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Décret
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L’IVG DANS LA CONSTITUTION ET UNE COMPÉTENCE EFFECTIVE DES SAGES-FEMMES

 

Article rédigé le 22 mai 2024 par Marie COURTOIS

 

Décret n°2024-367 du 23 avril 2024 modifiant les conditions d’exercice par les sages-femmes de la pratique des interruptions volontaires de grossesses instrumentales en établissement de santé

 

Le 23 avril 2024, le décret autorisant les sage-femmes à pratiquer des IVG instrumentales, évoqué dans la veille juridique du 24 janvier 2024, a été modifié. On peut sans doute y voir un premier effet indirect de la constitutionnalisation de l’accès à l’avortement.

 

Les conditions posées à la pratique d’une IVG instrumentale par la sage-femme, décriées par le Conseil de l’Ordre

 

Si depuis le décret du 16 décembre 2023, pris en application de la loi du 2 mars 2022, les sages-femmes étaient enfin autorisées à pratiquer une IVG instrumentale jusqu’à 16 semaines d’aménorrhée dans les établissements de santé, cette possibilité était strictement encadrée.

 

En effet, une sage-femme ne pouvait accomplir une IVG instrumentale que si :

  • Elle possédait un doctorat en maïeutique ou un diplôme universitaire d’orthogénie ou justifiait d’une expérience professionnelle préalable d’un an dans le domaine de la santé de la femme dont six mois en orthogénie, accompagnée d’une formation théorique, de deux jours, consacrée à l’IVG.
  • Elle justifiait avoir suivi une formation pratique durant laquelle elle avait pu :
    • Observer au moins dix actes d’IVG instrumentale.
    • Réaliser trente actes sous la supervision d’un médecin ou d’une sage-femme « formé à cette activité et disposant d’une expérience en la matière de plus de deux ans ou ayant réalisé plus de soixante de ces actes ».

 

De surcroit, l’organisation de l’établissement de santé devait permettre, le cas échéant et dans des délais compatibles avec les impératifs de sécurité des soins :

  • L’intervention d’un médecin « compétent en matière d’IVG par méthode instrumentale », d’un gynécologue-obstétricien et d’un anesthésiste-réanimateur.
  • La prise en charge des embolisations artérielles par des médecins justifiant d’une formation et d’une expérience dans la pratique de ces actes.

 

 

Cette nouvelle compétence donnée aux sages-femmes devait ainsi permettre de lutter plus efficacement contre les difficultés d’accès à l’avortement dans certains territoires. Toutefois, selon le Conseil de l’Ordre des sages-femmes, les restrictions règlementaires posées à l’exercice de cette nouvelle compétence, la vidaient de son sens. En effet, il en résultait que les sages-femmes ne pourraient réaliser des IVG instrumentales que dans un très faible nombre d’établissements, seulement dans ceux qui accueillent les radiologues spécialisés, aptes à réaliser des embolisations artérielles. Le Conseil de l’ordre décriait le fait que les conditions posées à la pratique d’un IVG par une sage-femme étaient plus strictes que celles posées pour un accouchement, un acte pourtant plus dangereux.

 

Un accès effectif à l’avortement : une sage-femme peut accomplir une IVG instrumentale dès qu’elle justifie d’une « compétence professionnelle adaptée »

 

Le 23 avril 2024, une nouvelle version du décret est promulguée et supprime toutes les restrictions faites par le premier décret à la pratique, en établissement de santé, de l’IVG instrumentale par les sages-femmes. Une seule condition est posée, elle figure désormais à l’article D.2212-8 du Code de la santé publique :

 

« La sage-femme effectuant des IVG par méthode instrumentale en établissement de santé doit justifier d’une compétence professionnelle adaptée qui est attestée par le suivi d’une formation théorique et pratique à l’IVG par méthode instrumentale et à la conduite à tenir en cas de complications liées à l’IVG ».

 

Cette volte-face du gouvernement est sans doute l’un des premiers effets politiques indirects de la constitutionnalisation de l’avortement, acquise le 8 mars dernier : il ne serait pas cohérent de constitutionnaliser la liberté d’avorter pour en restreindre son accès effectif.

 

Etudiante en première année de master, Marie Courtois a rejoint le Cabinet HOUDART & Associés, en qualité de juriste, en septembre 2023.

En charge de la veille juridique et jurisprudentielle, elle met ses compétences rédactionnelles au service du cabinet. Attentive à l’actualité législative, règlementaire et jurisprudentielle liée au domaine médico-social, elle décrypte pour vous les derniers arrêts rendus par la Cour de cassation ou le Conseil d’État et les textes récents.