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La publication d’un livre de témoignages de médecins en souffrance dans leur exercice professionnel, amplifiée par la « une » d’un hebdomadaire, et de nombreuses reprises journalistiques donnent un nouveau coup de projecteur sur une réalité que personne ne saurait nier : oui ; il existe des professionnels de santé qui se trouvent marginalisés dans leur établissement, qui se trouvent en « burn-out » ou qui, pour certains, face à de trop lourdes remises en cause, en viennent à des décisions personnelles extrêmes.

La détresse de certains professionnels ne peut être systématiquement attribuée à la pression financière

Peut-on pour autant réduire les causes de ces situations à la pression financière qui pèse sur les établissements de santé ? Si cette pression existe, et nous y reviendrons, le malaise de ces professionnels trouve souvent son origine dans des causes nombreuses et diverses.  Elles ne sauraient être de la seule responsabilité de l’institution hospitalière, de telle ou telle hiérarchie administrative ou médicale. Elle peut aussi, disons les choses clairement, être le fait de comportements individuels aussi bien de collègues que de la personne concernée elle-même.

Quelques mots concernant la pression financière qui pèse sur le système de santé. Arrêtons tout d’abord avec cette appréciation si souvent rabâchée par certains : l’hôpital serait soumis à un objectif de rentabilité. L’hôpital n’a pas à être rentable. Aucun pouvoir public ou tutelle n’a fixé à un établissement de santé public un tel objectif. Retenons tout simplement que notre système de santé est financé par la collectivité à travers l’assurance maladie. Demander à ceux qui perçoivent ce type de financement de justifier de l’utilisation de leurs recettes est tout simplement conforme à l’intérêt général. D’autant que, pour prendre en charge des maladies chroniques, nous avons besoin de financer des coûts autres qu’hospitaliers notamment en ambulatoire.

On ne pourra faire baisser la tension qui pèse sur les hôpitaux qu’en poursuivant les réformes de l’organisation des soins

On peut regretter que les réformes structurelles nécessaires à l’organisation de l’offre de soins, n’aient pas été mises en œuvre suffisamment tôt pour alléger les missions qui pèsent encore trop souvent sur l’hôpital et que les restructurations hospitalières permettant d’organiser une graduation et une complémentarité des soins entre établissements aient trop tardé au regard des enjeux économiques mais aussi de qualité de l’offre. Aujourd’hui des outils existent et là où le dialogue entre les acteurs hospitaliers et ambulatoires se déroule dans de bonnes conditions, on voit se mettre en place des modes d’organisation à la satisfaction des professionnels et des patients.

Il ne s’agit donc pas de nier que la mutation que doit opérer aujourd’hui l’hôpital créé des tensions qui pèsent sur les personnels médicaux et non médicaux. On ne pourra alléger ces tensions qu’en continuant les réformes de notre système de santé, en organisant les coopérations entre les différents acteurs, en organisant des réponses adaptées aux spécificités territoriales et sociales des populations concernées.

Pour être résolues, les difficultés personnelles de certains professionnels doivent être traitées avec rigueur, sans être instrumentalisées

Concernant les situations de mal être que connaissent certains professionnels, la « stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail pour les professionnels de santé hospitaliers et libéraux » mise en place par le ministère de la santé à la fin de 2016 montre bien que la prise de conscience, même tardive, a été faite. Il est nécessaire que les diverses actions prévues dans cette stratégie soient développées.

Il est aussi nécessaire de ne pas faire de cas individuels des emblèmes, lorsqu’il s’agit de situations particulièrement complexes qui, pour être traitées dans l’intérêt général de tous, du professionnel concerné comme de l’institution hospitalière elle-même, ne peuvent l’être qu’avec prudence et en respectant des règles strictes.

La décision, il y a plusieurs mois de mettre en place une mission de médiation nationale afin de régler dans la sérénité et l’apaisement ces situations personnelles toujours difficiles, est certainement une très bonne idée. En revanche, sa mise en œuvre prête à critique.

Il est par exemple regrettable que tel établissement, et plus particulièrement sa gouvernance, se trouve stigmatisée dans un rapport rendu public, (de plus sur le site du ministère), sans que, ce rapport ait fait l’objet de l’application du principe fondamental du contradictoire. Une telle situation est contraire à un objectif de médiation.

Une médiation répond à une volonté de parvenir entre deux parties à un accord en vue de la résolution amiable des différents qui les opposent. Lorsqu’on est dans une situation où un professionnel ne trouve plus sa place dans une équipe, qu’il fait l’objet parfois d’un rejet au sein de son service et n’a plus comme solution que de se mettre en arrêt maladie, on est confronté à un problème de management comme il en existe dans toutes les communautés de travail. Que pour faciliter la recherche de solutions à cette situation un regard et un conseil extérieur soient utiles, c’est vrai, mais gardons-nous là encore d’appeler cette démarche médiation.

Enfin, puisqu’il s’agit dans les établissements publics de santé, de professionnels régis par un cadre statutaire, il ne faudrait pas oublier que si la loi de 2009 a donné au directeur un pouvoir de nomination des praticiens, ce pouvoir ne lui permet pas de trouver seul des solutions extérieures à l’établissement, la mise en recherche d’affectation étant du ressort du Centre national de gestion.

Les cas individuels que révèle cet ouvrage ou qui sont mis en exergue dans des médias ne doivent pas être négligés ni traités à la légère. Si on veut vraiment servir l’intérêt des professionnels concernés et des institutions dans lesquels ils interviennent, on ne peut accepter que ces situations soient instrumentalisées par qui que ce soit. Elles appellent une juste appréciation du contexte dans lequel elles se sont révélées et un traitement discret mais où chacun est à même de prendre ses responsabilités.

Quant à la pression financière que « des administratifs » doivent faire peser sur les établissements et les professionnels qui y exercent, il y a fort à parier qu’elle ne baissera pas si on veut garder notre système de solidarité nationale. Cela nécessite que notre système de santé continue de se réformer pour s’adapter en permanence à des besoins de patients qui évoluent comme doit donc évoluer leur prise en charge.

 

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.