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Agents inaptes stagiaires de la fonction publique hospitalière : quelles obligations pour l’employeur ?

 

La Cour administrative d’appel de Nantes et la Cour administrative d’appel de Bordeaux ont dû récemment se pencher sur l’épineuse question du reclassement des stagiaires de la fonction publique hospitalière. :

 

Les fonctionnaires stagiaires inaptes de la fonction publique hospitalière bénéficient-ils d’une obligation de reclassement?

 

Pour comprendre l’enjeu de ce sujet, il convient de revenir sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 octobre 2002. Ce dernier a consacré comme principe général du droit, le droit pour un salarié définitivement atteint d’une inaptitude physique à être reclassé par son employeur dans un autre emploi.

 

Aussi, ce n’est qu’en cas d’impossibilité de reclassement, qu’il peut être envisagé de licencier le salarié inapte. Cette solution a été appliquée aux agents des chambres de commerce et d’industrie.

 

Comme le souligne M POLGE, rapporteur public, ce principe avait été dégagé afin de sortir « les agents concernés de l’impasse dans laquelle pouvaient les placer l’absence de texte réglant de manière satisfaisante leur situation et le comportement de certains employeurs qui laissaient les agents comme en suspens, sans reclassement ni licenciement assorti d’une indemnité

 

Elle a ensuite été étendue :

  • aux agents contractuels de droit public;
  • mais également aux agents stagiaires par différentes juridictions du second degré

 

Toutefois, en 2016, le Conseil d’Etat, s’agissant des agents stagiaires de la fonction publique d’Etat, a adopté une position radicalement différente des juridictions du second degré.

 

La Haute juridiction considère qu’il ne ressort d’aucun principe général un droit de reclassement au profit des fonctionnaires stagiaires.

 

Elle ajoute également que les textes applicables aux stagiaires de la fonction publique d’Etat  n’imposent pas d’obligation de reclassement :

 

« ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 7 octobre 1994 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit à être reclassés » (Conseil d’État, 5ème / 4ème SSR, 17/02/2016, 381429) ;

 

Pour le rapporteur public M. Nicolas POLGE, la situation des stagiaires de l’Etat est réglée de façon très précise par les textes applicables, contrairement aux agents des chambres de commerce et d’industrie dans l’arrêt précité du Conseil d’Etat.

 

Or, si une obligation de reclassement, comme principe général du droit, était retenue pour les fonctionnaires stagiaires, cela reviendrait à faire prévaloir ce principe sur les règles édictées compétemment par le pouvoir réglementaire, alors qu’aucune lacune n’est à combler en ce qui les concerne.

 

Aussi, donner une telle portée à ce principe ne lui paraît pas justifié, les stagiaires se trouvant dans une situation « probatoire et provisoire ».

 

Le stagiaire n’a aucun droit à titularisation. Il « ne peut donc avoir un droit au reclassement, qui est le corollaire du droit au maintien dans l’emploi »[6].

 

Le Conseil d’Etat s’est de nouveau prononcé, quelques jours après cet arrêt, sur un autre versant de la fonction publique, la territoriale.

 

A cette occasion, il est possible de s’étonner du fait que la juridiction retienne le bénéfice d’un droit au reclassement au profit du fonctionnaire territorial stagiaire victime d’un accident de service ou d’une maladie contractée au service.

 

Cette contradiction n’est que d’apparence. Ce droit a été reconnu par le Conseil d’Etat par application des dispositions réglementaires particulières relatives aux stagiaires de la fonction publique territoriale et non en vertu d’un principe général du droit.

 

Par conséquent, une constante peut être dégagée de ces arrêts  de la Haute juridiction :

L’absence de principe général de droit conférant aux fonctionnaires stagiaires un droit à être reclassé eu égard à leur situation probatoire et provisoire.

Ensuite, il convient de se référer aux dispositions juridiques spécifiques applicables aux fonctionnaires stagiaires en question relevant soit de la fonction publique d’Etat soit de la fonction publique territoriale.

C’est ainsi, sans surprise, que les Cours administratives d’appel de Nantes et Bordeaux ont confirmé toutes deux pour les agents stagiaires de la fonction publique hospitalière l’absence d’un principe général de droit leur étant applicable en matière de reclassement. En revanche, restait à examiner les textes applicables à ces agents pour apprécier s’il pouvait en être extirpé un droit au reclassement.

 

C’est, en effet, la première fois que des juridictions de second degré se prononçaient sur cette question depuis la décision adoptée par le Conseil d’Etat en 2016 dans la fonction publique d’Etat puis la même année dans la territoriale.

 

A l’instar de la fonction publique d’Etat, il a été constaté l’absence de dispositions particulières encadrant un droit au reclassement au profit de l’agent stagiaire :

 

« Si, en vertu d’un principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés que les règles statutaires applicables aux fonctionnaires, en cas d’inaptitude physique définitive, médicalement constatée, à occuper un emploi, il appartient à l’employeur de reclasser l’intéressé dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer son licenciement dans les conditions qui lui sont applicables,  ni ce principe général ni les dispositions citées ci-dessus de la loi du 9 janvier 1986 et du décret du 12 mai 1997 ne confèrent aux fonctionnaires stagiaires, qui se trouvent dans une situation probatoire et provisoire, un droit, pour toute inaptitude, à être reclassés dans l’attente d’une titularisation. »

 

Par conséquent, il se dégage de ces arrêts une absence d‘obligation de reclassement au profit des agents stagiaires de la fonction publique hospitalière et ce, peu importe le caractère imputable ou non de la pathologie au service.

 

Aussi, et conformément aux dispositions réglementaires, l’agent stagiaire de la fonction publique hospitalière inapte à reprendre ses fonctions de façon définitive et absolue, à l’expiration de ses droits à congé accordés pour raison de santé, est soit licencié ou, s’il a la qualité de fonctionnaire titulaire dans un autre corps, cadre d’emplois ou emploi, il est mis fin à son détachement. L’intéressé est alors remis à la disposition de son administration d’origine dans les conditions prévues par le statut dont il relève.

 

Pour lire l’arrêt : “Le reclassement des stagiaires de la fonction publique hospitalière”


 

[1] CAA de NANTES 19 octobre 2019 n°16NT04134 ; CAA de BORDEAUX, 2ème chambre – formation à 3, 06/03/2018, 16BX00649

[2] Conseil d’Etat, 22 octobre 2002, Chambre de commerce et d’industrie de Meurthe-et-Moselle, n°227868, publié au recueil Lebon

[3] Conclusions de M. Nicolas POLGE, rapporteur public, CE,  N°381429, 17 février 2016

[4] CE, 26 février 2007, Agence nationale pour l’emploi, n°276863

[5] A titre d’exemples, Cour administrative d’appel de Paris, 10/12/2013, 12PA01500; Cour Administrative d’Appel de Versailles, 01/04/2014, 12VE0179

[6] Conclusions de M. Nicolas POLGE, rapporteur public, CE,  N°381429, 17 février 2016

[7] Conseil d’État, 3ème SSJS, 26/02/2016, 372419

[8] Position réaffirmée par le Conseil d’Etat dans le cadre d’une suppression de poste (Conseil d’État, 3ème – 8ème chambres réunies, 05/10/2016, 386802)

Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.

Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.

Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans  les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels,  leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.

Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).