contractuels ».

« Reflets de la montée en puissance de ces personnels », l’agent public contractuel fait, à de nombreuses reprises, l’objet de dispositions spécifiques dans le code (par exemple s’agissant du recrutement, de la fin de contrat, de la limite d’âge pour l’admission à la retraite, de la rémunération ou de la protection sociale).

Dans son ensemble, le Code général de la fonction publique comprend 8 livres et suit un plan thématique qui reprend, à compter du livre III, les grandes lignes de la carrière de l’agent public.

 Si la rupture avec une entrée par fonction publique qui prévalait jusqu’alors se veut plus accessible, certains choix dans le plan retenu interrogent :

        • Le livre Ier étonnamment dénommé « DROITS, OBLIGATIONS ET PROTECTIONS» se compose de quatre titres. Il précise les éléments définissant, selon le Rapport au Président de la République, « le cadre d’exercice des agents publics ». Pour mémoire, les « droits et obligations » renvoient au titre de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Le terme « protections » semble inapproprié ou relève à tout le moins d’un abus de langage. Il ne s’agit pas de protéger un agent contre des agissements caractérisant une situation de harcèlement moral ou sexuel, mais bien plutôt de lui garantir qu’une telle situation ne doit pas se produire. Lui préférer le terme « garanties » aurait sans doute été plus pertinent. C’est d’ailleurs la dénomination « Protections et garanties » qui a été retenue par le codificateur pour le Titre III de ce livre Ier.

       

        • Le livre II intitulé « EXERCICE DU DROIT SYNDICAL ET DIALOGUE SOCIAL» définit les éléments constitutifs du dialogue social ainsi que sa mise en œuvre.

       

        • Le livre III porte le titre « RECRUTEMENT». Il est consacré au recrutement des agents publics, fonctionnaires ou contractuels. Vraisemblablement, le codificateur ne semble pas avoir entendu hiérarchiser les deux catégories. Symbole de la place croissante de la contractualisation dans la fonction publique, elles occupent la même place dans ce nouveau code.

       

        • Le livre IV « PRINCIPES D’ORGANISATION ET DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES» revient sur les notions de corps, de cadres d’emplois, ainsi que de formation professionnelle des agents.

       

        • Le livre V dénommé « CARRIÈRE ET PARCOURS PROFESSIONNELS» détaille les positions et mobilités, les modalités d’appréciation de la valeur professionnelle des agents ainsi que leurs possibilités d’avancement et de promotion. Le titre consacré à la discipline permet d’unifier les dispositions relatives aux sanctions disciplinaires dans les trois fonctions publiques. Il comprend également un titre consacré à la perte d’emploi. Les dispositions de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relatives à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, sont en partie reprises dans le titre portant sur la cessation définitive de fonctions ou d’emploi.

       

        • Au sein du livre VI « TEMPS DE TRAVAIL ET CONGÉS» le codificateur a repris les règles encadrant la durée du travail et a tenté de regrouper les différents congés dont les fonctionnaires peuvent bénéficier. Etant donné que les congés pour raisons de santé sont quant à eux traités au livre VIII du code, l’ensemble manque de cohérence.

       

        • Le livre VII « RÉMUNÉRATION ET ACTION SOCIALE» rassemble les dispositions relatives à la rémunération des agents publics.

       

        • Le livre VIII « PRÉVENTION ET PROTECTION EN MATIÈRE DE SANTÉ ET DE SECURITE AU TRAVAIL » comprend les règles relatives à l’hygiène et à la sécurité mais aussi toutes les dispositions relatives à la prévention. Le titre II est consacré aux dispositifs de protections liées à la maladie, l’accident ou l’invalidité. Ainsi que le fait remarquer le Professeur Hélène Pauliat « Reléguer ces éléments en fin de partie législative n’est pas nécessairement un bon message. Le livre comprend une partie protection qui pouvait être intégrée en livre I ».

       

 

Une entrée en vigueur du Code général de la fonction publique au 1er mars 2022

 

L’article 11 de l’ordonnance n° 2021-1574 énonce que « Sous réserve des dispositions des articles 6, 7 et 8, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2022 ».

Ainsi, les dispositions annexées à l’ordonnance qui constituent la partie législative du Code général de la fonction publique entrent en vigueur à compter du 1er mars 2022.

Les rares exceptions concernent notamment l’abrogation de certaines dispositions qui ne prennent effet qu’à compter du prochain renouvellement général des instances dans la fonction publique et au plus tard, le 1er janvier 2023. Il en va ainsi des dispositions instituant le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière ou celles relatives au comité consultatif national.

D’autres exceptions tiennent à la nécessité d’attendre l’entrée en vigueur préalable des dispositions réglementaires correspondantes.

Les tables de concordance entre les dispositions statuaires en vigueur et les articles du Code général de la fonction publique sont d’ores et déjà publiées sur le site Légifrance.

 Ces tables de concordances présentent un intérêt dès lors qu’à compter du 1er mars 2022, il conviendra de faire preuve de vigilance et de ne pas se référer à un texte dont la version a été abrogée.

De prime abord, cette adaptation ne sera pas évidente, en particulier en cette année 2022.

L’exemple de la procédure disciplinaire pour la fonction publique hospitalière est assez éloquent. Lorsqu’il reviendra à l’autorité investie du pouvoir de nomination de saisir le conseil de discipline par un rapport précisant les faits reprochés au fonctionnaire et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis, celle-ci devra veiller à se reporter aux nouvelles dispositions du Code général de la fonction publique pour les dispositions législatives. D’un autre côté, elle devra s’assurer du respect des dispositions du décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, lesquelles n’ont pas encore été codifiées.

Il est à espérer que cette période transitoire soit de courte durée. A terme, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi devrait toutefois bien être atteint par cette codification. De fait, cet ensemble plus cohérent rendra très certainement la matière plus lisible.

 

 

POINT DE VIGILANCE :

 

L’article L. 530-1 du Code général de la fonction publique reprend littéralement le premier alinéa de l’article 29 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ».

Si aux termes du deuxième alinéa de cet article « Les dispositions de cet article sont applicables aux agents contractuels » – ce qui pourrait laisser entendre que l’ensemble du titre III relatif à la « DISCIPLINE » serait applicable aux agents contractuels – dès les articles suivants relatifs à la suspension de l’agent, les dispositions traitent uniquement de la situation du fonctionnaire. Il en va de même pour la procédure disciplinaire en tant que telle ainsi que pour les sanctions disciplinaires.

En conséquence, il conviendra, jusqu’à l’entrée en vigueur de la partie réglementaire du code, de se référer strictement, pour les agents contractuels de la fonction publique hospitalière, aux dispositions du Décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.

 

 

 

Si l’initiative de cette codification était attendue afin « d’effectuer la mise en ordre du droit », ici des règles applicables aux agents publics, il est certain que le nouvel outil que constitue ce Code général de la fonction publique nécessitera une phase d’adaptation pour l’ensemble des acteurs et notamment pour les services des ressources humaines.

De plus, l’effort poursuivi n’est que partiellement abouti. De nombreux textes à valeur réglementaire continuent de coexister aux côtés de ce nouveau code. Aucune date n’a encore été fixée et les échéances politiques à venir semblent peu propices à une entrée en vigueur rapide de ces dispositions règlementaires.

(G. Braibant, « La problématique de la codification », RFAP, 1997, n° 82, p. 167 et s.; « Utilité et difficultés de la codification », Droits, 24-1996, p. 64 et s.; « Codifier : Pourquoi ? Comment ? », RFAP, janvier-mars 1995, n° 73, p. 129 et s.)

Antoine TRICAUD, avocat à la Cour, a d’abord exercé dans un cabinet d’avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, avant d’intégrer le pôle social du cabinet en septembre 2020.

Très au fait des règles gouvernant la procédure administrative, il dispose de compétences solides dans les matières structurant le droit public, avec un goût prononcé pour le droit de la fonction publique.

Il représente les établissements publics aussi bien devant les juridictions administratives que disciplinaires.

Antoine TRICAUD conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).