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Formation spécialisée du CSE
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La formation spécialisée du CSE

 

Article rédigé le 19 janvier 2022 par Me Guillaume Champenois

La fusion du CTE et du CHSCT donnant naissance au comité social d’établissement (CSE) a pour effet de limiter le nombre d’instances qui sont, par définition, divisées par deux. Au-delà de cet effet visible, le fonctionnement de la formation spécialisée du comité social d’établissement est très sensiblement différent du CHSCT. Certaines pratiques critiquables ou abus des syndicats dans le cadre du fonctionnement du CHSCT ne seront plus possibles avec la formation spécialisée. Il faudra néanmoins veiller à ce que des sujétions non prévues par le décret du 3 décembre 2021 ne soient pas imposées à l’établissement au travers du règlement intérieur.

 

 

Le comité social d’établissement (CSE) issue de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 avait conduit les pouvoirs publics à publier rapidement les décrets d’application pour la fonction publique de l’Etat et territoriale. Il restait à publier le décret pour la fonction publique hospitalière. C’est chose faite avec le décret n°2021-1570 du 3 décembre 2021 relatif aux comités sociaux d’établissement. A l’image de la fusion du comité d’entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT donnant naissance au comité social économique au sein du secteur privé, le CSE issu de la loi du 6 août 2019 réunit en une seule instance le CTE et le CHSCT. On retrouve au sein du CSE un grand nombre de règles de fonctionnement du CTE. Pour schématiser, les missions actuelles du CHSCT sont confiées à la formation spécialisée de ce CSE. Les changements les plus notables sont ceux afférents au fonctionnement et aux prérogatives de cette formation spécialisée qui diffèrent sensiblement du CHSCT sur plusieurs points

 

Des évolutions sensibles sur le fonctionnement de la formation spécialisée par rapport au CHSCT

 

Le décret précise à son article 9 que

« le président du comité social d’établissement ou son représentant préside la formation spécialisée du comité. Outre les médecins du travail, assistent aux réunions des formations spécialisées, à titre consultatif, les représentants de l’administration en charge des dossiers concernés et le représentant du service compétent en matière d’hygiène. »

Nous sommes ici sur une évolution sensible par rapport au fonctionnement du CHSCT alors que dans ce dernier le chef d’établissement ne pouvait juridiquement être assisté que par un membre de droit dudit comité et donc uniquement par l’une des personnes visées à l’article R.4615-12 du code du travail (responsable des services économiques, l’ingénieur ou, à défaut, le technicien chargé de l’entretien des installations, l’infirmier général, un professeur des universités-praticien hospitalier chargé de l’enseignement de l’hygiène). Or, pour pouvoir remplir son obligation d’information vis-à-vis du CHSCT, et à partir de janvier 2023 vis-à-vis de la formation spécialisée, le directeur de l’établissement doit pouvoir être accompagné du ou des directeurs adjoints en charge du ou des dossiers dont est saisie la représentation des personnels siégeant au sein de ladite institution représentative du personnel.

L’article 63 du décret fixe également la désignation du secrétaire et des modalités de rédaction du procès-verbal. Pour rappel, le code du travail ne précise pas qui doit rédiger le procès-verbal du CHSCT. C’est uniquement la circulaire du ministère du travail de 1993 qui prévoit que le procès-verbal du CHSCT est établi par le secrétaire. Pour ce qui concerne le CTE, l’article R 6144-72 du code de la santé publique prévoit que le Président et le secrétaire signent le procès-verbal sans désigner la personne qui sera en charge de sa rédaction. De même, que ce soit pour le CHSCT comme pour le CTE, les textes applicables ne précisent nullement la durée du mandat des fonctions de secrétaire.

Par ailleurs et surtout, on relève que le texte règlementaire donne des précisions sur le contenu du procès-verbal. Ce dernier doit contenir « le compte rendu des débats et le détail des votes ». Cette précision est utile en ce qu’elle permet de conforter l’analyse selon laquelle le procès-verbal du CSE doit résumer ou faire la synthèse des débats et non une retranscription au mot près. La question de la présentation du détail des votes n’a jamais constitué une difficulté. En revanche, la question de la retranscription des débats est un sujet en soit et cause des difficultés certaines pour nombre d’établissements.

 

Le directeur de l’établissement établit seul l’ordre du jour

 

L’article 67 du décret fixe les modalités de convocation et de fixation de l’ordre du jour. L’évolution majeure par rapport au CHSCT réside dans le fait que l’ordre du jour de la formation spécialisée demeure de la seule compétence du Président que ce soit pour le comité comme pour la formation spécialisée. Le secrétaire du comité comme le secrétaire de la formation spécialisée sont consultés préalablement à la définition de l’ordre du jour et peuvent proposer l’inscription de points à l’ordre du jour. On observe que si le secrétaire peut faire des propositions, le Président n’est pas tenu de les intégrer à l’ordre du jour. La règle issue du code du travail selon laquelle l’ordre du jour est défini par le Président et le secrétaire prend donc fin.

Par ailleurs, il ressort du décret que les points entrant dans la compétence du comité dont l’examen a été demandé par la moitié au moins des représentants titulaires du personnel sont de plein droit insérés à l’ordre du jour du comité. Il n’y a ici aucune évolution par rapport au code du travail étant observé que cette règle concerne bien le comité social d’établissement et non la formation spécialisée. Cet article 67 ne prévoit pas une telle possibilité pour les points à l’ordre du jour de la formation spécialisée lequel est fixé de manière unilatérale par le seul Président sans possibilité de le contraindre à y ajouter tel ou tel item.

 

L’audition de personnes qualifiées doit être autorisée par le Président

 

Enfin, les membres de la formation spécialisée ne pourront plus imposer au Président l’audition d’une « personne qualifiée » comme c’est aujourd’hui le cas avec le CHSCT. En effet, l’article 68 du décret prévoit que « le président, à son initiative ou à la demande de membres titulaires de l’instance concernée, peut convoquer des personnes qualifiées en fonction au sein de l’établissement afin qu’elles soient entendues sur un point inscrit à l’ordre du jour. Le nombre et l’identité des personnes qualifiées doivent être soumis à l’accord du président au plus tard quarante-huit heures avant l’instance. » Le président a donc de facto un droit de veto sur la demande des représentants du personnel siégeant au sein de la formation spécialisée ayant pour objet d’auditionner telle ou telle personne de l’établissement en qualité de personne qualifiée.

 

Le recours à l’expertise sera très encadré et pourra faire l’objet d’une décision de refus du directeur de l’établissement

 

L’évolution majeure entre le CHSCT et la formation spécialisée du CSE concerne les modalités de recours à l’expertise. A l’heure actuelle, sur le fondement de l’article L. 4614-12 du code du travail, le CHSCT d’un établissement public de santé peut décider de recourir à un expert agréé pour une expertise en cas « de danger grave » ou de « projet important » de l’employeur modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail. Il ressort de l’article 51 du décret du 3 décembre 2021 une évolution sensible des modalités de recours à l’expertise par rapport aux règles issues du code du travail.

En premier lieu, le recours à une expertise est possible uniquement si la formation spécialisée du CSE ne dispose pas des éléments nécessaires à l’évaluation des risques professionnels, des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail. Il s’en déduit que lorsque l’expertise est sollicitée par la majorité des membres de la formation spécialisée, ladite formation devra faire la démonstration qu’elle ne dispose pas des éléments précités. Dès lors, on peut imaginer qu’une telle démonstration ne saurait être retenue si la direction de l’établissement a déjà mandaté un expert indépendant pour la réalisation d’une telle expertise. C’est ici une différence notable avec la jurisprudence de la cour de cassation applicable au CHSCT et aux termes de laquelle le droit de recours à une expertise ne saurait être remis en cause par le simple fait que l’employeur ait lui-même eu recours à un prestataire pour réaliser à sa propre demande une expertise.

En deuxième lieu, si la rédaction de cet article 51 est assez proche de la rédaction de l’article L 4614-12 du code du travail concernant le risque grave, il apporte une limitation importante pour l’expertise réalisée sur un projet important. En effet, le recours à l’expertise est possible « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail lorsqu’il ne s’intègre pas dans un projet de réorganisation de service. » Ainsi et de facto, toute projet s’intégrant dans un projet de réorganisation de service ne pourra donner lieu à une demande d’expertise. Il incombera ici au juge de déterminer si ces dispositions doivent être interprétées restrictivement ou de manière extensive. Autre changement notable, le délai de réalisation de l’expertise est de 45 jours et ce tant pour l’expertise pour projet important que celle sollicitée pour risque grave étant observé que le code du travail ne fixait un tel délai que pour le projet important.

Enfin, il est prévue que le chef d’établissement pourra s’opposer à l’expertise par une décision substantiellement motivée qui sera notifiée à la formation spécialisée. L’agent de contrôle de l’inspection du travail sera alors saisi et devra établir un rapport notifié conjointement à la formation spécialisée et au chef d’établissement. Ce dernier disposera d’un délai de 15 jours pour y apporter une réponse motivée indiquant les mesures prises au vu du rapport et les mesures que la direction va prendre ainsi que le calendrier de mise en œuvre. Copie de cette réponse est adressée à la formation spécialisée. Ainsi, en l’état du texte règlementaire, l’opposition à une demande d’expertise sollicitée par la formation spécialisée ne conduira pas le directeur d’établissement à saisir le juge judiciaire mais à prendre une décision de refus qui devra être substantiellement motivée.

 

Le risque du règlement intérieur imposant une sujétion non prévue par le décret

 

Ces dispositions règlementaires encadrant le fonctionnement et les prérogatives de la formation spécialisée du comité social d’établissement étaient très attendues par les directeurs d’établissement confrontés à une forme de dévoiement des règles du code du travail par la représentation des personnels siégeant au sein du CHSCT. Les recours infondés et abusifs à l’expertise pour contraindre la direction de l’établissement, la fixation d’un ordre du jour toujours plus long, le fait d’imposer l’audition de plusieurs agents d’un service en qualité de « personne qualifiée » sans discussion possible avec la direction, le fait de refuser que le directeur soit accompagné d’un directeur adjoint pour présenter un dossier, sont autant de pratiques qui sont vouées à disparaitre. Ce faisant, il conviendra de prendre garde au contenu du règlement intérieur lequel ne devra pas être utilisé par le comité social d’établissement pour imposer au chef d’établissement des sujétions non prévues par le décret. Les équipes de direction des établissements publics de santé comme celles des GCS de droit public seraient donc inspirées d’être particulièrement vigilantes sur ce point.

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).