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ESMS privés à but non lucratif : leurs locaux relèvent-ils du domaine public communal ?

 

Article rédigé le 10 juin 2024 par Me Laurine Jeune

💡Cet article est issu de notre lettre dédiée au médico-social du mois de juin #4 

 

Dans le secteur médico-social et social, il est fréquent que des collectivités territoriales mettent à disposition des locaux auprès d’opérateurs gestionnaires d’établissements ou de services.

De quel domaine, public ou privé, relèvent ces locaux ? Cette question n’est pas neutre car le régime applicable à l’un ou l’autre de ces domaines, est bien différent.

L’arrêt du 18 juillet 2023 du Conseil d’Etat illustre cette différence en matière de responsabilité de l’occupant en cas d’incendie.

Mais au-delà de ce sujet particulier, cet arrêt permet de rappeler les règles permettant de déterminer si un bien appartient au domaine public.

En Bretagne, une association dite « de loi 1901 » louait auprès d’une commune un bâtiment accueillant un institut médico-éducatif (IME).

Cet IME comprenait notamment :

  • un internat pour enfants et jeunes handicapés de moins de 18 ans,
  • une section d’éducation et d’enseignement spécialisée pour les enfants de 6 à 13 ans,
  • une section d’initiation et de première formation professionnelle, qui propose aux adolescents des enseignements, des formations professionnelles et des activités éducatives et sportives.

A la suite d’un incendie d’origine indéterminée en aout 2015, le propriétaire (la commune) a été indemnisée par sa société d’assurance. Se fondant sur la présomption de responsabilité du locataire en cas d’incendie des lieux loués (article 1733 du code civil), ladite société d’assurance a assigné la société d’assurance du locataire (l’association gestionnaire de l’IME), devant le tribunal de grande instance en vue d’obtenir le remboursement des sommes versées à la commune.

Pour la société d’assurance du locataire, les locaux relevaient du domaine public (et non privé) de la commune ce qui exclue l’application de la présomption de responsabilité du locataire en cas d’incendie.

Afin de déterminer si le bâtiment occupé par l’association pour les besoins de son IME, relevait du domaine public ou du domaine privé de la commune, le juge judiciaire a saisi le tribunal administratif d’une question préjudicielle.

Dans son jugement du 12 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a retenu que le bâtiment n’appartenait pas au domaine public communal. La société d’assurance du locataire s’est alors pourvue en cassation contre ce jugement

Le Conseil d’Etat a considéré que le tribunal administratif avait entaché son jugement d’erreur de droit et a renvoyé l’affaire.

Il rappelle les règles permettant de déterminer si un bien appartient au domaine public.

En dehors des cas fixés par la loi, pour qu’un bien appartenant à une collectivité territoriale (ou à toute autre personne publique) soit considéré comme relevant de la domanialité publique, un ensemble de critère doit être examiné.

Celui qui intéresse l’affaire soumise au Conseil d’Etat est fixé par les dispositions de l’article L. 2111-1 du code de la propriété des personnes publiques :

« Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique […] est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public. »

Dans l’arrêt du 18 juillet 2023, le juge rappelle que la mission assurée par les organismes privés gestionnaires d’établissement et services médico-sociaux et sociaux (ceux visés au 2° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles) n’est pas en tant que telle une mission de service public.

Cependant, l’activité des établissements sociaux et médico-sociaux privés non lucratif peut parfaitement être affectée à un service public (enseignement, autonomie, insertion professionnelle, …) et faire l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public.

Telle est l’analyse du Conseil d’Etat qui a considéré que les locaux accueillant l’IME breton étaient susceptibles d’être affectés au service public de l’éducation et de relever du domaine public à condition d’avoir fait à cette fin l’objet d’un aménagement spécial ou indispensable.

Le Conseil d’Etat vise en particulier l’unité d’enseignement intégrée dans l’IME : « Lorsqu’elle s’effectue en tout ou en partie dans une unité d’enseignement créée au sein d’un institut médico-éducatif, cette scolarisation participe du service public de l’éducation et les locaux qui, dans l’enceinte d’un tel institut, servent au fonctionnement de l’unité d’enseignement doivent être regardés comme affectés à ce service public. »

En synthèse, l’arrêt du Conseil d’Etat n’institue pas de principe selon lequel les locaux occupés par un établissement social ou médico-social géré par un organisme privé à but non lucratif, et appartenant à une personne publique, relèveraient par définition du domaine public.

Cependant, doivent être considérées à la fois les missions assurées par l’établissement et les conditions de leur réalisation car elles peuvent justifier une affectation à un service public.

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.