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Comment faciliter la coopération médico-sociale : Le GCSMS !
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GCSMS : comment faciliter la coopération médico-sociale ?

Article rédigé le 4 septembre 2023 par Me Laurine Jeune

 

« Que toute loi soit claire, uniforme et précise : l’interpréter, c’est presque toujours la corrompre. »
Voltaire, Dictionnaire philosophique

Alors que les initiatives de coopération se multiplient pour tenter d’apporter des réponses concrètes et pragmatiques aux problématiques rencontrées par les acteurs des secteurs médico-social et social, nous constatons que le recours au groupement de coopération sociale ou médico-sociale (« GCSMS ») pour porter les projets, se heurte à des dispositions lacunaires voire inadaptées, parfois source de confusion et d’interprétation bloquante de la part des autorités de tutelle.

 

 

Le GCSMS a été créé par la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, et il aura fallu attendre quatre années pour disposer du décret d’application et d’une circulaire venant fixer les modalités de fonctionnement.

Malgré son ancienneté, son déploiement n’a pas connu le même essor que son homologue du secteur sanitaire, le groupement de coopération sanitaire (« GCS »). Mais de plus en plus d’acteurs s’intéressent à cet outil qui offre de réelles perspectives d’optimisation des ressources et de réorganisation des activités.
Cependant, son cadre juridique suscite des interrogations surtout lorsque le GCSMS a vocation à gérer des activités médico-sociales et sociales. Les gestionnaires d’établissements et services sociaux et médico-sociaux sont conduits à interpréter certaines dispositions sous le contrôle des tutelles, ou, de manière plus dommageable, à suspendre leur projet.

 

Un objet très large : de la mutualisation de moyens jusqu’à l’exploitation d’activité et la préparation de fusion

Les développements qui suivent n’ont pas pour objet de présenter le GCSMS mais de pointer les principales sources d’incertitude et de blocage.

Toutefois, on rappellera utilement l’objet d’un GCSMS légal qui est fixé par le 3° de l’article L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles :

 

« Afin de favoriser leur coordination, leur complémentarité et garantir la continuité des prises en charge et de l’accompagnement, notamment dans le cadre de réseaux sociaux ou médico-sociaux coordonnés, les établissements et services [sociaux et médico-sociaux] peuvent : […]

3° Créer des groupements de coopération sociale ou médico-sociale.

Outre les missions dévolues aux catégories de groupements mentionnées au 2° [c’est-à-dire les groupements d’intérêt public et les groupements d’intérêt économique], le groupement de coopération peut :

a) Permettre les interventions communes des professionnels des secteurs sociaux, médico-sociaux et sanitaires, des professionnels salariés du groupement ainsi que des professionnels associés par convention ;

b) Etre autorisé, à la demande des membres, à exercer directement les missions et prestations des établissements et services énoncés à l’article L. 312-1 et à assurer directement, à la demande de l’un ou plusieurs de ses membres, l’exploitation de l’autorisation après accord de l’autorité l’ayant délivrée ;

c) Etre chargé de procéder aux fusions et regroupements mentionnés au 4° du présent article ;

d) Créer des réseaux sociaux ou médico-sociaux avec les personnes mentionnées au premier alinéa et adhérer à ces mêmes réseaux ou aux réseaux et groupements de coopération ou d’intérêt public prévus au code de la santé publique ;

e) Etre chargé pour le compte de ses membres des activités de pharmacie à usage interne mentionnées à l’article L. 5126-1 du code de la santé publique. […] »

 

En synthèse, un GCSMS peut mutualiser des moyens, gérer une PUI commune, exploiter des activités logistiques, procéder à des fusions mais aussi exploiter des activités médico-sociales et sociales.

Son large champ d’action offre donc des leviers d’action et des opportunités à la fois en termes d’économie d’échelle et de réorganisation des modes de gestion des activités.

 

La création du GCSMS : déclaration ou approbation de la convention constitutive ?

Commençons par un sujet qui peut paraitre anecdotique mais qui en pratique s’avère complexe et retarde la mise en place des GCSMS : les modalités de création.

Pendant longtemps, la procédure d’approbation des conventions constitutives de GCSMS a été cacophonique. L’article R. 312-194-18 du code de l’action sociale et des familles donnait compétence au préfet pour approuver les conventions constitutives alors que l’article L. 312-7 du même code, confiait cette même compétence au directeur général de l’ARS. Ont émergé des situations ubuesques où des ARS renvoyaient la patate chaude au Préfet qui se déclarait alors incompétent ou ignorait à quel service interne confier la tâche.

Depuis un décret de 2019, la procédure d’approbation des conventions constitutives des GCSMS a été simplifiée.

Le pouvoir règlementaire a supprimé la compétence du préfet en matière de création du GCSMS (mais a omis d’en faire de même en matière de dissolution…est-ce un acte manqué ?).

L’article R. 312-194-18 modifié prévoit un mécanisme de déclaration auprès de « l’autorité ou l’une des autorités compétentes du ressort du siège du groupement dont relève le domaine d’activité du groupement ».

Cependant, un autre article du même code, l’article R. 312-194-6, soumet la participation à la création ou l’adhésion à un GCSMS à la décision de « l’autorité compétente de chacune des personnes et structures mentionnées à l’article R. 312-194-1 » qui vise les GIP, les GIE et les GCSMS en précisant leur composition.

Cet article R. 312-194-6 génère en pratique des incertitudes chez les membres de GCSMS quant à l’obligation d’obtenir l’accord de leurs tutelles.

Même si cela semble évident, il pourrait simplement être confirmé que la déclaration s’effectue auprès du président du conseil départemental et/ou du directeur général de l’ARS, et il serait utile de supprimer l’article R. 312-194-6.

 

Le seul outil en capacité d’exploiter des autorisations médico-sociales et sociales

Mettons un terme à débat qui n’a pas lieu d’être :

Le GCSMS peut :

  • mener les mêmes missions que les autres groupements visés par l’article socle L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles précité ; à savoir
    • le groupement d’intérêt public (« GIP ») qui regroupe plusieurs personnes morales de droit public voire également plusieurs personnes morales de droit privé qui « y exercent ensemble des activités d’intérêt général à but non lucratif, en mettant en commun les moyens nécessaires à leur exercice. […] » (Article 98 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit)
    • le groupement d’intérêt économique (« GIE ») dont le but « est de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité » et dont l’activité de « doit se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci. » (Article L. 251-1 du code de commerce)
  • mais aussi, mener des missions qui lui sont expressément confiées par la loi, en particulier « Etre autorisé, à la demande des membres, à exercer directement les missions et prestations des établissements et services énoncés à l’article L. 312-1 et à assurer directement, à la demande de l’un ou plusieurs de ses membres, l’exploitation de l’autorisation après accord de l’autorité l’ayant délivrée».

 

Le GCSMS est le seul outil habilité par la loi à gérer des activités sociales et médico-sociales et à être titulaire des autorisations ou agréments nécessaires.

Il ne peut en être de même pour le GIE qui a une fonction nécessairement auxiliaire par rapport à l’activité de ses membres.

Dans les domaines sanitaire, social et médico-social, il est souvent fait recours au GIE principalement pour acquérir ou gérer des équipements d’intérêt commun (en particulier en imagerie), pour mutualiser des moyens matériels, ou pour fournir aux membres des prestations ou services auxiliaires à leurs activités respectives. Il ne peut exploiter en propre une activité médico-sociale ou sociale car ce n’est pas une activité économique accessoire à celle membres mais bien une activité à part entière. Le risque est celui de la requalification en société de fait dont les incidences notamment fiscales ne sont pas neutres.

Le GIP, lui aussi, permet à ses membres de mettre en commun des moyens pour qu’ils y exercent, eux et non le groupement lui-même, des activités d’intérêt général.

Une disposition du code de l’action sociale et des familles peut semer le doute en prévoyant de manière contradictoire que les groupements mentionnés à l’article R. 312-194-1 (c’est-à-dire les GCSMS, les GIP, les GIE), peuvent « Exercer ensemble des activités dans les domaines de l’action sociale ou médico-sociale au sens de l’article L. 311-1 » (article R. 312-194-4).

Mais cette disposition est de valeur règlementaire et la loi l’emporte toujours sur le règlement…

En outre, les dispositions du code de l’action sociale et des familles définissent le régime d’autorisation applicable uniquement pour le GCSMS.

Ainsi, nous devons retenir que seul le GCSMS est habilité à exploiter et gérer des activités sociales et médico-sociales pour le compte de ses membres.

En revanche, ses règles de fonctionnement souffrent d’ambiguïtés regrettables.

 

L’exploitation d’autorisations détenues par les membres : un encadrement juridique à clarifier et compléter

Alors qu’il devrait être le fer de lance des restructurations et coopérations désormais nécessaires et urgentes dans le secteur médico-social, plusieurs ambiguïtés et insuffisances de précisions freinent son développement. Nous les avons recenser :

 

  • Un groupement qui agit pour le compte de ses membres

A la différence de son grand cousin, le GCS qui peut être établissement de santé indépendamment de ses membres, le GCSMS peut exploiter une activité « pour le compte de ses membres ».

Cela a créé beaucoup de confusions et de contre sens. Que doit on entendre par exploiter pour le compte de ses membres ?

Certains y ont vu « un mandat de gestion » (Rapport d’information n° 35 (2018-2019) de M. Philippe MOUILLER, sénateur, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 octobre 2018).

D’autres, une délégation de gestion : « GCSMS délégataires » pour l’IGAS (rapport de mai 2021 « Mieux répondre aux attentes des personnes en situation de handicap »).

En réalité, les deux approches sont fausses…et exactes. Le GCSMS peut détenir une autorisation en propre ou exploiter une ou plusieurs autorisations mais toujours pour le compte de ses membres.

C’est ce qui a été analysé par la Direction Générale de l’Action sociale (DGAS) par une circulaire du 18 mai 2006 (circulaire DGAS/SD 5B n° 2006-216), qui prévoit les deux cas :

  1. Lorsque le projet de convention ou le groupement (déjà créé) prévoit d’exercer directement la prise en charge en lieu et place de l’un ou de plusieurs des établissements y adhérant, l’article R. 312-194-5 renvoie au régime de l’autorisation prévu code de l’action sociale et des familles : « ce projet ne modifie pas cette prise en charge ; l’exercice direct s’analyse alors comme une cession d’autorisation, qui ne requiert conformément au régime de l’autorisation, que l’accord de l’autorité qui a initialement délivré l’autorisation ; (…)
  2. Lorsque le projet de groupement prévoit l’exploitation directe de l’autorisation d’un ou de plusieurs de ses membres adhérents (utilisation et mise en commun d’équipements particuliers propres à l’un des membres, par exemple), ceci s’analyse comme un transfert partiel de gestion ne nécessitant qu’un accord de l’autorité initiale (…) »,

Précisons que cette circulaire concerne les aspects budgétaires, en particulier des GCSMS. Le « transfert de gestion » n’est pas le terme juridique idoine mais doit être compris dans sa dimension budgétaire.

Mettons un terme également à ce débat, évitons les rapprochements approximatifs avec d’autres notions juridiques : le GCSMS intervient pour le compte de ses membres sur la base d’un mandat et à ce titre peut exploiter une ou plusieurs activités médico-sociales.

Son régime se rapproche alors de celui des « GCS exploitants » et lors de l’élaboration de la convention constitutive, il appartient aux membres fondateurs d’être précis dans les missions qu’il lui confie et ses conséquences et modalités juridiques.

 

  • Un groupement qui peut conclure un CPOM commun

Il va de soi qu’un CPOM est indispensable à la gestion de tout établissement.

Pour autant, lorsque des acteurs du secteur médico-social et social projettent de confier à un GCSMS l’exploitation de leurs autorisations, se pose quasi-systématiquement la question de la possibilité pour ce groupement de conclure un CPOM commun.

Il est vrai qu’une lecture combinée des dispositions du code de l’action sociale et des familles n’est pas de nature à apporter une réponse limpide. Par ailleurs, l’étude d’impact de la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement évoquait cette possibilité uniquement pour un GCSMS titulaire d’une autorisation.

Les articles L. 313-11 et L. 313-11-2 du code de l’action sociale et des familles prévoient que des CPOM peuvent être conclus par les personnes gestionnaires d’établissements. De notre point de vue, le GCSMS exploitant d’autorisation doit être regardé comme un gestionnaire d’établissement et partant, conclure un CPOM, même s’il n’est pas titulaire d’autorisation.

Une clarification ne serait-ce que par voie de circulaire serait de nature à faciliter le développement de ces GCSMS.

 

  • Plans pluriannuels d’investissement (PPI)

En l’état des textes, un GCSMS exploitant d’une activité sociale et médico-sociale n’est pas autorisé à disposer d’un PPI ce qui peut être particulièrement bloquant puisque la coopération conduit à pouvoir procéder à des investissements communs.

Seule la loi et une modification de l’article L. 314-7 du code de l’action sociale et des familles pour intégrer le GCSMS exploitant, l’autoriserait à disposer d’un PPI.

 

Un GCSMS peut-il procéder à des fusions ?

Selon l’article L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles précité, le GCSMS « peut être chargé de procéder aux fusions et regroupements » d’établissements.

Une fusion consiste, rappelons-le, à ce qu’au moins deux structures juridiques de même nature fusionnent au sein d’un nouvelle structure (fusion-création) ou à ce qu’une structure juridique absorbe une autre structure juridique de même nature (fusion-absorption).

De manière tout à fait utile, le GCSMS peut être l’outil qui organise une fusion pour le compte de ses membres c’est-à-dire qu’il va en fixer les conditions et modalités. Il peut également prévoir durant une période intermédiaire, l’exploitation de telle ou telle activités voire de toutes les activités des établissements membres.

Précisions que le code de l’action sociale et des familles ne fixe aucun cadre au fusion d’établissements et services sociaux et médico-sociaux publics. Les acteurs des secteurs médico-social et social doivent faire preuve de débrouillardise.

 

La responsabilité aux dettes : pas de marge de manœuvre

Les membres d’un GCSMS ne sont pas solidaires entre eux des dettes du groupement ; un créancier ne saurait donc demander à l’un des membres de régler la totalité de la dette du groupement.

Cependant, les membres engagent leur responsabilité à proportion de leurs droits sociaux. Ils sont donc totalement tributaires des règles de détermination des droits sociaux fixés par la convention constitutive. En application de l’article R. 312-194-12 du code de l’action sociale et des familles, les droits sociaux sont obligatoirement proportionnels aux apports au capital ou aux participations aux charges.

Cette responsabilité vaut quelle que soit la nature du GCSMS et son objet.

Et elle peut être particulièrement bloquante au sein des GCSMS qui gèrent plusieurs activités. En effet, lorsque les membres choisissent de faire appel au GCSMS que pour une partie de activités, ils restent tenus, à proportion de leurs droits sociaux, de l’ensemble des dettes du GCSMS y compris celles générées par les activités dont ils ne bénéficient pas.

Pourquoi ne pas laisser le soin aux membres d’un GCSMS, à l’instar du GCS, de définir dans la convention constitutive les règles de responsabilité aux dettes ?

Une évolution règlementaire est requise.

 

Le GCSMS exploite l’activité mais qui décide ?

Un établissement public social ou médico-social qui se départit d’une autorisation au profit d’un GCSMS, perd a priori une partie de ses attributions en faveur des instances décisionnelles du groupement (assemblée générale et administrateur).

Ainsi, le GCSMS prend toutes les décisions nécessaires à l’exploitation de l’autorisation.

Cependant, ces établissements demeurent soumis à l’ensemble des règles applicables aux établissements publics sociaux ou médico-sociaux qui prévoient notamment que leurs conseils d’administration sont compétents pour délibérer sur les programmes d’investissement, le CPOM, le budget…etc.

Les instances du GCSMS et celles de ses membres ont donc vocation à être saisies ce qui peut sembler peu cohérent.

Les acteurs des secteurs médico-social et social disposent depuis plus de 20 ans d’un outil de coopération qui offre des opportunités de gestion ; le GCSMS.

Beaucoup l’ont bien compris, et ce n’est pas un hasard que le GTSMS (groupement territorial social et médico-social) qui figure dans la Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir en France, prend la forme d’un GCSMS !

Mais faciliter la coopération (et faciliter la mise en place du GTSMS), doit nécessairement passer par une révision du cadre juridique du GCSMS qui, en plus de 20 ans d’existence, a très peu été réformé.

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.