Scroll Top
creation-de-la-fonction-d-infirmier-referent
Partager l'article



*




Création de la fonction d’infirmier référent

Article rédigé le 29 avril 2024 par Me Axel Véran

Publiée au Journal Officiel le 28 décembre 2023, la Loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, dite « Loi Valletoux » – du nom de son auteur, désormais ministre de la Santé –, a créé la fonction « d’infirmier référent », reconnaissant enfin, après le médecin traitant et le pharmacien correspondant, le rôle de l’infirmier dans la coordination des soins.

 

L’infirmier référent, pierre manquante dans la structuration du parcours de soins

Il y a désormais près de vingt ans, la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie remplaçait le dispositif du médecin référent mis en place par la convention des médecins généralistes de 1998 en organisant le parcours de soins autour du médecin traitant.

Plus récemment, la loi OTSS de 2019 créait la fonction de pharmacien correspondant, renforçant ainsi les missions du pharmacien de coordination, fonction créée par la loi HPST lui permettant ainsi, en officine, dans le cadre d’un exercice coordonné, à la demande du médecin ou avec son accord et dans les conditions prévues par décrets, de renouveler des traitements chroniques et adapter, au besoin, leur posologie.

Si la volonté de structurer les parcours de soins et coordonner les soins de ville a, de longue date, conduit à reconnaître et officialiser les rôles du médecin traitant et du pharmacien correspondant dans la coordination des soins, la place de l’infirmier a trop longtemps été ignorée alors même que, pendant la période de pandémie de covid-19, l’existence reconnue d’un infirmier référent aurait permis d’aller vers les patients les plus fragiles. Cette reconnaissance avait alors été refusée aux infirmiers

La nécessaire reconnaissance du rôle de l’infirmier dans la coordination des soins

 

Limitativement énumérées par le décret d’actes de 2002 (que beaucoup jugent, à juste titre, obsolète et déconnecté), lequel distingue notamment entre les actes relevant du rôle propre de l’infirmier ; ceux réalisés sur prescription médicale et les techniques mises en œuvre par le médecin auxquelles l’infirmier participe, les compétences des infirmiers ne reconnaissaient pas leur rôle de coordination des intervenants, extérieurs ou à domicile et de liaison avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant du patient.

Pourtant, la plus-value qu’apporte leur connaissance du patient sur les plans médical (interviennent sur des soins paramédicaux), social, environnemental et familial est indiscutable et permettait déjà :

  • De libérer du temps médical ; et
  • D’améliorer le suivi médical des patients en améliorant la coordination avec le médecin.

 

Sur ce point, un rapport récent de l’Inspection générale des affaires sociales relevait le rôle important des infirmiers dans la coordination des soins et précisait « la fonction de coordination au domicile du patient est d’ores et déjà exercée pour partie par les infirmiers intervenant à domicile, du fait de leur présence régulière chez le patient et de leur compétence clinique ».

Ce rôle devait toutefois être officialisé.

C’est désormais chose faite.

 

La création de la fonction d’infirmier référent

 

Issu de trois amendements identiques de Chantal Jourdan (Socialistes), Jérémie Patrier-Leitus (Horizons) et Thierry Frappé (Rassemblement national) adoptés en séance publique par l’Assemblée nationale, l’article 15 de la Loi Valletoux est venu créer la fonction d’infirmier référent, demande exprimée de longue date par les représentants de la profession.

Ses missions s’articulent, en lien avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant, autour de trois axes :

  • La prévention ;
  • Le suivi ; et
  • Le recours aux soins.

 

Ledit article vient créer un nouvel article L. 162-12-2-1 dans le Code de la sécurité sociale, lequel dispose :

« Afin de favoriser la coordination des soins, l’assuré ou l’ayant droit âgé de seize ans ou plus atteint d’une affection mentionnée au 3° de l’article L. 160-14 [affection longue durée] nécessitant des soins infirmiers peut déclarer à son organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom de l’infirmier référent qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci. Le choix de l’infirmier référent suppose, pour les ayants droit mineurs, l’accord de l’un au moins des deux parents ou du titulaire de l’autorité parentale.

Plusieurs infirmiers exerçant au sein d’un cabinet situé dans les mêmes locaux, au sein d’un même centre de santé mentionné à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique ou au sein d’une même maison de santé mentionnée à l’article L. 6323-3 du même code peuvent être conjointement désignés infirmiers référents.

L’infirmier référent assure une mission de prévention, de suivi et de recours, en lien étroit avec le médecin traitant et le pharmacien correspondant.

Pour les ayants droits âgés de moins de seize ans, l’un au moins des deux parents ou le titulaire de l’autorité parentale peut déclarer à l’organisme gestionnaire de régime de base d’assurance maladie le nom de l’infirmier référent qu’il a choisi, avec l’accord de celui-ci.

Les modalités d’application du présent article sont définies par voie réglementaire ».

La désignation, par le patient, d’un infirmier référent :

  • Reste une faculté ;
  • Nécessite l’accord de l’infirmier désigné, y compris pour les mineurs de seize ans ;
  • Dans l’attente d’une première évaluation des effets du dispositif et avant une éventuelle extension, est réservée aux patients en affection de longue durée.

 

Enfin, le dispositif permet de désigner plusieurs infirmiers référents lorsque ceux-ci exercent au sein d’une même structure (cabinet, centre de santé ou maison de santé).

S’il a été proposé de placer les infirmiers référents sous la tutelle des médecins, la proposition n’a pas été retenue.

En créant le statut d’infirmier référent et en ne les plaçant pas sous tutelle des médecins, le législateur a officiellement reconnu le rôle de l’infirmier dans la coordination du parcours de soins du patient et semble consacrer la notion « d’équipe de soins de référence ».

Les missions assurées par l’infirmier référent qui connaît le patient, peut travailler sur protocole, modifier des prescriptions non conformes car inhérentes aux soins infirmiers, devraient permettre de dégager du temps médical.

Les médecins ont besoin de temps, les infirmiers ont des compétences. La reconnaissance du statut d’infirmier référent et, partant, d’équipe de soins de référence, permettra au tandem médecin de mieux coordonner leurs actions, au bénéfice du patient.

 

Des précisions à venir

Si l’inscription de l’infirmier référent dans la loi est une bonne nouvelle et devrait consacrer l’émergence de la notion d’équipe de soin traitante de référence, la loi renvoie à un décret le soin d’en préciser les modalités d’application.

Ainsi que le précise M. Jean-Pierre CORBISEZ, sénateur du Pas-de-Calais, si elles sont l’occasion d’affiner le dispositif afin de le rendre plus lisible, plus simple et plus efficace, les mesures réglementaires attendues devront notamment permettre d’assurer :

  • Que la désignation de plusieurs infirmiers référents ne viendra pas complexifier le déploiement du statut et sa valorisation par l’assurance maladie ;
  • Que les dispositions retenues seront adaptées aux attentes des professionnels et aux besoins exprimés sur le terrain.

 

Vers la reconnaissance du rôle essentiel des infirmiers ou vers un clash avec les médecins généralistes ?

Dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche paru le 14 avril 2024, Frédéric VALLETOUX, ministre délégué à la Santé, annonçait vouloir faire évoluer la loi, « afin d’élargir et de clarifier les compétences des infirmiers, de créer la consultation en soins infirmiers et de leur ouvrir un droit à certaines prescriptions », « en lien avec le médecin traitant mais avec une autonomie supplémentaire et une confiance renouvelée ».

Si, pour l’Ordre National des Infirmiers, les annonces du ministre marquent une « étape historique pour la profession et l’égalité d’accès aux soins » et traduiraient « l’aboutissement d’un changement profond de notre société et de notre système de soins », ces annonces risquent, à l’heure des négociations conventionnelles, de ne pas apaiser les tensions avec les médecins généralistes, déjà échaudés par celles du Premier ministre

 

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.