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Nouveauté : Accord collectif dans la fonction publique
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Fonction publique et accord collectif

 

Article rédigé le 19 juillet 2021 par Me Guillaume Champenois

Les fonctionnaires étant dans une position statutaire et règlementaire, la question de la négociation collective dans la fonction publique a toujours constitué un écueil pour les organisations syndicales dans leur souhait d’instaurer un dialogue social fondé sur la négociation. Si de nombreux accords locaux sur la réduction du temps de travail ont vu le jour au début des années 2000, ceux-ci n’avaient qu’une valeur morale et ne présentaient aucune valeur juridique contraignante. Désormais, sous certaines conditions, les organisations syndicales représentatives et l’autorité administrative vont pouvoir conclure des accords qui seront juridiquement contraignants.

 

 

Après la réforme des institutions représentatives du personnel dont la prise d’effet est fixée aux prochaines élections générales de la fonction publique de décembre 2022, le pouvoir législatif et le pouvoir règlementaire ont œuvré pour une autre réforme qui a pour objet d’instaurer la possibilité de négocier et de conclure un accord collectif dans la fonction publique. Dans ce cadre, le Décret 2021-904 du 7 juillet 2021 fixe les modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique.

L’accord collectif dans la fonction publique c’est maintenant.

 

Le Décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique est publié au journal officiel du 8 juillet 2021.

Il est pris en application des dispositions de l’Ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique, dont les dispositions ont été pour partie intégrées dans la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, elle-même prise en application de l’article 14 de la Loi n° 2019-828 du 6 août 2019 modifiée de transformation de la fonction publique.

Pour rappel, le Conseil d’Etat a toujours jugé que l’accord collectif conclu entre une administration et des représentants syndicaux ne constituait qu’une «°déclaration d’intention dépourvue de valeur juridique et de force contraignante°» (CE, 27 octobre 1989, n°102990, Syndicat national des ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation ou encore CE, 24 mai 2006, n° 277120, Mme).

La portée de cette jurisprudence n’est pas négligeable.

Ainsi, l’application de cette jurisprudence a conduit le juge du fond à considérer qu’un protocole d’accord préélectoral négocié et conclu en vu des élections professionnelles générales au sein d’un établissement public de santé était dépourvue de valeur légale contraignante ; « Le syndicat requérant soutient que la campagne électorale s’est déroulée en méconnaissance du protocole électoral élaboré en vue des élections litigieuses, dès lors que le syndicat CFDT a, comme relevé plus haut, fait campagne le jour du scrutin, en violation des stipulations dudit protocole, prévoyant la fin de la campagne électorale au jeudi 6 décembre 2018 à zéro heure. Toutefois, un tel protocole étant dépourvu de toute valeur contraignante, le syndicat protestataire ne peut utilement se prévaloir de sa méconnaissance » (jugement du 19 décembre 2019 du Tribunal administratif de Rennes n°1900852).

Ces jurisprudences s’expliquent par le fait qu’aucun texte ne prévoyait la possibilité de conclure des accords collectifs au sein de la fonction publique mais aussi et surtout par le fait que le fonctionnaire est dans une position statutaire et règlementaire (confer – article 4 de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).

Désormais, c’est chose possible et l’article 8 ter de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dresse la liste des domaines dans les lesquels un accord collectif peut être négocié et conclu.

Pour autant, il faut préciser que l’article 8 sexies de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 dispose que « les mesures réglementaires incluses dans les accords mentionnés au II de l’article 8 bis ne peuvent porter sur des règles que la loi a chargé un décret en Conseil d’Etat de fixer, ni modifier des règles fixées par un décret en Conseil d’Etat ou y déroger. »

De fait, ces accords ne pourront modifier le statut des fonctionnaires lequel statut relève de la compétence d’un Décret en Conseil d’Etat.

 

Une méthodologie tout aussi importante que le contenu de l’accord

 

Avant la signature, il y a la négociation et dès lors que l’accord présente une valeur juridique contraignante, il est opportun de se poser la question de la méthodologie. Si des accords locaux ont pu être conclu ici ou là, l’instauration de l’accord collectif juridiquement contraignant au sein de la fonction publique induit de maîtriser la phase de négociation.

A cet effet, les organisations syndicales et l’administration pourront conclure un accord de méthode au visa du III de l’article 8bis de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet accord de méthode, comme dans le secteur privé, permet d’encadrer les modalités de la négociation (durée de la négociation, le nombre de réunion, les participants aux réunions, etc…).

 

Une obligation de donner suite à une proposition de négocier mais pas une obligation de conclure un accord.

 

Le Décret n° 2021-904 du 7 juillet 2021 relatif aux modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique prévoit, comme son nom l’indique, les modalités de la négociation et de la conclusion des accords collectifs dans la fonction publique.

L’autorité administrative qui est destinataire d’une demande de négociation émanant d’une organisation syndicale doit accuser réception de cette demande dans un délai de 15 jours. Dans les deux mois de la réception de cette demande, l’autorité administrative invite les organisations syndicales à une réunion de négociation pour déterminer si les conditions d’ouverture d’une négociation sont réunies. Dans les 15 jours de cette réunion, l’autorité administrative notifie aux organisations syndicales les suites qu’elle entend y donner ; la poursuite des négociations ou l’arrêt du processus de négociation.

 

Pour les établissements visés à l’article 2 de la Loi n°86-33 du 9 janvier 1986, si une suite est donnée à cette réunion et qu’un accord est conclu entre les organisations syndicales et le directeur de l’établissement, cet accord est transmis par voie électronique à l’agence régionale de santé dont dépend l’établissement. Le directeur général de l’agence régionale de santé dispose alors d’un délai de deux mois pour vérifier la conformité de l’accord à « la norme supérieure ».

L’absence de réponse du directeur général de l’agence régionale de santé emporte autorisation de publication de l’accord et donc emporte mise en œuvre de l’accord. En cas de non-conformité, le directeur général de l’agence régionale de santé le constate par une décision et transmet sa décision au comité social d’établissement. Une telle décision fait logiquement obstacle à la publication de l’accord et à sa mise en œuvre.

Ainsi, les accords conclus par les directeurs des établissements visés à l’article 2 de la Loi n°86-33 du 9 janvier 1986 sont de facto soumis à une forme d’homologation par le directeur général de l’agence régionale de santé. C’est ici la reprise des dispositions du IV de l’article 8 quater de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

Les accords doivent mentionner leur calendrier de mise en œuvre et, le cas échéant, la durée de leur validité ainsi que les conditions d’examen par le comité de suivi des mesures qu’ils impliquent et de leurs modalités d’application.

De fait, les accords collectifs conclus dans la fonction publique peuvent être à durée déterminée comme à durée indéterminée.

L’accord doit être publié par voie numérique ou par tout autre moyen étant observé que l’article 8 octies de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 prévoit que les accords collectifs entrent en vigueur le lendemain de leur publication ou à une date postérieure qu’ils fixent.

La révision de l’accord intervient à l’initiative de l’autorité administrative ou territoriale signataire ou de tout ou partie des organisations syndicales signataires, représentant la majorité au moins des suffrages exprimés.

Cette condition de majorité s’apprécie :

  • À la date de signature de l’accord, lorsque la révision intervient durant le cycle électoral au cours duquel l’accord a été signé ;
  • Ou à la date des dernières élections professionnelles organisées pour l’organisme consultatif de référence, lorsque la révision intervient après le cycle électoral au cours duquel l’accord a été signé.

 

En cas de situation exceptionnelle, l’autorité administrative ou territoriale signataire de l’accord peut, après un délai de préavis de quinze jours, le suspendre pour une durée maximale de trois mois renouvelable une fois

La dénonciation ne peut intervenir, à l’initiative de l’autorité compétente ou de l’une ou plusieurs organisations syndicales signataires, que pour des accords à durée indéterminée et lorsque les clauses de l’accord ne peuvent plus être appliquées. Lorsque la dénonciation émane d’une ou plusieurs organisations syndicales signataires, la condition de majorité des suffrages exprimés déterminée au I de l’article 8 quater de la loi du 13 juillet 1983 précitée s’apprécie dans les mêmes conditions que celle prévue aux 1° et 2° de l’article 8. La dénonciation intervient à la suite d’un préavis d’une durée d’un mois.

 

Le souhait d’un renouveau du dialogue social

 

Quel directeur d’établissement ou directeur des ressources humaines ne s’est pas confronté à la frustration d’une organisation syndicale exprimant le regret d’être enfermée dans un statut ? « Si c’est pour nous entendre dire que nous sommes dans une position statutaire et règlementaire ce n’est pas la peine de nous avoir réuni » est une phrase qui a pu être prononcée à de nombreuses reprises dans le cadre de rencontres entre la direction d’un établissement public de santé et une intersyndicale.

Le statut est intrinsèquement rigide et il le restera puisque ces accords collectifs juridiquement contraignant ne pourront le modifier. Pour autant, le champ d’application de ces accords collectifs fixé à l’article 8ter de la Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 est relativement vaste et l’item relatif au temps de travail est un sujet important qui, n’en doutons pas, mobilisera les organisations syndicales.

En tout état de cause, entre l’installation prochaine du comité social d’établissement et l’instauration de la négociation collective sur de nombreux thèmes, on peut considérer que les conditions sont réunies pour un renouveau du dialogue social au sein de la fonction publique et tout particulièrement au sein de la fonction publique hospitalière.

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).