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jurisprudence judiciaire
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recours à la publicité des professionnels libéraux : quelles conséquences pour les centres de santé ?

Article rédigé par Alice Agard

13 avril 2022, Cour de cassation, Pourvoi n° P2123234

Si la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne a permis de lever, de façon encadrée, l’interdiction absolue de publicité des professionnels de santé, la législation est en revanche demeurée inchangée quant aux centres de santé, laissant subsister à cet égard des interrogations.

C’est ce qu’a souligné un récent arrêt en date du 13 avril, la demande par la requérante du renvoi de deux QPC faisant notamment valoir une atteinte à l’égalité.

Pour mémoire, dans un arrêt du 4 mai 2017, la CJUE avait interprété l’article 56 du TFUE comme s’opposant à une interdiction générale et absolue de toute publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires. A la suite d’un arrêt du Conseil d’Etat, le décret du 22 décembre 2020 avait ainsi permis de mettre fin à cette interdiction de tous procédés de publicité par les chirurgiens-dentistes. Plusieurs décrets parus le même jour avaient de la même façon entendu mettre en conformité avec le droit de l’UE les codes de déontologie des médecins, infirmiers, sages-femmes, masseurs kinésithérapeutes et pédicures-podologues.

A l’interdiction générale et absolue de publicité a ainsi été substituée la possibilité par les professionnels de santé de recourir à des procédés de communications encadrés. Sous réserve du respect de certaines conditions a pu été consacrée notamment la liberté « de communiquer au public par tout moyen, y compris sur un site internet, des informations de nature à contribuer au libre choix du praticien par le patient, relatives notamment à ses compétences et pratiques professionnelles, à son parcours professionnel et aux conditions de son exercice ». Les décrets ont précisé les informations qu’un professionnel doit mentionner sur ses ordonnances, autres documents professionnels et son site internet, ainsi que de nouveaux éléments, notamment d’autres informations utiles à l’information du public, qu’il est autorisé à faire figurer dans les annuaires et sur une plaque à son lieu d’exercice, à la condition de tenir compte des recommandations émises par le conseil national de l’Ordre.

S’il y a donc bien eu des assouplissements en faveur de la communication par les professionnels de santé, l’article L 6323-1-9 dans sa rédaction issue d’une ordonnance du 12 janvier 2018 est resté inchangé quant aux centres de santé, tout forme de publicité leur demeurant interdite.

C’est ici précisément ce qu’a entendu contester une association gérant des centres de santé dentaires.
En l’espèce, afin de promouvoir l’ouverture de plusieurs centres de santé dentaires, l’association avait créé un site internet et des plaquettes de présentation. Plusieurs journaux et chaines de télévision s’en était en outre fait l’écho.
Estimant que ces procédés publicitaires constituaient des actes de concurrence déloyale à l’encontre des chirurgiens-dentistes libéraux situés à proximité des centres, le Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes ainsi que le Syndicat des chirurgiens-dentistes de France ont assigné l’association pour dommages et intérêts, publication de la décision et injonction de cesser immédiatement tout acte de concurrence déloyale.
La CA de Paris a fait droit à cette demande, condamnant l’association pour concurrence déloyale à l’encontre des chirurgiens-dentistes libéraux.

Celle-ci a alors formé un pourvoi en cassation et a demandé à la Cour de cassation le renvoi de deux QPC, relatives à l’inconstitutionnalité de l’article L.6323-1-9 alinéa 2 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue d’une ordonnance du 12 janvier 2018 :

En premier lieu, elle faisait valoir que l’interdiction absolue et générale de toute forme de publicité au profit des centres de santé était susceptible de porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

La Haute juridiction refuse le renvoi de cette première question au Conseil constitutionnel. Elle considère d’une part que la question n’est pas nouvelle, le Conseil ayant déjà eu l’occasion d’interpréter la disposition constitutionnelle invoquée. D’autre part, elle rejette son caractère sérieux, dès lors que l’interdiction générale et absolue de toute forme de publicité au profit des centres de santé poursuit « l’objectif d’intérêt général de bonne information des patients et, par suite, de protection de la santé publique ». Elle ajoute en outre qu’il ne peut être invoqué d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre dès lors que le même article dans son premier alinéa « prévoit que les centres de santé assurent une identification du lieu de soins à l’extérieur et l’information du public sur les activités et les actions de santé publique ou sociales mises en œuvre, sur les modalités et les conditions d’accès aux soins, ainsi que sur le statut du gestionnaire ».

En second lieu, l’association invoquait l’atteinte injustifiée au principe constitutionnel d’égalité, l’article contesté interdisant de manière absolue et générale toute forme de publicité au profit des centres de santé alors même que les professions médicales peuvent désormais recourir à la publicité.

S’agissant de cette deuxième question en revanche, la Cour relève son caractère sérieux. Dès lors qu’à la suite de la jurisprudence de la CJUE et de l’arrêt du CE précité, il a été mis fin à l’interdiction générale et absolue de tous procédés de publicité par les chirurgiens-dentistes, seuls les centres de santé sont désormais soumis à cette interdiction totale.
Jugeant cette circonstance bien susceptible de porter atteinte au principe d’égalité, la Cour a accepté de renvoyer au Conseil constitutionnel cette seconde QPC.

 

 

 

 

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