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Règlement arbitral, un compromis équilibré ?
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Approbation du règlement arbitral : un véritable compromis ?

Article rédigé le 5 juin 2023 par Me Lorène Gangloff


Par un arrêté du 28 avril 2023, le Ministre de la Santé et de la prévention, Monsieur François Braun, a approuvé le règlement arbitral organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie.
Ce règlement, conséquence directe de l’échec des négociations entamées avec les médecins, permettra-t-il d’apaiser les tensions dans l’attente de la signature d’une nouvelle convention ?
Nous en doutons ! A titre, d’exemple, alors que les professionnels réclamaient une revalorisation du tarif de la consultation médecin généraliste à 50 euros, c’est finalement le montant de 26, 50 euros qui a été retenu …
Au vu de ce constat, il est plus qu’urgent que les partenaires conventionnels se remettent à la table des négociations, afin de trouver un véritable compromis.

 

La voie du compromis est en effet la seule qui permettra de tourner la page de la convention nationale signée le 25 août 2016 et modifiée à neuf reprises par voie d’avenants qui, sous réserve des modifications introduites par le règlement arbitral, continue à s’appliquer.
Dans cette attente, il nous faut revenir quelques instants sur le règlement qui, en l’absence de consensus entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, avait vocation à permettre de trouver une rédaction acceptable par les deux partenaires, grâce à l’intervention d’un arbitre.
Ce règlement, qui ne répond pas pleinement aux attentes, ouvre la porte à des revalorisations tarifaires (I) et assouplit le dispositif en place d’aide à l’emploi d’assistants médicaux (II).

 

I. De timides revalorisations tarifaires

Si le règlement arbitral est loin de répondre aux vœux des professionnels, il ouvre progressivement la porte à des revalorisations tarifaires.

Ainsi et à titre non exhaustif, le règlement introduit les revalorisations suivantes :

    • Revalorisation du forfait médecin traitant

Le forfait médecin traitant patients âgés de 80 ans et plus, comme le forfait médecin traitant patient âgé de moins de 80 ans atteints d’une ou plusieurs affections longue durée, passent ainsi de 42 à 46 euros.

 

    • Revalorisation de la participation des médecins à la régulation libérale

La valorisation de la participation des médecins à la régulation libérale augmente, à la marge, de 90 à 100 euros et à 120 € dans les DROM.

 

    • Création de la consultation initiale d’inscription d’un médecin en tant que médecin traitant pour un patient relevant d’une affection longue durée exonérante

Une nouvelle consultation dénommée « IMT » est créée pour valoriser la consultation initiale d’inscription d’un médecin en qualité de médecin traitant d’un patient atteint d’une affection longue durée  (ALD) exonérante.

Le tarif de cette consultation est fixé à 60 euros et à 72 euros dans les DROM.

 

    • Revalorisation du tarif de certains actes fixés par la convention à hauteur de 1, 5 euros (1,8 dans les DROM) :
  1. la consultation/visite de référence des médecins généralistes (G, GS, VG, VGS) via la revalorisation de la MMG,
  2. l’avis ponctuel de consultant, facturé APC (ou APV), APY (ou AVY) dans les conditions définies à l’article 18 des dispositions générales de la NGAP,
  3. les consultations complexes ou spécifiques suivantes : CCX, CDE, CCP, COE dans les conditions définies en NGAP,
  4. la majoration (MPC) de la CS et la majoration (MPC) de la CNPSY pour les neurologues, neuropsychiatres et psychiatres dans les conditions fixées par l’article 2 bis des dispositions générales de la NGAP ;
  5. la majoration de coordination cardiologues MCC ;
  6. la majoration spécifique NFP des pédiatres pour la prise en charge des enfants de 0 à 2 ans ;
  7. la majoration spécifique NFE des pédiatres, dans les conditions prévues par la NGAP.

 

Outre ces revalorisations, il est procédé à la modification de la valorisation appliquée à « la consultation réalisée par un médecin correspondant dans les 48 heures suivant l’adressage par le médecin traitant ou le médecin régulateur du service d’accès aux soins ».

La référence au médecin régulateur du service d’accès aux soins est supprimée de l’ensemble des dispositions de l’article 28.2.4 qui concerne la réalisation d’une consultation dans les 48 heures par un médecin correspondant, à la demande d’un autre praticien.

En revanche, un article 28.2.6 est inséré concernant les consultations réalisées par un médecin correspondant non médecin traitant pour un patient adressé par le médecin régulateur du Service d’accès aux soins pour une prise en charge dans les 48 heures et crée une majoration spécifique dénommée SNP d’un montant de 15 euros, qui ne peut être cotée plus de vingt fois par semaine.

Il est également procédé à une modification des conditions de facturation de plusieurs  consultations et actes, notamment :

    • Certaines « consultations très complexes » correspondant aux visites réalisées au domicile des patients en soins palliatifs, avec une suppression de la limite de facturation annuelle par patient ;
    • actes de téléconsultation qui peuvent se substituer à certaines consultations dites « en présentiel ».

 

Si un certain nombre de mesures de revalorisation sont prévues par le règlement, on peut, toutefois, relever l’abandon, à ce jour, de celles qui avaient été envisagées en contrepartie de la signature d’un contrat d’engagement territorial des praticiens dont la mise en place aurait certainement donné lieu à une levée de boucliers.

 

II. Un accompagnement renforcé dans le recours aux assistants médicaux

En dehors de certaines revalorisations, le règlement arbitral vient assouplir le dispositif mis en place pour inciter les médecins à recourir à l’emploi d’assistants médicaux.

L’objectif pôné par les défenseurs de ce dispositif est de permettre aux médecins libéraux de gagner du temps, donc de prendre en charge un plus grand nombre de patients. Il permettrait ainsi, selon eux, d’améliorer la réponse au besoin de soins de la population.

L’accompagnement au déploiement d’assistants médicaux dans les cabinets libéraux peut être présenté comme suit :

  • Versement d’une aide financière aux médecins pour l’emploi d’un assistant médical formé en contrepartie d’un engagement d’augmentation de la patientèle organisé par la signature d’un contrat avec l’assurance maladie.
  • Recrutement qui peut se faire directement par le médecin ou par un groupe de médecins libéraux ou une structure organisée en groupement d’employeurs ;

 

Certaines spécialités sont toutefois exclues de ce dispositif réservé aux médecins exerçant en secteur 1 ou secteur 2 ayant souscrit à l’OPTAM ou l’OPTAM CO, à savoir : les radiologues, radiothérapeutes, stomatologues, anesthésistes, anatomo-cytopathologistes

Les chirurgiens sont, pour leur part, susceptibles de bénéficier de l’aide si leurs honoraires issus d’actes de la classification commune des actes médicaux (CCAM) représentent moins de 20 % du montant total de leurs honoraires.

Si certaines spécialités sont exclues d’office du dispositif, en revanche, les critères d’éligibilité liés à l’exercice groupé et l’exercice coordonnés disparaissent.

Le bénéficie de l’aide conventionnelle suppose, sous réserve de certaines dérogations prévues par le règlement, de répondre à un seuil minimal de patientèle « médecin traitant » (nombre de patients ayant choisi le praticien comme médecin traitant), pour les médecins généralistes et de patientèle « file active » (nombre de patients ayant consulté au moins une fois le médecin au cours des douze derniers mois), pour les médecins spécialistes.

L’aide est versée en fonction de l’atteinte de l’objectif (dépendant de la patientèle initiale) en termes de patientèle et son montant varie en fonction du temps de travail de l’assistant médical.

A la lecture des dispositions de l’article 6 du règlement arbitral, les contrats d’aide à l’emploi d’un assistant médical signés lors de la précédente convention médicale en cours à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, soit le 1er mai 2023, continuent à s’appliquer jusqu’à leur terme mais ne peuvent pas être renouvelés après leur échéance. Un nouveau contrat devra ainsi être conclu. La seule exception prévue est celle des contrats qui prévoient le recrutement d’un tiers temps d’assistant médical, dans la mesure où le règlement que les médecins ne pourront bénéficier de l’aide que pour l’emploi d’un assistant à mi-temps ou plein temps.

Le médecin dont le contrat est en cours à la date d’entrée en vigueur du présent règlement pourra toutefois solliciter la rupture de son contrat par anticipation à une date anniversaire, sous réserve d’une information préalable de la caisse d’assurance maladie, en vue de bénéficier du nouveau dispositif prévu à la présente convention.

Il convient, par ailleurs, d’avoir à l’esprit, comme cela est rappelé à l’article 8 du règlement arbitral, que la mise en œuvre des mesures qui modifient la nomenclature des actes professionnels ne pourra intervenir qu’après la publication la liste modifiée des actes et prestations.

Les revalorisations entreront en vigueur au plus tôt à l’expiration d’un délai de six mois suivant l’approbation du règlement arbitral, à l’exception des mesures relatives aux soins non programmés, de celles relatives aux assistants médicaux et de celle relative à la consultation initiale d’inscription d’un médecin en tant que médecin traitant pour un patient relevant d’une ALD (exonérante, qui s’appliquent à compter du 1er mai 2023.

Enfin, les mesures relatives au forfait patientèle médecin-traitant et à la majoration pour le suivi des personnes âgées entrent en vigueur au 1er janvier 2024.

La chronologie d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions pourra toutefois être modifiée en cas de signature d’une nouvelle convention.

 

Les médecins libéraux devront donc faire preuve de vigilance non seulement dans le cadre des négociations qui vont s’ouvrir avec l’assurance maladie, mais également dans l’application de ces nouvelles mesures tarifaires s’ils ne veulent pas se prendre les pieds dans le tapis.

 

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.