reclassement du salarié déclaré inapte : les précisions de la chambre sociale
Article rédigé par Alice Agard et Guillaume Champenois
Cour de cassation, chambre sociale, 21 juin 2023, n°21-24.279
Dans un arrêt du 21 juin dernier, la chambre sociale a apporté des précisions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte.
Elle a ainsi jugé que l’employeur qui propose un poste à un salarié déclaré inapte doit s’assurer de la compatibilité de ce poste aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin, et peu important que ce poste ait été créé lors du reclassement.
En l’espèce, à la suite d’un accident du travail, un salarié est placé en arrêt de travail à plusieurs reprises et en dernier lieu en mars 2017. Déclaré inapte par le médecin du travail, il refuse en mai 2017 une proposition de reclassement à un poste d’assistant administratif créé pour lui.
Après son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement en juin 2017, il saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement et obtenir paiement de diverses indemnités.
La Cour d’appel juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne l’employeur à payer au salarié des dommages et intérêts. Elle considère en effet que l’employeur n’a pas rempli son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale, dès lors qu’il a proposé un poste de reclassement « sans s’assurer auprès du médecin du travail de sa compatibilité avec l’état de santé du salarié et n’a pas pris en compte le motif de son refus pour accomplir les diligences nécessaires auprès du médecin du travail et envisager, au besoin, un aménagement de poste proposé en fonction de son avis ».
La Haute juridiction rejette le pourvoi formé par l’employeur, validant ainsi le raisonnement suivi par la Cour d’appel.
Elle rappelle d’abord la teneur des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du Code du travail dans leur rédaction issue de la loi du 8 aout 2016.
Le premier prévoit la procédure en cas d’inaptitude déclarée par le médecin du travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. L’employeur est alors tenu de lui proposer un autre emploi « approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. La proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté. ». L’emploi ainsi proposé doit être « aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».
L’article L. 1226-12 limite les cas dans lesquels l’employeur peut alors rompre le contrat de travail :
- S’il justifie de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 ;
- Ou si le salarié refuse l’emploi proposé dans ces conditions ;
- Ou si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.
La chambre sociale déduit de ces textes que « lorsque l’employeur propose un poste au salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce poste aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin, peu important que le poste ait été créé lors du reclassement du salarié. ».
Or, en l’espèce, le poste créé pour le salarié et proposé par l’employeur « impliquait la conduite d’un véhicule dans des conditions et un périmètre non précisés ». L’employeur n’avait donc pas pris en compte les préconisations du médecin du travail qui excluaient un maintien long dans une même position. D’où le refus du salarié qui évoquait l’incompatibilité de ce poste avec son état de santé.
L’employeur n’avait toutefois pas davantage pris en compte ce motif de refus et ne s’était pas non plus assuré auprès du médecin du travail de la compatibilité de ce poste avec l’état de santé du salarié, ou des possibilités d’aménagement qui auraient pu lui être apportées, comme le prévoit pourtant l’article L. 1226-10 du code du travail. Dès lors qu’il ne justifiait pas d’une impossibilité de proposer un emploi dans les conditions légales, il ne pouvait valablement rompre le contrat de travail.
En découle une méconnaissance par l’employeur de son obligation de reclassement de manière sérieuse et loyale.
La Haute juridiction met ainsi en garde les employeurs quant à la nécessité de respecter l’avis du médecin du travail dans le cadre d’un reclassement – la création éventuelle d’un nouveau poste important peu à cet égard.