VEILLE JURIDIQUE 19 MAI 2020
Article rédigé le 19 mai 2020 par Maude Geffray
sous la supervision de Me Marine Jacquet
L’actualité juridique vous est décryptée chaque semaine dans ces colonnes – analyse synthétique et globale des dernières décisions et textes marquants.
SOMMAIRE
- Prime annoncée pour les professionnels des secteurs sociaux et médico-sociaux : communiqué de presse du 8 mai 2020 du ministère des solidarités et de la santé.
- Fonction publique et magistrature, parution d’un décret n°2020-524 modifiant les conditions et modalités de mise en œuvre du télétravail : décret n°2020-524 du 6 mai 2020.
- Activité partielle, parution d’un décret n°2020-520 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus : décret n°2020-520 du 5 mai 2020.
- Activité partielle, parution d’un décret n°2020-521 définissant les critères permettant d’identifier les salariés vulnérables au Covid-19 et pouvant être placés en activité partielle : décret n°2020-521 du 5 mai 2020
- Loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire : loi n°2020-546 du 11 mai 2020.
- Procédure administrative, parution d’un décret n°2020-516 modifiant le ressort des cours administratives d’appel : décret n°2020-516 du 5 mai 2020
- Avertissement du Conseil national de l’Ordre des médecins au sujet de la recherche clinique et des prescription hors AMM : communiqué de presse du Conseil national de l’Ordre des médecins du 23 avril 2020
1- PRIME ANNONCÉE POUR LES PROFESSIONNELS DES SECTEURS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 8 MAI 2020 DU MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ
Le ministère de la santé a annoncé ce 8 mai 2020 le versement d’une prime exceptionnelle aux professionnels des secteurs sociaux et médico-sociaux.
Cette prime sera financée par l’assurance maladie et concernera les professionnels « présents durant la crise, quel que soit leur statut, de tous les établissements d‘hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ainsi que des établissements et services accompagnant les personnes adultes et enfants en situation de handicap qui sont financés ou co-financés par l’assurance maladie. »
Le montant de cette prime sera de 1 500 euros pour les professionnels ayant travaillé dans les trente-trois départements les plus touchés par l’épidémie, et de 1 000 euros pour les professionnels des autres départements.
Concernant les structures financées intégralement par les collectivités territoriales, des pourparlers sont en cours.
2- FONCTION PUBLIQUE ET MAGISTRATURE, PARUTION D’UN DÉCRET N°2020-524 MODIFIANT LES CONDITIONS ET MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DU TÉLÉTRAVAIL
DÉCRET N°2020-524 DU 6 MAI 2020
La pratique du télétravail ayant été largement généralisée durant le confinement, le présent décret vient ouvrir de nouvelles possibilités d’y recourir dans la fonction publique.
Dans un premier temps, la notion de télétravail est définie :
« Le télétravail : toute forme d’organisation de travail dans laquelle les fonctions qui auraient pu être exercées par un agent dans les locaux où il est affecté sont réalisées hors de ces locaux en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Le télétravail peut être organisé au domicile de l’agent, dans un autre lieu privé ou dans tout lieu à usage professionnel
Un agent peut bénéficier au titre d’une même autorisation de ces différentes possibilités »
Dans un second temps, les modalités du recours au télétravail ont été modifiées. Désormais, le recours au télétravail peut être autorisé de façon régulière ou ponctuelle et des jours fixes peuvent être attribués mais également des jours « flottants » par semaine, mois ou an.
Le présent décret permet également de déroger à la limite de trois jours par semaine de télétravail dans deux situations :
à la demande de l’agent concerné si son état de santé, son handicap ou son état de grossesse le justifie pour une durée de 6 mois maximum ;
lorsqu’une autorisation temporaire de télétravail a été demandée et accordée en raison d’une situation exceptionnelle perturbant l’accès au service ou le travail sur le site.
L’autorisation du recours au télétravail est également adaptée et précisée. L’exercice des fonctions en télétravail est accordé sur demande écrite de l’agent. Il doit être joint à la demande une attestation de conformité des installations aux spécifications techniques.
Une réponse doit être apportée à la demande de l’agent dans un délai d’un mois maximum. L’autorisation peut prévoir une période d’adaptation de 3 mois maximum.
Il peut être mis fin au télétravail, à tout moment et par écrit, à l’initiative de l’administration ou de l’agent, moyennant un délai de prévenance de 2 mois.
Il doit être relevé que le refus opposé à une demande d’autorisation de télétravail ainsi que l’interruption du télétravail à l’initiative de l’administration doivent être motivés et précédés d’un entretien. Dans ce cas, l’agent pourra décider de saisir la commission administrative paritaire ou la commission consultative paritaire compétente au titre du refus opposé à sa demande.
Par ailleurs, l’employeur n’est pas obligé de prendre en charge le coût de la location d’un espace destiné au télétravail, sauf dans le cas où la demande émane d’un agent en situation de handicap.
3- ACTIVITÉ PARTIELLE, PARUTION D’UN DÉCRET N°2020-520 PORTANT ADOPTION DE CONDITIONS ADAPTÉES POUR LE BÉNÉFICE DES PRESTATIONS EN ESPÈCES POUR LES PERSONNES EXPOSÉES AU CORONAVIRUS
DÉCRET N°2020-520 DU 5 MAI 2020
Le décret n°2020-520 du 5 mai 2020 met un terme au bénéficie des indemnités journalières dérogatoires versées aux salariés dans l’impossibilité de travailler pour l’un des motifs suivants :
- le salarié est une personne vulnérable présentant un risque de développer une forme grave d’infection au Covid-19 ;
- le salarié partage le même domicile qu’une personne vulnérable telle qu’identifiée ci-dessus ;
- le salarié est parent d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap faisant l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile.
A compter du 1er mai 2020, ces salariés basculent sous le régime de l’activité partielle.
Seuls les travailleurs non-salariés ne pouvant pas être placés en activité partielle (travailleurs indépendants, non-salariés agricoles, artistes auteurs, stagiaires de la formation professionnelle, agents non-titulaires de la fonction publique, gérants de société) pourront continuer à bénéficier de ces indemnités journalières dérogatoires.
Le décret prévoit également l’intégralité de la prise en charge par l’assurance maladie des tests RT-PCR de dépistage du Covid-19.
4 – ACTIVITÉ PARTIELLE, PARUTION D’UN DÉCRET N°2020-521 DÉFINISSANT LES CRITÈRES PERMETTANT D’IDENTIFIER LES SALARIÉS VULNÉRABLES AU COVID-19 ET POUVANT ÊTRE PLACÉS EN ACTIVITÉ PARTIELLE
DÉCRET N°2020-521 DU 5 MAI 2020
Le décret n°2020-521 du 5 mai 2020 vient définir les critères permettant d’identifier les salariés de droit privé vulnérables présentant un risque de développer une forme grave d’infection au virus SARS-CoV-2 et pouvant être placés à ce titre en activité partielle en application de l’article 20 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.
Les critères sont les suivants :
- être âgé de 65 ans et plus ;
- avoir des antécédents (ATCD) cardiovasculaires : hypertension artérielle compliquée (avec complications cardiaques, rénales et vasculo-cérébrales), ATCD d’accident vasculaire cérébral ou de coronaropathie, de chirurgie cardiaque, insuffisance cardiaque stade NYHA III ou IV ;
- avoir un diabète non équilibré ou présentant des complications ;
- présenter une pathologie chronique respiratoire susceptible de décompenser lors d’une infection virale : (broncho pneumopathie obstructive, asthme sévère, fibrose pulmonaire, syndrome d’apnées du sommeil, mucoviscidose notamment) ;
- présenter une insuffisance rénale chronique dialysée ;
- être atteint de cancer évolutif sous traitement (hors hormonothérapie) ;
- présenter une obésité (indice de masse corporelle (IMC) > 30 kgm2) ;
- être atteint d’une immunodépression congénitale ou acquise ;
- être atteint de cirrhose au stade B du score de Child Pughau moins ;
- présenter un syndrome drépanocytaire majeur ou ayant un antécédent de splénectomie ;
- être au troisième trimestre de la grossesse.
Ces dispositions sont applicables à compter du 1ermai, peu importe la date du début de l’arrêt de travail du salarié concerné.
5 – LOI DE PROROGATION DE L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE
- Prolongation de l’état d’urgence
L’état d’urgence sanitaire est prolongé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
La loi prévoit qu’il pourra être mis fin à l’état d’urgence sanitaire de façon anticipée par décret en conseil des ministres et après avis du comité scientifique prévu à l’article L.3131-19 du Code de la santé publique.
- Responsabilité pénale des décideurs publics :
Face aux craintes de nombreux décideurs publics de voir leur responsabilité pénale engagée suite aux décisions, notamment, de réouverture de certains établissements, un nouvel article a été inséré dans le Code de la santé publique, l’article L.3136-1 qui vient préciser l’article 121-3 du Code pénal relatif au régime des infractions dites involontaires.
Rappelons que l’article 121-3 du Code pénal dispose :
« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Il n’y a point de contravention en cas de force majeure. »
Le nouvel article L.3136-1 du Code de la santé publique ajoute quant à lui :
« L’article 121-3 du Code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur. »
L’objectif étant clair, inciter le juge à porter une attention particulière au contexte actuel pour les faits pouvant être reprochés à l’encontre des décideurs à la sortie de la crise.
Le Conseil constitutionnel a validé cette disposition en relevant que « les dispositions contestées ne diffèrent donc pas de celles du droit commun et s’appliquent de la même manière à toute personne ayant commis un fait susceptible de constituer une faute pénale non intentionnelle dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire » (décision n°2020-800 DC du 11 mai 2020 ).
- Mise en place d’un système d’information afin de lutter contre l’épidémie de Covid-19 :
L’article 11 de la loi permet au ministre de la Santé de mettre en place un système d’information permettant de collecter des données à caractère personnel concernant la santé relative aux personnes atteintes du Covid-19 et celles des personnes ayant été en contact avec elles, sans leur consentement.
La collecte de ces données aura pour seule finalité de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 et ne pourra être faite dans une durée dépassant les 6 mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire.
Le ministre de la Santé, l’Agence nationale de santé publique et les agences régionales de santé pourront notamment être autorisées par décret à adapter les systèmes d’information existants et prévoir le partage de données personnelles, aux mêmes fins, et pour la même durée.
Les données personnelles concernées sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l’égard du Covid-19.
Les données d’identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées, sauf accord exprès, aux personnes ayant été en contact avec elles.
Le Conseil constitutionnel saisi de plusieurs recours à l’endroit de ce dispositif a retenu que «le législateur a entendu renforcer les moyens de la lutte contre l’épidémie de covid-19, par l’identification des chaînes de contamination. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. »
Il a néanmoins procédé à une censure partielle et a émis d’importante réserve dont le fait qu’« il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir les modalités de collecte, de traitement et de partage des informations assurant leur stricte confidentialité et, notamment, l’habilitation spécifique des agents chargés, au sein de chaque organisme, de participer à la mise en œuvre du système d’information ainsi que la traçabilité des accès à ce système d’information. ».
Pour plus de détail sur le sujet, lire l’article de Maître Guillaume CHAMPENOIS, COLLECTE DE DONNÉES À GRANDE ÉCHELLE ET COVID-19
Par ailleurs, il peut être relevé qu’un comité de contrôle est chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet. Ce comité est notamment chargé de vérifier tout au long de ces opérations de suivi le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles.
6 – PROCÉDURE ADMINISTRATIVE, PARUTION D’UN DÉCRET N°2020-516 MODIFIANT LE RESSORT DES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL
DÉCRET N°2020-516 DU 5 MAI 2020
L’article R.221-7 du Code de justice administrative fixe le siège et le ressort des cours administratives d’appel. Cet article vient d’être modifié par décret n°2020-516 du 5 mai 2020 et impacte le ressort des cours administratives d’appel de Paris, Nantes et Versailles, comme il suit :
Cour administrative d’appel | Siège et ressort habituel de la cour | Modification par le présent décret: Nouveau ressort |
---|---|---|
Paris | Melun, Paris, Wallis-et-Futuna, Nouvelle-Calédonie et Polynésie Française | Melun, Montreuil, Paris, Nouvelle-Calédonie, Polynésie-Française et Wallis-et-Futuna |
Nantes | Caen, Nantes, Orléans et Rennes | Caen, Nantes et Rennes |
Versailles | Cergy-Pontoise, Montreuil et Versailles | Cergy-Pontoise, Orléans et Versailles |
Ces modifications s’appliquent « aux appels des jugements rendus à compter du 1er septembre 2020 ainsi qu’aux requêtes relevant de la compétence du premier ressort des cours administratives d’appel dirigées contre les décisions administratives prises à compter de la même date. ».
7 – AVERTISSEMENT DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS AU SUJET DE LA RECHERCHE CLINIQUE ET DES PRESCRIPTIONS HORS AMM
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU CONSEIL NATIONAL DE L’ORDRE DES MÉDECINS DU 23 AVRIL 2020
Le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié un communiqué relatif aux protocoles de recherche clinique et aux prescriptions hors AMM tenant plus de l’ordre de l’avertissement.
Ce communiqué intervient en réaction à la publication sur les réseaux sociaux et dans la presse généraliste de plusieurs articles faisant état de traitements expérimentaux contre le COVID-19, notamment un traitement mis au point par trois médecins généralistes associant l’azithromycine (un antibiotique), le zinc et leSingulair© (un médicament contre l’asthme).
Il souligne que l’Ordre des médecins sera très vigilant sur d’éventuelles dérives, notamment en temps de crise sanitaire. Il est précisé que la mise en danger des patients, s’il apparaissait qu’elle puisse être provoquée par des traitements non validés scientifiquement, pourrait justifier dans ces circonstances la saisine du directeur général de l’ARS pour demander une suspension immédiate de l’activité des médecins.
Le CNOM invite également les conseils départementaux de l’ordre où les médecins concernés exercent à recueillir leurs explications et à leur rappeler leurs obligations déontologiques.
Pour une étude plus approfondie, notamment sur l’aspect juridique de la matière, Maître Nicolas PORTE vous propose un article à retrouver sur le blog du cabinet.
Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.
Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.
Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels, leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.
Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).