Le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, dont le texte est actuellement examiné en première lecture à l’Assemblée Nationale, ne contient pas de dispositions faisant évoluer dans l’immédiat le régime des autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds.
L’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance.
L’article 9 du projet de loi se borne à habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance et dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la future loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
- modifier le régime d’autorisation des activités de soins, des équipements matériels lourds, des alternatives à l’hospitalisation et de l’hospitalisation à domicile en vue notamment d’adapter les activités de soins au développement des alternatives à l’hospitalisation, à des nouveaux modes d’organisation des acteurs de santé ainsi qu’aux particularités de certaines activités rares ;
- adapter le régime des autorisations aux activités réalisées dans le cadre des dispositifs de coopération et de coordination des acteurs de santé ;
- simplifier les procédures et les conditions de délivrance des autorisations d’activités de soins ;
- faire évoluer le régime spécifique des hôpitaux des armées en cohérence avec les évolutions du régime des autorisations.
Des évolutions législatives s’inscrivant dans la continuité des modifications réglementaires.
Il s’agit pour le législateur d’anticiper les probables évolutions législatives que nécessiteront les modifications devant intervenir sur la partie réglementaire du régime des autorisations.
Pour mémoire, le ministère de la santé a mis en place à la fin de l’année 2017 plusieurs groupes de travail dont les travaux doivent déboucher d’ici à 2020 sur une série de décrets qui modifieront les conditions d’implantations et les conditions techniques de fonctionnement d’une quinzaine d’activités de soins et d’équipements matériels lourds.
Auparavant, une ordonnance du 4 janvier 2018[1], suivie d’un décret d’application du 19 février[2]avaient déjà apporté au droit des autorisations sanitaires plusieurs modifications significatives (allongement de 5 à 7 ans de la durée des autorisations, visites de conformité facultatives, prise en compte des critères de qualité par le biais des rapports de certification de la HAS…), mais sans changer fondamentalement la logique du régime, qui demeure basé sur la notion de site d’implantation et appréhende les activités de soins et les équipements matériels lourds de manière individualisée, sans véritablement prendre en compte l’environnement immédiat, ni la filière de soins dans lesquels s’insèrent ces activités.
On ne sait si les futures dispositions prises par voie d’ordonnance infléchiront cette logique.
Selon les termes de l’exposé des motifs de la loi, les futures dispositions viseront à moderniser le régime des autorisations et « clarifieront la gradation des soins avec un double objectif de qualité et de sécurité ».
L’étude d’impact de la loi révèle que les domaines susceptibles d’être concernés par ces évolutions sont :
- La titularité des autorisations ; il est envisagé d’étendre la liste des titulaires possibles d’une autorisation pour permettre des modes d’organisation plus aisés à une échelle différente d’un site géographique ;
- La planification de l’organisation et du fonctionnement de certaines activités rares ou à haut risque (mise en place d’un maillage national pour certaines activités telles que les greffes rares et d’une régulation interrégionale à l’intérieur de certaines activités de soins, comme par exemple la cardiologie interventionnelle pour les enfants) ;
- La notion d’équipe médicale de territoire, dont les contours et la position en droit des autorisations sont actuellement débattus ;
- L’évolution de l’hospitalisation à domicile, qu’il est envisagé d’ériger en activité de soins à part entière.
Une réforme qui doit articuler sécurité de soins et territorialisation de l’offre
L’enjeu de cette réforme est loin d’être purement technique. De son contenu va dépendre en partie la réussite ou l’échec de la mise en place d’une offre de soins hospitalière véritablement territorialisée et graduée, propre à garantir à l’ensemble de la population un égal accès à des soins de qualité délivrés dans des conditions de sécurité optimales.
Un encadrement juridique plus strict des conditions d’implantation et de fonctionnement de certaines activités de soins (on pense notamment à la chirurgie), dans une optique de renforcement de la qualité et de la sécurité, pourrait avoir des conséquences sur la capacité de certains hôpitaux à continuer de proposer certaines spécialités, compte tenu des contraintes auxquelles ces établissements doivent faire face (déficits chroniques, démographie médicale, enclavement géographique).
Le renforcement des conditions techniques de fonctionnement de l’activité de gynécologie-obstétrique à la fin des années 1990 a ainsi contribué à accélérer la fermeture de certaines maternités de proximité qui n’avaient plus le volume d’activité, ni les effectifs médicaux suffisants pour continuer à fonctionner dans le respect de la réglementation[3].
Si le renforcement de la qualité et de la sécurité des soins est une nécessité incontestable, il doit s’accompagner d’outils de coopération et de mutualisation qui permettront aux établissements les moins bien dotés de s’inscrire dans une filière de soins et de bénéficier de moyens leur permettant d’assurer une offre hospitalière de premier niveau répondant aux nouvelles conditions techniques de fonctionnement.
La création d’une équipe médicale territoriale, qui permettrait notamment de mutualiser les ressources médicales et d’assurer une prise en charge coordonnée à l’échelle de plusieurs établissements constitue à cet égard une piste intéressante.
D’autres pistes pourraient également être explorées comme par exemple, la suppression de l’obligation pour les groupements de coopération sanitaire exploitants d’exploiter les autorisations sur un site unique ou encore la création d’une autorisation de projet, à l’image de ce qui existe déjà pour les plateaux mutualisés d’imagerie médicale[4]. Ce type d’autorisation qui intégrerait plusieurs activités de soins et/ou équipements dans un même projet de coopération, éventuellement initié par l’ARS par le biais d’une procédure d’appel à projet, permettrait de rompre avec la logique de segmentation des autorisations qui prévaut actuellement.
[1]Ordonnance n°2018-4 du 4 janvier 2018.
[2]Décret n°2018-117 du 19 février 2018.
[3]Cf. La communication de la Cour des comptes à la Commission des affaires sociales du Sénat sur les maternités (décembre 2014), cahier 1 page 9.
Nicolas Porte, avocat associé, exerce son métier au sein du Pôle organisation du Cabinet Houdart & Associés.
Après cinq années consacrées à exercer les fonctions de responsable des affaires juridiques d’une Agence Régionale de Santé, Nicolas PORTE a rejoint récemment le Cabinet Houdart et Associés pour mettre son expérience au service des établissements publics de santé et plus généralement, des acteurs publics et associatifs du monde de la santé.
Auparavant, il a exercé pendant plus de dix années diverses fonctions au sein du département juridique d’un organisme d’assurance maladie.
Ces expériences lui ont permis d’acquérir une solide pratique des affaires contentieuses, aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives, et d’acquérir des compétences variées dans divers domaines du droit (droit de la sécurité sociale, droit du travail, baux, procédures collectives, tarification AT/MP, marchés publics). Ses cinq années passées en ARS lui ont notamment permis d’exercer une activité de conseil auprès du directeur général et des responsables opérationnels de l’agence et développer une expertise spécifique en matière de droit des autorisations sanitaires et médico-sociales (établissements de santé, établissements médico-sociaux, pharmacies d’officines) et de contentieux de la tarification à l’activité.