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jurisprudence judiciaire
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rupture conventionnelle d’un contrat de travail : les dernières précisions de la chambre sociale 

Article rédigé par Alice Agard et Guillaume Champenois

Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2023, n°21-18.117

Dans un arrêt du 11 mai dernier, la chambre sociale a jugé que la signature d’une rupture conventionnelle emporte renonciation à une rupture unilatérale du contrat de travail précédemment intervenue.

En l’espèce, un salarié avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle, signée le 24 mars 2017 et homologuée le 20 juin 2017 par la Direccte.

Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal antérieur, le salarié saisit le 20 juin 2018 la juridiction prud’homale de demandes relatives à l’exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Le jugement de première instance le déboute de ses demandes.

En appel, les juges infirment le jugement. Ils considèrent que le salarié a fait l’objet d’un licenciement verbal constitutif d’une rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et condamnent l’employeur à lui verser diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, de dommages et intérêts pour rupture abusive et irrégulière du contrat de travail et d’indemnité pour licenciement vexatoire.

La cour d’appel écarte la fin de non-recevoir soulevée par l’employeur qui invoquait la prescription abrégée d’un an prévue par l’article L. 1237-14 du Code du travail pour soutenir que l’action du salarié était prescrite. Elle estime en effet que cette prescription d’un an ne porte que sur la contestation d’une rupture conventionnelle. Elle ne peut donc s’appliquer à l’action en reconnaissance d’un licenciement verbal, qui est quant à elle soumise au délai de deux ans de droit commun antérieurement prévu par l’article L. 1471-1 ancien, et n’est donc pas prescrite. Ainsi, la « rupture conventionnelle intervenue postérieurement est sans objet, le contrat étant d’ores et déjà rompu ».

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation. Il invoque la rupture conventionnelle ultérieure et soutient l’applicabilité du délai de prescription d’un an prévu par l’article L. 1237-4 du Code du travail.

La chambre sociale casse l’arrêt d’appel, validant l’argumentation de l’employeur au visa des articles L. 1471-1 (dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013), L. 1237-11 et L. 1237-14 alinéa 4 du code du travail.

Elle commence par rappeler qu’antérieurement à la loi du 14 juin 2013, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrivait par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerçait avait connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer son droit. L’employeur et le salarié peuvent toutefois convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail : exclusive du licenciement ou de la démission, elle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Or, aux termes de l’article L. 1237-14 alinéa 4, tout recours contestant une telle convention doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date de son homologation.

La cour déduit de ces dispositions que « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue. ».

Elle écarte ainsi le raisonnement tenu par la cour d’appel : la convention de rupture n’ayant pas été remise en cause, les parties « avaient d’un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié ». Le délai de prescription d’un an de l’article L. 1237-14 est donc bien applicable, de sorte que les demandes du salarié relatives à la rupture du contrat de travail sont prescrites.

Certes, l’alignement des délais de prescriptions opéré en matière de rupture des relations de travail atténue quelque peu la portée de cet arrêt. En effet, l’article L. 1471-1 prévoit désormais que « toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture ».

En revanche, eu égard à la généralité de la formule qu’elle emploie, la Cour semble bien ouvrir la possibilité pour les parties de renoncer par un commun accord à une rupture unilatérale antérieure – ce qui peut notamment leur permettre d’expurger un licenciement irrégulier.

Si le salarié ne peut alors plus attaquer la rupture unilatérale antérieure, il peut toujours contester la rupture conventionnelle, sous réserve de respecter le délai de douze mois.

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