Les contrats de prestations d’hébergement de données de santé
Article rédigé le 7 août 2023 par Me Jessica Phillips
La période y est propice, le cabinet Houdart & Associés vous propose une Saga de l’été dédiée aux Marchés publics.
Comme toute saga digne de ce nom, elle est organisée en plusieurs épisodes.
Elle tire le bilan des dix derniers mois écoulés, ayant mis en exergue certaines pratiques non conformes, dans une volonté de favoriser une sécurisation juridique optimale des pratiques Marchés publics.
Place au premier épisode, centré sur les contrats de prestations d’hébergement de données de santé.
Bien souvent, trop souvent, des établissements soumis au code de la commande publique, externalisent des prestations d’hébergement de données de santé sans se poser la question, pourtant fondamentale, d’une soumission aux règles de la commande publique.
Certaines précautions s’imposent donc en la matière, et doivent à notre sens être systématisées.
Rappel des conditions requises pour qualifier un contrat en marché public
Pour commencer, un rapide rappel du cadre légal s’impose.
Aux termes de l’article L1111-1 du code de la commande publique :
« Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis au présent code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ».
La qualification d’un contrat en marché public implique donc, à l’aune de ces dispositions, la réunion des conditions cumulatives suivantes :
- Un contrat ;
- Conclu par un ou plusieurs acheteurs ;
- Avec un ou plusieurs opérateurs économiques ;
- Ayant pour objet de répondre à son/ses besoins en matière de travaux, fournitures ou services ;
- En contrepartie d’un prix ou de tout équivalent.
Ces conditions sont plus souvent et facilement réunies qu’il n’y parait.
Illustration dans le cadre de prestations d’hébergement de données de santé
Lorsqu’un établissement ne dispose pas en interne des ressources et moyens propres à assurer l’hébergement des données de santé, il peut externaliser cette prestation et la faire assurer par un tiers.
Il doit alors, avant toute chose (et avant même de s’interroger sur les modalités techniques de l’hébergement) apprécier les cinq conditions susvisées, pour déterminer une éventuelle qualification en marché public (qui impliquerait une soumission au régime de la commande publique).
Quelques pistes et précautions particulières, sous le prisme de l’hébergement de données de santé :
Condition 1 : un contrat
La première question à se poser est la suivante : existe-t-il un contrat, entendu au sens large de tout accord définissant certaines obligations réciproques entre les parties ?
Sur ce point, une précision s’impose en matière d’hébergement de données de santé : la simple qualification d’un document contractuel en conditions générales d’hébergement n’exonère pas du raisonnement, bien au contraire.
Condition 2 : conclu par un ou plusieurs acheteurs
La seconde question à se poser est celle de savoir si l’établissement qui envisage d’externaliser la prestation est un acheteur au sens du code de la commande publique.
L’article L1210-1 du code de la commande publique est rédigé comme suit :
« Les acheteurs et les autorités concédantes soumis au présent code sont les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices ».
S’agissant plus précisément des pouvoirs adjudicateurs, il s’agit, au sens de l’article L1211-1 du même code des entités suivantes :
« 1° Les personnes morales de droit public ;
2° Les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur, soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur, soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ;
3° Les organismes de droit privé dotés de la personnalité juridique constitués par des pouvoirs adjudicateurs en vue de réaliser certaines activités en commun ».
À ce titre, les établissements publics de santé, les EHPADS publics, les GCS de droit public et les GIP, pour n’en citer que quelques-uns, relèvent du 1° et ont en principe qualité de pouvoirs adjudicateurs. Les établissements privés doivent faire l’objet d’une analyse au cas par cas.
Ainsi, en ce qui concerne l’hébergement de données de santé, tout établissement public de santé souhaitant confier une prestation d’hébergement à un tiers doit être considéré comme un acheteur au sens de la commande publique.
Condition 3 : avec un ou plusieurs opérateurs économiques
La troisième question à apprécier est celle de la qualité d’opérateur économique de l’entité en charge de la prestation.
Un opérateur économique est :
« Toute personne physique ou morale, publique ou privée, ou tout groupement de personnes doté ou non de la personnalité morale, qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou d’ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services » (article L1220-1 du code de la commande publique).
La notion doit donc être entendue au sens large, et une autre personne morale de droit public peut tout à fait avoir qualité d’opérateur économique pour autant qu’elle assure des prestations de travaux fournitures ou services.
Un établissement public de santé qui assurerait pour un acheteur des prestations d’hébergement de données de santé aura donc en principe qualité d’opérateur économique s’agissant des prestations envisagées. Dans le cadre des coopérations, il conviendra d’analyser si le groupement agit en qualité d’opérateur économique ou bien simplement mutualise les moyens mis à disposition de ses membres.
Condition 4 : ayant pour objet de répondre à son/ses besoins en matière de travaux fournitures ou services
Cette condition suscite rarement des difficultés en matière d’hébergement de données de santé, le besoin couvert étant facilement identifiable ; il relève généralement d’un besoin en matière de services (le service proposé étant l’hébergement des données de santé).
Condition 5 : en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent.
Il s’agit de l’ultime question à envisager. Aux termes de l’article L1111-1 susvisé, le marché public est conclu « en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ».
En conséquence, et eu égard à la notion d’équivalent, la gratuité ne suffit pas à échapper à la qualification en marché public.
Ainsi, il s’agit en substance de déterminer si l’opérateur économique qui assure la prestation tire du contrat une contre-prestation ou un avantage direct(e) quelconque.
En matière d’hébergement de données de santé, le simple accès aux données de santé peut être considéré comme équivalent à un prix.
Nous en revenons donc au premier constat : les conditions susvisées sont plus souvent et facilement réunies qu’il n’y parait, y compris s’agissant des contrats d’hébergement de données de santé.
Or, si le contrat d’hébergement est qualifiable de marché public, il est soumis au régime du code de la commande publique, et donc aux règles imposées en matière de publicité et de mise en concurrence.
C’est ainsi avec une précaution toute particulière que doivent-être envisagés les contrats ayant pour objet d’externaliser des prestations d’hébergement de données de santé.
Avant même de sécuriser le fond du contrat, la qualification et le régime à appliquer doivent être déterminés. A défaut, l’établissement s’expose à risque juridique certain.
Jessica Phillips est avocate collaboratrice au sein du cabinet depuis 2019, et intervient principalement sur les dossiers de conseils et de contentieux en droit public et droit de la commande publique.
Elle réalise des audit Marchés publics pour les acheteurs.
Elle assure également des formations en droit de la commande publique au profit des agents en charge de la passation et l’exécution des marchés publics.
Jessica Phillips possède une Spécialisation droit public - Qualification spécifique droit de la commande publique.