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Pour une sante politiquement medicalement incorrecte
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POUR UNE SANTÉ POLITIQUEMENT

( MÉDICALEMENT ? ) INCORRECTE

Article rédigé le 09 avril 2019 par Philippe Chandernagore

Le système de santé français tente de se réformer, ardemment et avec constance. (Trop diraient certains esprits chagrins…) Lois, décrets, ordonnances, circulaires, plans…  les injonctions législatives se succèdent et pourtant malgré quelques succès – ou demi succès – structurants (1941, 1958, 1970, 1991, 2002, 2009, 2016), seuls les principes « gestionnaires » semblent impacter le quotidien des structures et des acteurs décisionnaires. Les pratiques professionnelles, quant à elles, pour la plupart, paraissent immuables. Un docteur reste un docteur formaté qu’il est par un modèle qui date des années 1950.

 

Inadaptation structurelle et fonctionnelle de l’hôpital face aux pathologies chroniques

 

Pour autant la santé des populations a changé. Nul n’ignore les bouleversements (épidémiologique, sociologique, financier…) auxquels doit faire face l’ensemble du dispositif de santé. L’organisation historique, en particulier de l’hôpital, (datant d’un demi-siècle !), fondée sur le traitement de pathologies aigües, se trouve confronté à une inadaptation structurelle et fonctionnelle aux prises en charge des pathologies chroniques. Celles-ci font flores et sont devenues qualitativement majoritaires d’un point de vue épidémiologique. La « rupture » est bien présente faite de la concomitance, d’un point de vue qualitatif, de pathologies multiples (les polypathologies) et de pertes d’autonomie. Sur le plan quantitatif, l’amplification due à l’allongement de durée de vie et au vieillissement simultané de tous les « baby-boomers ». Ce constat n’est pas un épiphénomène, il représente 15 millions de personnes – environ 20% de la population) et ne manque pas de mettre en difficulté hôpital et médecine ambulatoire. Il interroge à la fois le métier des professionnels de santé, leur pratiques et leur organisation. C’est bien « l’outil de production » de santé territorial qui est en question.

 

L’hôpital : un acteur à part entière de premier recours

 

Depuis des décennies, le premier recours, dit médecine de ville, veut se consacrer aux pathologies dites bénignes, à la prévention, à l’analyse et la détection de pathologies plus graves qu’il confie au deuxième recours (majoritairement hospitalier mais aussi de ville, via les spécialistes libéraux). Or, les professionnels du premier recours sont, de plus en plus, confrontés au suivi à domicile de pathologies lourdes – souvent multiples – des patients. Cette lourdeur de ces patients, et l’organisation actuelle du dispositif de santé, font que ces professionnels, avec leur pratique actuelle, sont très souvent dépassés et n’ont pas d’autre choix que « l’adressage » aux urgences hospitalières. L’hôpital est devenu ainsi, via les urgences principalement, un acteur à part entière de ce premier recours. De même, les services hospitaliers, tel qu’ils fonctionnent actuellement, sous la contrainte des volumétries grandissantes et du raccourcissement des durée de séjours – T2A oblige – se trouvent dans la situation de « faire sortir » les patients de plus en plus tôt avec une organisation au domicile. Mais la coordination des soins à l’arrivée de ces patients chez eux est souvent aléatoire, voire inexistante. S’instaure alors un va et vient des prises en charge oscillant entre premier recours et hôpital ; les urgences hospitalières en étant la destination obligée.

 

Transformation des pratiques

 

La question, qui se pose quotidiennement, particulièrement dans les services de médecine, est donc de tenter de conserver l’activité de référence des médecins hospitaliers spécialistes avec cette affluence des patients aux urgences. Lesquels services d’urgences deviennent de fait le support du premier recours. C’est un nouveau métier qui leur est imposé ; se traduisant par une situation paradoxale qui touche tous les établissements entre une médecine polyvalente et une médecine de référence.

 

La réponse à cette question passe par une transformation des pratiques, quelque soit le niveau de recours (premier, deuxième et troisième niveau de recours). La « conciliation » entre proximité et recours supérieur sur un même territoire se heurte à des habitudes des professionnels ambulatoire et hospitaliers peu enclins à travailler ensemble. Cette dissociation entre besoins et offre concoure à dégrader gravement l’efficience du système. D’où la rengaine des professionnels, des syndicats et de certains politiques à considérer qu’il y a un « manque moyens ». Pourtant, le budget alloué annuellement aux secteurs sanitaires et médico-sociaux se monte à plus de 195 milliards d’euros, le nombre de structures hospitalières (public ou privé) s’élèvent à plus de 3 000 établissements (410 000 lits et 70 000 places), et les établissements et services médico-sociaux à 16 400 (près d’un million de places). Pour autant, et malgré l’investissement financier réalisé chaque année, toutes les réformes pour assurer l’équilibre budgétaire ont échouées ; le niveau de déficit des hôpitaux publics, dépassant à ce jour, le milliard d’euros, en devient historique.

 

Comment réorganiser le système de santé ?

 

Alors que faudrait-il faire ? Quelle traduction donner au plan « ma santé 2022 » que prévoit le gouvernement ? Comment réorganiser le système de santé, améliorer l’accès aux soins pour les patients et décloisonner la médecine de ville et l’hôpital ?

 

Oser imaginer que le premier recours devienne le pivot du système est tout juste considéré comme une hérésie. Ce déplacement du centre de gravité des parcours sur le domicile (et sortir de « l’hospitalocentrisme ») n’est pas gagné. Pourtant cette « rationalisation » s’impose. Les dispositifs existants doivent rebattre leurs cartes. Bien sûr émergent – ou existent déjà – les MSP, la refonte des hôpitaux de proximité, les CLIC, les CCAS, les équipes mobiles, les consultations avancées, les institutions médico-sociales, les récentes CPST (Communauté de professionnels de santé territoriaux) en sont les pionniers ?  Constituer des unités territoriales de santé de base (souvenons nous des Unités sanitaires de base d’il y a une trentaine d’années) en leur donnant juridiquement un statut adéquat et une personnalité morale et une gageure ; cette nouvelle configuration de l’offre devant être adaptée à la nouvelle donne épidémiologique et ne pas apparaitre comme une brutale rupture avec l’histoire. On pourrait imaginer, pour favoriser cette évolution des entités territoriales et leur efficience, que l’émergence de « nouveaux » métiers (allant au-delà de la récente création des assistants dans les MSP), d’authentiques professionnels territoriaux acteurs à part entière de la continuité des parcours. Souvenons-nous des anciens « officiers de santé » …

 

C’est bien là que se pose la question de l’innovation et de son financement. On pourrait une dotation forfaitaire du parcours ambulatoire ? Capitation ? financements hybrides entre T2A et paiement à l’acte sur la base des niveaux de recours, un « ponts » entre PMSI et nomenclature ambulatoire ? un financement mixte ?

 

Une telle disposition du premier recours devrait repositionner l’hôpital – et les GHT balbutiantes – sur leurs rôles de 2èmeet 3èmerecours et les recentrer sur leur « cœur de métier ».