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Instauration d'un médiateur national
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INSTAURATION D’UN MÉDIATEUR NATIONAL, UNE BONNE IDÉE ?

Article rédigé le 10 septembre 2019 par Me Guillaume Champenois

Résumé : Le 28 août 2019 est publié au journal officiel un Décret instaurant un médiateur national et des médiateurs régionaux ou interrégionaux. Le décret instaure un processus de médiation pour les personnels des établissements publics de santé, sociaux et médico-sociaux. De fait, l’instauration d’un médiateur est en réalité la réponse du Ministère aux différents dossiers de harcèlement moral notamment mis en avant sur la scène publique par l’association Jean Louis MEGNIEN.

 

L’article 1er du Décret énonce : « La médiation régie par le présent décret s’entend de tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure juridictionnelle en vue de la résolution amiable de leur différend, avec l’aide d’un tiers qui accomplit sa mission avec indépendance, impartialité, neutralité, équité, en mettant en œuvre compétence et diligence. La médiation est soumise au principe de confidentialité. »

 

Le périmètre est large et concerne donc l’ensemble des personnels des établissements publics de santé et médico-sociaux.

 

Périmètre de la médiation

 

L’article 2 précise ce périmètre en énonçant que « la médiation s’applique à tout différend entre professionnels, opposant soit un agent à sa hiérarchie soit des personnels entre eux dans le cadre de leurs relations professionnelles dès lors qu’ils sont employés par le même établissement, au sein d’une direction commune ou d’un même groupement hospitalier de territoire et que ce différend porte une atteinte grave au fonctionnement normal du service. Sont exclus du champ de la médiation, les conflits sociaux, les différends relevant des instances représentatives du personnel ou faisant l’objet d’une saisine du Défenseur des droits ou d’une procédure disciplinaire et les différends relatifs à des décisions prises après avis d’un comité médical ou d’une commission de réforme. »

 

Ce n’est pas un processus de sortie de grève. C’est un mode de règlements des conflits individuels ou interpersonnels. Ce faisant, l’exclusion de ce processus « de médiation des différends » en cas de saisine du conseil de discipline, du comité médical et de la commission de réforme, réduit le périmètre des différends pouvant faire l’objet d’une médiation à la question de la dégradation des conditions de travail ou, autrement formulé, au harcèlement moral.

 

Ne nous trompons pas, si l’objet et le périmètre de la médiation ainsi instaurée par ce Décret du 28 août 2019 ne le précise pas, c’est ici la réponse du Ministère aux différents dossiers de harcèlement moral impliquant un ou des praticiens hospitaliers ces derniers mois et dernières années mis en lumière, initiés ou mis en avant sur la scène publique par l’association Jean Louis MEGNIEN (https://www.houdart.org/harcelement-moral-a-lhopital-quen-reellement/).

 

L’initiative est louable et permettra certainement de résoudre quelques conflits interpersonnels. Cela dépendra en réalité grandement de la capacité du médiateur à analyser la situation et à trouver la porte de sortie (https://www.houdart.org/harcelement-moral-directeur-hopital/).

 

Ce traitement des symptômes ne doit pas occulter la cause.

 

La véritable problématique d’un médiateur national

 

La problématique réside dans le fait que le Directeur d’hôpital est employeur des praticiens hospitaliers sans les attributs de l’employeur puisque le directeur hôpital, s’il a autorité sur l’ensemble du personnel comme le précise l’article L.6143-7 du Code de la santé publique, ne peut prendre aucune mesure disciplinaire à l’encontre d’un praticien nommé à titre permanent.

 

Or, l’existence d’un conflit interpersonnel dans une équipe, quelle qu’elle soit, doit conduire à une prise de décision rapide. La problématique est d’autant plus prégnante que cela concerne les personnels qui « font l’activité » et donc qui indirectement génèrent le financement de l’établissement.

 

Entendons-nous bien, cette initiative d’instaurer un médiateur au niveau national, inter-régional et régional, est à saluer.

 

Cependant, la création d’un médiateur ne règlera pas le problème et on continuera à traiter les symptômes plutôt que les causes.

 

La solution existe et elle est juridiquement simple à mettre en œuvre. Si la nomination des praticiens hospitaliers doit à notre sens impérativement s’opérer au niveau national et donc par le CNG ou demain par le Ministère, la sortie du service doit pouvoir s’opérer sur décision du chef d’établissement. Ce dernier doit impérativement disposer du pouvoir disciplinaire. Ce n’est pas ici seulement un enjeu de « prise de décision rapide » mais également de crédibilité pour le chef d’établissement dans la gestion globale de l’établissement sur les questions de ressources humaines. Lorsqu’un agent de catégorie C est sanctionné pour des faits pour lesquels un praticien n’aurait même pas une remontrance orale, les représentants des personnels siégeant au conseil de discipline ont raison d’invoquer deux poids deux mesures.

 

Pourquoi une telle solution, qui est souhaitée par de très nombreux professionnels, n’est-elle pas mise en œuvre ?

 

Tout simplement au motif que les praticiens et les organisations syndicales desdits praticiens s’y opposent fortement.

 

C’est à notre sens totalement contreproductif car cela contribue à rendre l’hôpital public de moins en moins attractif pour le professionnel de santé. Prenons un exemple de bon sens et déjà constaté, celui d’un praticien hospitalier qui ne s’inscrit nullement dans une organisation collective de travail et avec un sens du respect de l’autre tout relatif. Le Directeur est ici dans l’incapacité d’agir pour mettre un terme à ce comportement. Que vont faire les praticiens qui ne supportent plus une telle attitude ? Ils partiront. Que vont faire les praticiens qui étaient intéressés par le projet médical et tentés de rejoindre l’équipe ? Ils ne viendront pas. Certes, ce n’est pas l’unique cause de la perte d’attractivité de l’hôpital public mais cela y participe.

 

Le problème de l’attractivité de l’hôpital est déjà très présent pour nombre d’établissements mais il va vite devenir insurmontable et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas uniquement une question budgétaire.

L’attractivité de l’hôpital est l’un des plus grands défis à venir dans les mois et années à venir pour les autorités publiques.

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).