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PLFSS Texte critiqué par le Sénat
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LFSS 2021 : LA PROMULGATION D’UN TEXTE CRITIQUÉ PAR LE SÉNAT

 

Article rédigé le 20 décembre 2020 par Me Lorène Gangloff

 

Bien que soumis à une procédure d’adoption accélérée, les projets de loi de financements de la sécurité sociale ne passent pas, pour autant, outre les fourches caudines du Parlement. Si le temps des débats est limité, ces derniers n’en sont pas moins présents. Le PLFSS comme tout autre projet de loi encourt la critique des députés comme des sénateurs et l’adoption définitive du texte par l’Assemblée générale ne doit pas être interprétée comme une bénédiction parlementaire.

 

Le 30 novembre 2020, l’Assemblée nationale a ainsi adopté en lecture définitive le PLFSS 2021 pourtant rejeté en bloc par les sénateurs quatre jours plus tôt. Le texte adopté, loin de faire l’unanimité, a été largement critiqué puisqu’une motion tendant à opposer la question préalable a été votée, à hauteur de 199 voix contre 38 chez les sénateurs, ces derniers ayant considéré que subsistaient des points de désaccord sur des questions décisives.

 

PLFSS 2021 : une adoption accélérée de principe

 

La navette parlementaire prend des allures de course contre la montre lorsqu’il s’agit de se prononcer sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

 

En effet, aux termes des articles 45 et 47-1 de la constitution, ainsi que des articles LO111-6 et suivants du code de la sécurité sociale, les projets de loi de financement de la sécurité sociales sont votés dans des délais strictement définis, dont la méconnaissance pourrait conduire à une mise en œuvre par voie d’ordonnances.

 

Le calendrier de principe

 

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est déposé avant le 15 octobre sur le bureau de l’Assemblée nationale.

 

L’Assemblée nationale doit alors se prononcer en première lecture dans un délai de vingt jours, le Sénat devant ensuite statuer dans les quinze jours suivant sa saisine.

 

A défaut pour l’Assemblée nationale ou le Sénat de se prononcer dans le délai qui lui est imparti sur l’ensemble du projet soumis, le Gouvernement saisit l’autre assemblée, afin que cette dernière se prononce sur le projet tel que transmis à l’assemblée initialement saisie qui intègre, le cas échéant, les amendements adoptés par cette dernière et acceptés par le Gouvernement.  

 

S’agissant d’une procédure accélérée, si après une lecture par chacune des deux assemblées, un projet de loi n’a pu être adopté en raison d’un désaccord entre elles, le Premier Ministre peut provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Si la commission ne parvient pas à élaborer un texte commun ou si le texte n’est pas voté par les deux assemblées, le Gouvernement peut alors demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement après une nouvelle lecture par chaque assemblée.

Dans cette hypothèse, l’Assemblée nationale dispose de deux options. Soit elle reprend le texte élaboré par la Commission mixte, soit le dernier texte qu’elle a voté, ce texte pouvant, le cas échéant, intégrer certains amendements du Sénat.

 

Le calendrier du PLFSS 2021

 

Le PLFSS 2021, déposé à l’Assemblée nationale le mercredi 7 octobre 2020, a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 octobre et modifié par le Sénat le 17 novembre.

En l’absence d’accord des deux assemblées, une commission mixte paritaire a été convoquée le 17 novembre pour proposer un texte sur les dispositions demeurant en discussion, soit cent vingt-cinq dispositions.

 

La commission mixte paritaire a toutefois conclu à l’impossibilité de parvenir à l’adoption d’un texte commun, au regard de l’importance des dispositions qui « oppos[ai]ent diamétralement » les deux assemblées.

 

Le PLFSS a été soumis en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, qui a adopté le texte le 24 novembre, puis au Sénat, qui l’a rejeté dans son intégralité le 26 novembre.

 

Bien que l’Assemblée nationale ait repris un certain nombre d’amendements sénatoriaux, la commission des affaires sociales est parvenue à la même conclusion que la commission mixte paritaire et a ainsi proposé au Sénat d’opposer la question préalable sur le PLFSS 2021.

 

Le Sénat, qui a adopté la motion à hauteur de 199 voix contre 38, a ainsi décidé qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

 

Une position aussi radicale conduit naturellement à s’interroger sur la nature de ces « dispositions décisives », qui opposaient les deux assemblées.

 

PLFSS 2021 : une adoption malgré la critique

 

« Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur de nombreux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que le montant des compensations de l’Etat de la sécurité sociale des pertes de recettes et des nouvelles charges qui lui ont été affectés, la prise en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) d’une partie de la dette des hôpitaux, ou encore la nécessité d’engager dès à présent la concertation sur le retour à l’équilibre financier de la branche vieillesse. »

 

Tels étaient les termes introductifs de la motion de la Commission des affaires sociales proposée à l’adoption du Sénat.

Parmi les points saillants figure un désaccord de principe sur la définition de la sécurité sociale et, plus particulièrement, sur les charges devant in fine lui incomber.

Le Sénat a effectivement adopté trois amendements sur cette question centrale des transferts de charges de l’Etat vers la sécurité sociale qu’il estime injustifiés compte tenu de leur nature.

Le premier amendement visait à insérer un nouvel article à la suite de l’article 6 du PLFSS ayant pour objet de « fixer le principe de compensation à son coût réel du budget de l’Agence nationale de santé publique » selon les termes utilisés par la Commission des affaires sociales, ce dernier étant passé de 158 millions d’euros à 4,8 milliards d’euros sur une année.

Le deuxième tendait également à insérer un article additionnel avant l’article 10, ce dernier ayant vocation à remettre en cause les dérogations au principe de compensation par l’Etat des exonérations de charges sociales, dérogations qui avaient été décidées sur la base d’une hypothèse de retour à l’équilibre durable des comptes de la sécurité sociale, plus que fragilisée par la crise sanitaire.

Enfin, le troisième portait suppression pure et simple de l’article 27 du PLFSS prévoyant le versement d’une dotation annuelle aux établissements prévus à l’article L. 6112-3 du Code de la santé publique par les organismes de la branche mentionnée au 1° de l’article L200-2 du code de la sécurité sociale.

 

Le Sénat a, en effet, fermement dénoncé le transfert à hauteur de 13 milliards d’euros de la dette des hôpitaux qui, compte tenu de sa nature essentiellement immobilière, devait selon lui demeurer à la charge par l’Etat.

Ces amendements considérés comme fondamentaux par le Sénat n’ayant pas été adoptés en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, ce dernier a décidé de ne pas aller plus loin dans l’étude du texte.

 

Si les contestations ont été élevées, ces dernières sont apparemment restées lettre morte puisque le PLFSS 2021 a été adopté en lecture définitive le 30 novembre 2020 et vient d’être promulgué ce lundi 14 décembre 2020, mais nul doute que la crise que nous traversons conduira à remettre rapidement ces questions à l’ordre du jour …

 

 

Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.

Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).

Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.