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Évolution pour les professionnels libéraux grâce à l'ordonnance du 8 février 2023
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Évolutions pour les professionnels libéraux : Ordonnance du 8 février

Article rédigé le 20 mars 2023 par Me Lorène Gangloff


Près de deux ans après le dépôt du rapport de Messieurs Frédéric Lavenir et Nicolas Scotté relatif aux mesures de simplification ciblées sur les professions libérales réglementées, l’ordonnance relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées a été publiée au Journal Officiel du 9 février 2023.

L’un des objectifs affichés de cette ordonnance était de rendre plus intelligibles les dispositions relatives à l’exercice en société des professions libérales réglementées. Mais s’agit-il d’un simple outil pédagogique ?

 

 

Que change cette ordonnance pour vous, professionnels de santé libéraux ?

En attendant l’entrée en vigueur de ces dispositions, le 1er septembre 2024, nous vous proposons un décryptage des points majeurs de la réforme.

Cette ordonnance qui ouvre la porte à de nouvelles perspectives pour les professionnels de santé (I) met également en place de nouvelles mesures protectrices en vue de préserver votre indépendance (II).

De nouvelles perspectives pour les professionnels de santé libéraux

Une lecture rapide de l’ordonnance pourrait induire en erreur et laisser penser qu’il s’agit d’une réforme à droit constant mais il faut être vigilant.

Les modifications qui ont trait aux sociétés d’exercice libéral (ci-après “SEL”), aux sociétés de participations financières de professions libérales (ci-après “SPFPL”) et aux sociétés en participation, anciennement régies par les dispositions de la loi du 31 décembre 1990, bien que discrètes, méritent un temps d’étude.

 

A. sociétés d’exercice libéral

L’ordonnance ne vient pas directement remettre en cause les règles de détention du capital social et des droits de vote au sein des sociétés d’exercice libéral, toutefois, ces dernières pourraient être modifiées, de nombreuses questions restant, à ce jour, en suspens dans l’attente des décrets en Conseil d’Etat à intervenir.

En effet, les dispositions règlementaires devront trancher les points suivants :

  • le maintien ou la suppression des dérogations au principe selon lequel plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue, directement ou indirectement, par des professionnels exerçant au sein de la société ;

 

L’ordonnance prévoit à l’instar de la loi de 1990 que ces dernières pourront être écartées par décrets en Conseil d’Etat, en vue de tenir compte des nécessités propres à chaque profession et en considération de l’indépendance de ses membres et règles déontologiques propres (article 69).

  • la part pouvant être détenue individuellement et collectivement par des personnes par des personnes ne relevant pas des catégories visées aux articles 46 et 47 (article 70) ;
  • le nombre de participations, directes ou indirectes, pouvant être détenu par un professionnel exerçant au sein de la société (article 74) ;
  • les catégories de personnes bannies de toute prise de participations (article 48).

 

B. Sociétés de participations financières de professions libérales

Si les évolutions relatives aux SEL restent à ce jour incertaines, il en est différemment des SPFPL.

L’ordonnance vient redéfinir les sociétés de participations financières de professions libérales et élargit, à cette occasion, leur champ d’action (article 110).

En effet, il est désormais expressément prévu que ces sociétés peuvent, sous réserve que ces activités soient destinées exclusivement au fonctionnement des sociétés et groupements dans lesquels elles détiennent des participations, détenir des parts sociales ou actions de toute société à forme civile ou commerciale aux seules fins d’acquérir et d’administrer des immeubles.

L’ordonnance offre également aux associés de SPFPL deux dispositifs permettant de régulariser la situation de leur société qui ne serait plus conforme aux dispositions législatives :

  • S’agissant des conditions de détention du capital social et des droits de vote et des modalités de gouvernance : délai d’un an accordé pour la mise en conformité (article 118) ;
  • S’agissant de l’objet social : délai qui sera précisé par décret en conseil d’Etat pour la mise en conformité (article 110).

 

À l’aune de ces évolutions, les SPFPL, de plus en plus utilisées par les professionnels de santé libéraux, devraient confirmer leur rôle de levier d’investissement.

 

C. Sociétés en participation

Si la société en participation est moins en vogue actuellement, cette forme de société a été très utilisée par les professionnels de santé il y a quelques années en raison de sa simplicité de constitution et la modification opérée ne doit donc pas être passée sous silence. En effet, l’ordonnance ouvre désormais la porte des sociétés en participation aux personnes morales (article 34).

L’ordonnance du 8 février 2023 offre ainsi de nouvelles perspectives, notamment en termes d’investissement, dont l’ampleur dépendra des décrets en Conseil d’Etat à intervenir, mais ce texte vient aussi remettre les principes déontologiques et, en particulier, l’indépendance des professionnels de santé au premier plan.

 

II. Des garde-fous pour l’indépendance des professionnels de santé libéraux

Tout d’abord, l’ordonnance vient renforcer le contrôle des professionnels exerçants au sein des structures en calquant le régime actuellement appliqué au sein des SELAS aux SELARL et SELAFA.

Les articles 58 et 59 introduisent, en effet, des modalités de gouvernance spécifiques au sein de sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée et anonymes.

Ainsi, les gérants des SELARL devront nécessairement être des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 58).

De la même manière et en fonction de ses modalités de gouvernance (SELAFA moniste ou dualiste), les membres du directoire, le président du conseil de surveillance et les deux tiers au moins des membres du conseil de surveillance des SELAFA ou, alternativement, les directeurs généraux, le président du conseil d’administration et les deux tiers au moins des membres du conseil d’administration devront être des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 59).

Il est d’ailleurs précisé à l’article 76 de l’ordonnance que les cessions d’actions de SELAFA sont soumises à agrément préalable donné dans les conditions prévues par les statuts :

  • soit par les deux tiers des actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société ;
  • soit par les deux tiers des membres du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, suivant qu’il s’agisse d’une société à conseil d’administration ou à directoire et conseil de surveillance, ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société.

 

Ces nouvelles règles de gouvernance sont également imposées au sein des SPFPL (article 119 à 122)

Cette place renforcée des professionnels exerçants dans la gouvernance des structures s’accompagne d’une transparence accrue vis-à-vis du conseil de l’ordre des médecins.

Les associés de sociétés d’exercice libéral (article 44) et de sociétés de participations financières de professions libérales (article 113) ne devront plus seulement transmettre, chaque année, la composition du capital social mais également des droits de vote y afférents, ainsi qu’une version à jour de ses statuts.

Ils devront, par ailleurs, adresser les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration et de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé.

L’ordre des médecins disposera ainsi d’un droit de regard plus important sur la composition et le fonctionnement des SEL et des SPFPL, ce qui devrait éviter certaines dérives de nature à mettre à mal l’indépendance des professionnels.

 

Aussi discrètes qu’elles soient, les modifications introduites par l’ordonnance du 8 février 2023 ne sont pas négligeables et devront être appréhendées au regard des décrets en conseil d’Etat qui seront adoptés.

 

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.