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Mon associé, malade, doit cesser son exercice, quelles conséquences ?

Article rédigé le 2 avril 2023 par Me Lorène Gagnloff


Lorsqu’ils s’associent dans le cadre de structures d’exercice ou de moyens, les médecins recherchent naturellement une amélioration de leurs conditions de travail.Toutefois, l’association n’est pas un long fleuve tranquille et de nombreux évènements peuvent venir impacter son équilibre.Que se passe-t-il quand surgit un évènement imprévisible tel qu’un accident ou une maladie ?Comment concilier le devoir d’entre-aide, la préservation de la structure, et les intérêts de chacun ?

Tout est question d’anticipation. Les dispositions législatives et réglementaires étant silencieuses en la matière, qu’il s’agisse d’une structure d’exercice ou de moyens, les clauses des statuts et du règlement intérieur doivent apporter des réponses adaptées aux différents cas qui peuvent se présenter.

 

 

La maladie ou l’accident d’un associé soulève la question de son incapacité à exercer (I) et de ses conséquences. Si certaines de ces conséquences sont communes aux deux catégories de structures, à savoir, le sort des parts sociales ou actions (II) et des mandats sociaux (III), certaines, à l’inverse, sont spécifiques à chaque type de structure. On retrouve ainsi, la question de la contribution aux charges (IV) dans les sociétés de mise en commun de moyens et celles de la prise en charge de la patientèle du confrère absent et de sa rémunération (V), dans les sociétés d’exercice.

 

L’incapacité à exercer de l’associé

La maladie ou l’accident de l’associé médecin amène à s’interroger sur la notion d’incapacité à d’exercice.

L’exercice libéral n’étant pas régi par les dispositions du code du travail, l’incapacité à exercer n’est pas définie par les textes, toutefois il apparaît raisonnable de considérer que l’incapacité naît à compter de la délivrance d’un arrêt de travail qui permet d’objectiver l’état de l’associé concerné.

En tout état de cause, il est recommandé aux associés de définir dès la constitution de la société la notion d’incapacité d’exercice dans les statuts ou le règlement intérieur.

Mais au-delà de la notion d’incapacité, la dichotomie entre incapacité temporaire et incapacité définitive peut poser des difficultés.

Ici encore, il est préférable de préciser à partir de quelle durée d’incapacité cette dernière peut être considérée comme définitive ou poser d’autres critères tels que le constat d’une incapacité définitive par un médecin tiers à la structure, pour éviter toute divergence d’interprétation.

En pratique, il est courant que les statuts définissent l’incapacité définitive d’exercer comme une incapacité continue pendant une période fixée entre un et deux ans.

 

Le sort des titres de l’associé en incapacité d’exercer

Dans les sociétés de forme civile (sociétés civiles professionnelles, sociétés civiles de moyens) comme les sociétés de forme commerciale (sociétés d’exercice libéral), la détention de titres (parts sociales ou actions) joue un rôle majeur dans le fonctionnement de la société dans la mesure où elle détermine les droits de vote de l’associé et, ainsi, son poids dans les décisions collectives, et ses droits, le cas échéant, à percevoir des dividendes.

Tant que l’associé conserve ses parts sociales ou actions, ce dernier doit, en principe, pouvoir jouir des droits y afférents et ainsi prendre part aux décisions collectives et bénéficier d’une partie du résultat.

Le maintien de tels droits peut interroger, en particulier, lorsque l’incapacité se prolonge.

Pour éviter que cette situation ne devienne problématique, les associés doivent le plus précisément possible organiser la poursuite de l’exercice des droits pendant la période d’incapacité et, le cas échéant, prévoir la cession des titres.

Il peut, par exemple, être prévu qu’à compter du moment où le praticien associé se trouve dans l’incapacité définitive d’exercer son activité, telle que définie par les statuts ou le règlement intérieur, ce dernier s’engage à céder ses parts sociales ou actions.

 

Le sort du mandat social de l’associé en incapacité d’exercer

 

Au-delà de la question de la détention de titres dans la société qui est inhérente à la qualité d’associé, le médecin dans l’incapacité de poursuivre son exercice peut être titulaire d’un mandat social de gérant, en société civile ou en société d’exercice libéral à responsabilité limitée, ou encore de président, en société d’exercice libéral par actions simplifiée.

Aucun texte législatif ou règlementaire ne prévoit que l’incapacité d’exercer en raison d’une maladie ou d’un accident met fin au mandat social de l’associé. Ainsi, le mandat se poursuit jusqu’à son éventuelle révocation.

Dès lors, se pose la question de la rémunération du mandat social.

Le simple fait que l’associé soit malade et qu’il ne puisse plus exercer suffit-il à justifier la cessation du versement de la rémunération correspondante ?

Dans un arrêt du 21 juin 2017(Com. 21 juin 2017, n°15-19.593), la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé qu’en cas de maladie d’un associé co-gérant d’une société à responsabilité limitée, dont la rémunération est fixée par les statuts ou une décision collective, ce dernier devait continuer à percevoir sa rémunération en l’absence de révocation de son mandat.

 

La contribution aux charges de l’associé pendant l’incapacité d’exercice

Dans une structure de mise en commun de moyens, type société civile de moyens (SCM), la participation des associés aux charges de la structure est déterminée par les associés eux-mêmes, que ce soit au sein des statuts ou du règlement intérieur.

Celle-ci peut être fixée en fonction des moyens effectivement utilisés par l’associé ou selon une proportion fixée par les statuts ou le règlement intérieur.

Si la participation aux charges est corrélée à ce qu’utilise réellement le professionnel dans le cadre de son activité en termes de matériel, de personnel ou de services, l’incapacité du médecin va nécessairement se traduire par une baisse de sa contribution aux charges.

A l’inverse, si la contribution aux charges est arrêtée en dehors de toute prise en considération de l’utilisation des moyens (à parts égales entre les associés ou selon une autre proportion), il pourra être prévu une adaptation de cette contribution en cas de cessation d’activité d’un associé pour maladie ou accident et ce au titre du devoir d’entraide entre médecins.

 

La patientèle et la rémunération de l’associé en incapacité d’exercer

Dans une structure d’exercice en commun, les associés exercent leur activité au travers de la société. Ainsi, la patientèle n’est pas celle du praticien associé, mais celle de la société et les honoraires sont facturés par et pour la société.

Pour assurer la continuité des soins et le maintien du même niveau d’honoraires, l’activité du praticien doit être assurée par un autre associé de la structure ou un remplaçant.

Les modalités de répartition de la charge de travail entre les associés et de rémunération varient d’une structure à l’autre, mais la question se pose nécessairement de l’adaptation de ces règles lorsque l’un des associés se trouve dans l’incapacité d’exercer son activité.

Dans ces conditions, il convient de statuer sur :

  • les conditions de prise en charge de la patientèle du praticien malade, par un praticien de la structure ou un remplaçant ;
  • en cas de recours à un remplaçant, la prise en charge, ou non, par la structure de son coût ;
  • le maintien ou non de la rémunération du praticien en incapacité d’exercer, le cas échéant, en fonction de la durée de l’incapacité ;
  • en cas de maintien de la rémunération, son montant.

 

La lecture de statuts de sociétés d’exercice révèle la grande diversité des modalités de prise en charge qui peuvent être prévues par les associés, mais comme en matière de détention de parts sociales, il est souvent opéré une distinction entre l’incapacité temporaire et l’incapacité définitive, à compter de laquelle la solidarité mise en place pour accompagner le confrère malade prend fin et ce en vue de préserver l’équilibre de la structure.

La maladie de l’associé, lorsqu’elle se traduit par une cessation de son exercice, soulève ainsi de nombreuses problématiques. Au vu des contradictions pouvant exister entre les intérêts des différents associés, il convient d’anticiper ces questions et de déterminer précisément la marche à suivre dans une telle situation car, à défaut, celles-ci risquent d’être source de tensions voire de contentieux (CA Basse-Terre, 19 avril 2021, n°18-00956, CA Riom, 22 mars 2023, n°21/01362).

 

 

 

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.