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Contrôle CPAM des praticiens libéraux et répétition de l'indu
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CONTRÔLE CPAM DES PRATICIENS LIBÉRAUX ET RÉPÉTITION DE L’INDU

Article rédigé le 4 février 2020 par Me Lorène Gangloff

Le contrôle d’activité réalisé par les caisses d’assurance maladie aboutit fréquemment à une action en répétition de l’indu dirigée contre le praticien libéral contrôlé.

Si les médecins, inquiets de devoir procéder au remboursement de sommes importantes, n’hésitent pas à soulever l’ensemble des moyens susceptibles de conduire à l’annulation des actes de recouvrement, en particulier, les irrégularités entachant la procédure de recouvrement, ils ne doivent pas pour autant sous-estimer l’enjeu qui sous-tend la demande de la caisse : la remise en cause de leur codage.

 

L’activité des praticiens libéraux fait l’objet, à l’instar de celle des établissements de santé publics et privés, de contrôles initiés par les caisses d’assurance maladie.

 

Ces contrôles, qui interviennent, selon les termes de la Charte du contrôle de l’activité des professionnels de santé par l’Assurance maladie, dans le cadre « d’un programme thématique de contrôle », ou à la suite de la « la détection d’atypismes statistiques, de témoignages ou signalements d’anomalies », sont réalisés, à l’initiative des services administratifs de la caisse ou du service du contrôle médical.

 

Si la finalité demeure identique, à savoir, mettre en évidence d’éventuels manquements des professionnels en matière de facturation et de tarification, le véritable objet du contrôle varie.

 

Il convient, en effet, d’opérer une distinction entre le contrôle administratif qui consiste à examiner la régularité du codage des actes réalisés au regard des dispositions législatives et réglementaires, ainsi que des engagements conventionnels et le contrôle médical qui tend à vérifier la justification de la prestation facturée, le cas échéant, par la mise en œuvre d’une expertise médicale.

 

Au-delà de leur objet, sous leur apparente identité les deux formes de contrôle sont régies par un corpus juridique différent et, par conséquent, des modalités de mise en œuvre distinctes.

 

L’action en répétition de l’indu, une suite classique du contrôle

 

Lorsqu’à l’issue de ces contrôles, des anomalies de facturation sont mises en évidence, leurs auteurs procèdent au recouvrement de l’indu résultant de la faute, l’abus ou de l’infraction relevée et peuvent, en complément et en fonction de la nature des irrégularités relevées, soit émettre de simples observations, soit notifier une pénalité financière, soit engager une action contentieuse contre le professionnel de santé contrôlé (section des assurances sociales de la chambre disciplinaire des conseils de l’ordre des professionnels de santé, juridictions pénales).

 

En effet, lorsque la caisse de sécurité sociale estime avoir versé, à tort, une prestation, celle-ci adresse au professionnel concerné une notification de payer en vue du recouvrement des sommes en litige.

 

Dans cette hypothèse, soit le professionnel procède spontanément au remboursement des sommes visées, soit il conteste le bien-fondé de la notification de payer.

 

En cas de contestation, le praticien doit saisir la commission de recours amiable de la caisse ayant notifié et, en cas de rejet, introduire une action devant le pôle social du Tribunal judiciaire compétent.

 

L’irrégularité de la procédure, un moyen de défense classique… qui comporte certaines limites

 

La richesse de ce contentieux réside dans la pluralité des moyens, de fond et de forme, qui peuvent être opposés, et susceptibles de conduire, in fine, à l’annulation de la notification de payer, de la mise en demeure, voire de la contrainte, qui a pu être adressée.

 

Le professionnel de santé peut ainsi contester le bien-fondé de l’indu qui lui a été notifié et dont on lui réclame le remboursement, en apportant la preuve de la régularité des codages pratiqués au regard des termes de la nomenclature des actes médicaux, mais également la régularité formelle de la procédure de recouvrement qui comprend nombre de chausse-trapes pour les caisses d’assurance maladie. Les médecins peuvent ainsi et à titre non-exhaustif, soulever la prescription de la procédure de recouvrement, contester la régularité formelle de la notification de payer ou encore la compétence de son auteur.

 

Bien que les vices procéduraux susceptibles d’être soulevés soient nombreux, en raison de la dualité des régimes de contrôle et de la complexité de la procédure de recouvrement, les juridictions apparaissent de moins en moins enclines à annuler les notifications de payer sur le fondement d’une irrégularité procédurale.

 

A cet égard, la Cour de cassation a récemment confirmé que les juges du fond étaient tenus de se prononcer sur le bien-fondé de l’indu, peu important l’absence d’émission d’une mise en demeure postérieurement à la notification de payer, dans le cadre de la procédure de recouvrement (Cass. 2ème, 4 avril 2019, n° 18-12.903).

 

La Haute juridiction a également jugé que l’absence de signature de la notification de payer par le directeur de la caisse ou un agent de l’organisme titulaire d’une délégation de pouvoir ou de signature était insuffisante pour permettre l’annulation de la notification de payer et, le cas échéant, de la mise en demeure subséquente (Cass. 2ème, 28 novembre 2019, 18-21.879).

 

En tout état de cause, si la recherche de vices de procédure peut s’avérer efficace pour le praticien libéral qui engage une action en contestation, ce dernier a souvent intérêt à élever le débat sur le fond.

 

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que, la caisse étant demanderesse à l’indu, cette dernière conserve la charge de la preuve de l’erreur (méconnaissance des règles de tarification ou de facturation) commise par le professionnel auprès duquel elle sollicite le remboursement de l’indu, comme cela a été récemment confirmé par la Cour d’appel de Nîmes dans un arrêt du mois de juillet 2019 (CA de Nîmes – Ch. Sociale, 2 juillet 2019, RG n°17/01156). A défaut, pour la caisse, de rapporter les éléments permettant de l’établir, la juridiction ne pourra retenir le bien-fondé de sa demande.

 

Le professionnel est également en droit de discuter les éléments versés aux débats ou de produire de nouveaux éléments de preuve permettant de justifier de la régularité de sa pratique.

 

Mais surtout, la nomenclature des actes médicaux constitue un ensemble complexe qui donne lieu à des interprétations souvent contrastées entre les professionnels en exercice et les médecins conseils des caisses d’assurance maladie.

 

Si certains praticiens procèdent intentionnellement à un codage erroné de l’acte, la plupart des contrôles sont fondés sur des divergences d’interprétations, comme en matière d’association de codages. Il arrive fréquemment que le médecin se voit reprocher d’avoir associé deux ou davantage de codages, que les médecins-conseils considèrent incompatibles au regard de la nomenclature CCAM ou de ne pas avoir tarifé ces actes associés.

 

Dans ces conditions, un échange avec le médecin-conseil de la caisse peut permettre de trouver une issue amiable au litige en cours et, à terme, de valider une pratique de codage pour l’avenir.

 

En toute hypothèse, en cas de persistance du désaccord, cet échange permettra d’éviter la réitération de l’erreur et de nouvelles notifications d’indus, puisqu’il permettra au praticien de mettre un terme à une pratique de facturation non-conforme à celle prévue par la classification des actes médicaux.

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.