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Loi RIST
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Loi RIST, le législateur va-t-il assez loin ?

 

Article rédigé le 30 avril 2021 par Me Guillaume Champenois

La Loi RIST visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification a été promulguée au journal officiel le 26 avril 2021. Le titre est alléchant, confiance et simplification sont deux termes qui annoncent un texte ambitieux. Différentes dispositions sont les bienvenues comme le fait de conférer au directeur de l’établissement support du GHT, aux termes d’une procédure bien encadrée, le pouvoir de créer des postes de praticiens hospitaliers au sein d’un établissement partie au GHT. Cependant, ce texte va-t-il assez loin ?

 

 

À titre liminaire, rappelons que cette Loi RIST ne transpose pas le volet financier des accords du Ségur de la Santé. Tout autant, il ne modifie pas le statut des praticiens. Sur ce dernier point, nous vous invitons à vous référer au Décret n° 2021-365 du 29 mars 2021 portant création du statut des praticiens associés qui fera l’objet d’une analyse prochainement sur le blog.

 

Abandon de la création d’une profession intermédiaire

 

Le texte en débat à l’Assemblée nationale issue de la proposition de Loi prévoyait la création d’une profession médicale intermédiaire. Cette réponse au point 7 des accords SEGUR n’a pas survécu aux débats parlementaires.

Tout autant, n’a pas été retenu dans le texte finalement adopté par l’Assemblée nationale le pouvoir conféré au directeur de l’établissement support d’un GHT d’occuper le poste de directeur d’établissement partie au GHT laissé vacant.

 

L’adoption de mesures diverses et variées

 

La Loi RIST, divisée en 6 chapitres, prévoit :

  • un élargissement des protocoles de coopération,
  • confère aux sages-femmes le pouvoir de prescrire « le dépistage d’infections sexuellement transmissibles et les traitements de ces infections figurant sur une liste arrêtée par voie réglementaire »,
  • confère au directeur de l’établissement support le pouvoir de créer un poste de praticien hospitalier au sein d’un établissement partie au GHT à l’issue d’une procédure encadrée,
  • fixe le service comme l’échelon de référence en termes d’organisation des soins et réintroduit le chef de service un élément essentiel de la gestion du service,
  • permet la création d’une commission médico-soignante pouvant se substituer à la commission médicale d’établissement et la commission des soins infirmiers,
  • prévoit sous conditions la possibilité d’organiser de manière dérogatoire aux dispositions du Code de la santé publique la gouvernance, le fonctionnement médical, les soins et la gouvernance en son sein,
  • ouvre le conseil de surveillance au député de la circonscription du siège de l’établissement lequel aura voix consultative et un sénateur élu dans le département où est situé le siège de l’établissement principal de l’établissement public de santé ayant également voix consultative,
  • rend possible l’élargissement du directoire au personnel non médical ainsi qu’aux étudiants en médecine et aux représentants des usagers,
  • instaure un contrôle de légalité du Directeur général de l’ARS sur les « actes juridiques conclus par un établissement public de santé avec une entreprise de travail temporaire » considérés comme irréguliers par le comptable public conduisant l’autorité de tutelle à déférer les actes litigieux au Tribunal administratif territorialement compétent,
  • et intègre dans le projet d’établissement des objectifs managériaux afin notamment de prévenir les risques psycho-sociaux, enfin consacre le service d’accès aux soins (SAS).

 

Ce texte législatif présente donc des mesures diverses et variées censées simplifier le système de santé et y apporter de la confiance.

Le fait de placer le service comme l’échelon de référence en termes d’organisation des soins et réintroduire le chef de service au cœur de la gestion de cet échelon de référence est une mesure à saluer.

C’est ici utile car cela donne une meilleure visibilité comme une plus grande cohérence dans le fonctionnement interne des services de soins. Surtout, c’est juridiquement très pertinent car cela permet une bonne articulation avec l’un des principes fondamentaux de la gestion des personnels dans un établissement public administratif gérant un service public administratif, « l’intérêt du service ».

Tout autant intégrer la notion de management dans le projet d’établissement est une avancée importante dans la prise en considération de la prévention des risques psycho-sociaux mais également dans la volonté de faire monter en compétence le personnel encadrant. Nous avons eu l’occasion de mettre en place des ateliers de formation sur le management d’équipe auprès de cadre et cadres supérieurs de santé et nous pouvons ici attester que l’attente est grande sur ce terrain. Les directions des établissements seraient bien inspirées de consacrer du temps à leurs cadres.

 

Loi RIST : l’affirmation d’un principe de simplification dans les procédures de recrutements

 

Par ailleurs, le législateur a inséré un article L. 6152-5-3 au sein du Code de la santé publique qui dispose :

« La procédure de recrutement en qualité de praticien hospitalier a pour but de pourvoir aux postes vacants dans un pôle d’activité d’un établissement public de santé, déclarés par le directeur général du Centre national de gestion, en utilisant toutes voies de simplification définies par voie réglementaire permettant que les postes soient pourvus dans les meilleurs délais. »

Le rapport de la commission des lois précise à ce sujet que la proposition de loi initiale prévoyait « la consécration d’un principe législatif de simplification du recrutement, devant permettre de pourvoir les postes vacants « dans les meilleurs délais », a vocation à guider les évolutions réglementaires ultérieures. »

Ce principe législatif doit en principe être suivi d’effet à l’issue de la consultation entreprise depuis septembre 2020 entre la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et les acteurs de terrain sur la procédure de recrutement des praticiens statutaires et des ordonnances qui seront adoptées, en vertu de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé (« OTSS »), pour améliorer l’attractivité de l’exercice à l’hôpital public.

Le rapport de la commission des lois précise que cette proposition « répondait à un constat récurrent des acteurs de terrain, selon lesquels cette procédure est longue, fastidieuse, excessivement rigide, en particulier pour les recrutements « au statut ». Cette situation conduit à dégrader l’attractivité de l’exercice médical en hôpital public».

On ne peut que saluer l’analyse ainsi portée par le législateur sur la nécessaire écoute des acteurs de terrain et la simplification des procédures de recrutement qui doivent s’adapter à la problématique de l’attractivité de l’hôpital public.

 

Pour donner confiance, il aurait été pertinent d’aller plus loin avec la Loi RIST, en transférant le pouvoir disciplinaire à l’employeur

 

Ce faisant, il faut aller plus loin et transposer au niveau local la gestion de la discipline des praticiens nommés à titre permanent. Conférer au chef d’établissement le pouvoir disciplinaire sur les praticiens hospitaliers constituerait une réelle avancée dans la confiance et dans la simplification de notre système de santé pour reprendre l’intitulé de la Loi.

Nous le savons, le corps médical et en premier lieu les syndicats de praticiens sont réticents à ce que le médecin soit conduit à devoir rendre des comptes sur le terrain disciplinaire au Directeur de l’établissement.

Ce faisant, outre que le corps médical aurait ici toute sa place dans la procédure contradictoire précédant le prononcé de la sanction, conférer au chef d’établissement le pouvoir disciplinaire sur les praticiens nommés à titre permanent doit s’analyser non comme une défiance vis-à-vis du corps médical mais bien comme une garantie pour l’exercice professionnel de chaque médecin hospitalier.

 

Toujours en attente d’une avancée déterminante la simplification et la confiance

 

Ce serait ici une avancée déterminante pour la simplification et la confiance dans le fonctionnement interne de l’hôpital public et donc pour améliorer l’attractivité des centre hospitaliers. L’attractivité ne relève pas de la seule question budgétaire. Il faut tenir compte des conditions de travail ce qui induit effectivement une amélioration budgétaire et matérielle.

Cependant, à supposer que l’effort financier entrepris par les pouvoirs publics perdure dans le temps, cela semble suffisant.

En effet, à une époque où la notion de « harcèlement moral » impacte de manière sensible les relations interpersonnelles au sein d’une communauté de travail, il faut garantir au médecin hospitalier que si un de ses confrères adopte à son encontre un comportement fautif, voir gravement fautif, il y aura bien une réponse disciplinaire de l’employeur.

En l’état et à ce jour, c’est très loin d’être le cas puisque le chef d’établissement ne dispose pas du pouvoir disciplinaire ce qui est intrinsèquement une aberration.

Au-delà des problématiques en termes de gestion des ressources humaines que cette absence de réponse disciplinaire de l’employeur peut poser au sein même de l’établissement employeur, la conséquence directe pour le praticien victime de l’attitude fautive de son confrère est une dégradation très sensible de ses conditions de travail et donc, très souvent, de sa santé.

Penser que cette difficulté se règle par la saisine du conseil de l’ordre est une erreur d’analyse. Penser qu’il ne faut pas sanctionner le praticien fautif au motif que l’on manque de praticiens à l’hôpital est également une erreur d’analyse. A ne pas sanctionner celui qui commet une faute, on pousse au départ celui qui subit cette faute. Concrètement, la réaction légitime du praticien victime d’un harcèlement moral de la part de son confrère est alors de quitter le service ou l’établissement voir quitter définitivement l’hôpital public. Cela emporte des conséquences très importantes pour les projets de soins en cours et donc pour le service et donc pour l’hôpital et donc pour les usagers.

 

Plaidoyer pour le corps médical

 

Donner confiance dans le système de santé c’est aussi apporter des garanties aux médecins pour l’exercice de leur art et ces garanties passent nécessairement par le fait de transférer le pouvoir disciplinaire à l’employeur du praticien hospitalier dans l’intérêt des médecins. C’est un constat dénué de toute idéologie et de toute contrainte politique.

Faut-il pour cela accorder plus de place au corps médical dans la gouvernance ? Nous sommes convaincus que le corps médical doit être étroitement associé à la gouvernance de l’hôpital indépendamment de cette question du pouvoir disciplinaire.  Autrement formulé, il ne faut pas raisonner en termes de contrepartie mais en termes d’efficience, d’efficacité pour parvenir à simplifier le fonctionnement interne et donner justement confiance aux médecins pour qu’ils aient envie de s’investir pleinement au sein des établissements publics de santé.

 

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).