EHPAD publics et TVA : clap de fin
Article rédigé le 10 juin 2024 par Anaïs Bakali
💡Cet article est issu de notre lettre dédiée au médico-social du mois de juin #4
Il y a quelques années, des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) publics avaient fait le choix, dans un cadre budgétaire contraint, de procéder à leur fiscalisation notamment en se soumettant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur leur forfait d’hébergement.
En effet, l’article 256 B du code général des impôts dispose que :
« Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ».
Sur cette base, des EHPAD publics se considéraient bien fondés à solliciter leur assujettissement à la TVA pour leur activité d’hébergement au regard de la concurrence constaté avec des opérateurs privés gestionnaires d’EHPAD.
Toutefois, par un avis rendu le 12 avril 2019, le Conseil d’État a adopté une analyse contraire. Dans le cadre d’un EHPAD public, la haute juridiction considère que l’activité d’hébergement de personnes âgées est exercée par une autorité publique et n’entraîne pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs du secteur privé dans la mesure où un EHPAD public a vocation à être habilité à l’aide sociale à l’hébergement ce qui le prive de fixer librement ses tarifs.
Dans les suites de cet avis, le Conseil d’État a, par plusieurs arrêts rendus les 7 avril et 12 juillet 2023, confirmé sa position sur les questions de la distorsion de concurrence au regard du caractère spécifique des EHPAD publics.
Le Conseil d’État a fait une lecture des dispositions de l’article 256 B du code général des impôts à la lumière de la directive européenne.
Il n’est pas inutile de rappeler que le régime de TVA applicable aux EHPAD découle en effet des dispositions de la directive européenne 2006/112/CE qui ont été transposées en droit interne à l’article 256 B du code général des impôts. Toutefois, cet article n’est pas fidèle à la lettre de l’article 13 de la directive TVA qui prévoit en son second paragraphe que : « les États membres peuvent considérer comme activités de l’autorité publique les activités des organismes de droit public, lorsqu’elles sont exonérées en vertu des articles 132, 135, 136 […] ».
À ce titre, le g) du §1 de l’article 132 exonère : « les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l‘aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d’autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l’État membre concerné ».
Un des arguments clés avancés par le Conseil d’État est l’habilitation des EHPAD public à l’aide sociale. En vertu de cette habilitation, les EHPAD publics sont investis d’une mission de service public dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, ce qui confirme leur statut d’autorité publique et leur spécificité par rapport aux établissements privés.
Bien que l’habilitation à l’aide sociale soit ouverte à l’ensemble des EHPAD, quel que soit leur statut, force est de constater que la grande majorité des EHPAD publics sont totalement habilités (91 %), de même que 71 % des EHPAD privés à but non lucratif, alors qu’à l’inverse, seulement 6 % des EHPAD privés lucratifs sont totalement habilités.
Le Conseil d’État a donc posé une présomption de non-concurrence pour les EHPAD publics considérant qu’ils sont majoritairement habilités à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale et ainsi soumis à une tarification fixée par l’administration lors ôtant toute liberté tarifaire.
Il précise en outre que, si leurs conditions d’exploitation ne sont pas significativement éloignées de celles des établissements privés à but non lucratif également habilités, ces derniers bénéficient de l’exonération posée par le b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts. Ainsi, le non-assujettissement des EHPAD publics à la TVA n’est pas susceptible de créer des distorsions de concurrence ; l’habilitation leur conférant un caractère social au sens de la directive précitée.
Les opérateurs privés à but lucratif sont quant à eux libres de choisir leur clientèle et de fixer leurs tarifs.
À l’aune de ces décisions, l’administration fiscale a enjoint plusieurs EHPAD publics qui avaient opté pour leur fiscalisation à la TVA, de se mettre en conformité ce qui entraîne des conséquences financières importantes.
Anaïs Bakali a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 après plusieurs expériences notamment en qualité de juriste dans un cabinet spécialisé en droit bancaire, droit des procédures collectives et voies d'exécution puis en qualité de chargée de contentieux chez un bailleur social.
Elle intervient en qualité de juriste auprès des acteurs des secteurs de la santé et du médico-social en matière de fiscalité, de création et d'évolution de groupement et de société.