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Ma Santé 2022 – les GHT : toujours plus loin dans l’intégration
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Dans la continuité des articles publiés sur notre blog  en janvier dernier sur l’avant projet de loi GHT – Mutualisation de la GRH médicale et gouvernance médicale, qu’en ressort-il désormais du projet de loi passé au crible du conseil d’État et retenu au Conseil des ministres ?

 

Il est légitime de s’interroger sur les avancées envisagées, notamment au regard de l’importance toujours croissante de la place donnée aux groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le projet de loi permet-il véritablement de renforcer l’intégration au sein des GHT ? Que penser de dispositifs tels que la mutualisation de la trésorerie des établissements membres du GHT ou l’ouverture vers la fusion de leurs instances représentatives ?

 

Comme nous le verrons dans un article à paraître prochainement, le I de l’article 10 du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé a notamment pour objectif de rendre obligatoire les commissions médicales de groupement (au détriment de l’option possible entre le collège médical ou la commission médicale de groupement – art. L.6132-9 CSP).

 

Dans cette même dynamique de renforcement de l’intégration au sein des GHT, les II et III de l’article 10 organisent quant à eux les conditions d’un accroissement des domaines de mutualisation entre les établissements parties au GHT.

 

Vers la mutualisation de fonctions supplémentaires

 

Le II prévoit ainsi d’insérer un article L. 6132-5-1 dans le code de la santé public qui disposerait que

« Les établissements parties à un même groupement hospitalier de territoire peuvent être autorisés par le directeur général de l’agence régionale de santé, dans des conditions établies par décret en Conseil d’Etat, au regard de l’intention et des capacités de l’ensemble des établissements parties, à :

Mettre en commun leurs disponibilités déposées auprès de l’État, par dérogation aux articles L. 312-2, L. 511-5 et L. 511-7 du code monétaire et financier et à l’article L. 6145‑8‑1 du code de la santé publique ;

Elaborer un programme d’investissement et un plan global de financement pluriannuel uniques par dérogation aux 4° et 5° de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique ;

3° Conclure avec l’agence régionale de santé, par dérogation à l’article L. 6114-1 et au 1° de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique, un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens mentionné à l’article L. 6114-1, unique pour l’ensemble des établissements du groupement »

 

Concernant la mutualisation de la trésorerie prévue par le 1° que nous avions saluer le 17 janvier dernier dans notre article ” Mutualisation de trésorerie dans les GHT.

 

Il convient de préciser que ces dispositions visant à davantage de mutualisation des compétences au sein des GHT sont manifestement envisagées sous l’angle du volontariat et d’une intention intégratrice des membres du GHT, le projet de loi précisant expressément qu’elles trouvent à s’appliquer « au regard de l’intention et des capacités de l’ensemble des établissements parties » et non de façon contrainte (contrairement à la mise en œuvre obligatoire des commissions médicales de groupement).

 

Le renforcement de la dynamique intégrative du GHT

 

Toujours dans ce mouvement de renforcement de l’intégration au sein des GHT, Le III de l’article 10 du projet de loi prévoit quant à lui d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant du champ de loi pour d’une part tirer les conséquences de la délégation de compétences à l’établissement support en matière de GRH médicale et de l’institution obligatoire d’une commission médicale de GHT et d’autre part laisser la possibilité aux établissement parties au GHT « d’approfondir l’intégration de leurs instances représentatives ou consultatives ».

 

Pour tirer les conséquences de la délégation de compétences à l’établissement support en matière de GRH médicale et de l’institution obligatoire d’une commission médicale de GHT, les mesures pouvant être prises par voie d’ordonnance seraient :

 

–      mettre en cohérence le fonctionnement et les champs de compétences des commissions médicales d’établissement et des commissions médicales de groupement ainsi que les attributions de leurs présidents respectifs ;

 

–      Étendre les compétences des commissions médicales d’établissements et de groupements

 

Un droit d’option de fusionner les instances consultatives laissé aux établissements parties du GHT

 

Pour laisser la possibilité aux établissements parties au GHT « d’approfondir l’intégration de leurs instances représentatives ou consultatives », l’étude d’impact du projet de loi parle d’un choix possible entre « l’unification ou la substitution de tout ou partie » des instances représentatives ou consultatives des établissements membres d’un GHT.« En effet,à mesure que l’intégration progresse, les instances des établissements sont amenées à se prononcer sur des sujets identiques. L’opportunité de fusionner les instances de chacun des établissements d’une part, et des établissements avec celles du groupement, d’autre part, est donc posée. »

 

L’objectif poursuivi par le projet de loi est de donner un sens concret à l’intégration en permettant d’une part une plus grande cohérence dans le positionnement des instances et d’autre part la suppression de doublons (les instances des établissements membres d’un GHT ayant vocation à se prononcer sur des sujets identiques) et les économies potentielles que cela suppose en termes de réduction du « mille-feuille administratif ».

 

Deux mécanismes sont envisagés à ce titre :

–      soit les établissements peuvent fusionner leurs instances entre elles,

–      soit ils peuvent y substituer l’instance du GHT.

 

Sont ainsi concernées[i] :

–      La fusion des directoires ou la substitution avec le comité stratégique du GHT ;

  • La fusion des CME ou la substitution avec la commission médicale de GHT ;
  • La fusion des CTE ou la substitution avec la conférence territoriale de dialogue social du GHT ;
  • La fusion des commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques ou la substitution avec ladite commission de groupement ;

–      La fusion des CHSCT ;

 

L’ordonnance devra « organiser les conditions » de cette fusion d’instances ou de cette substitution d’instances.

 

Restent à voir si et comment pourra être organisée une fusion d’instances représentatives du personnel telles que les CME, les CTE, les CHSCT constituées sur la base d’élections professionnelles propres à chaque établissements parties, sans prévoir la fusion des établissements publics de santé parties au GHT, qui conserveraient toujours leur autonomie juridique et financière.

 

C’est ici ajouter une étape intermédiaire supplémentaire avant une fusion qui s’avère inéluctable. Pour quel profit ?

 

De la même manière, prévoir une substitution des instances consultatives du GHT (comité stratégique, commission médicale de GHT ou conférence territoriale de dialogue social…) à celles des établissements parties du GHT (directoire, CME, CTE…) peut surprendre.

 

D’une part, le GHT n’a pas d’autonomie juridique et le projet de loi n’ouvre pas d’option en ce sens.

 

D’autre part, les attributions des instances des établissements (directoire, CTE, CME…) et celles du GHT (comité stratégique, conférence territoriale…) ne se rejoignent pas parfaitement. Par exemple, le CTE est amené à se prononcer notamment sur les projets de délibérations du conseil de surveillance (projet d’établissement, compte financier, qualité des soins….), les orientations stratégiques, l’organisation interne de l’établissement, la GPEC, l’organisation du travail, la politique sociale…etc. La conférence territoriale du dialogue sociale du GHT est une instance informative et non une instance consultative qui est informéedes projets de mutualisation, concernant notamment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), les conditions de travail et la politique de formation au sein du groupement hospitalier de territoire.

 

L’ordonnance d’habilitation devra donc clarifier ces points.

 

On notera par ailleurs que ni le projet de loi ni l’étude d’impact ou l’exposé des motifs ne prennent ici en compte le projet de loi de transformation de la fonction publique qui préconise dans chaque établissement public hospitalier la création d’une instance fusionnée  qui réunira le CHSCT et le CTE : le comité social d’établissement. (art.2 du projet de loi fonction publique – voir notre dossier sur cette réforme)

 

En tout état de cause, ces dispositions du projet de loi invitent le Parlement à permettre au gouvernement de prendre des mesures législatives par voie d’ordonnance qui amplifieront la dynamique de restructuration et de transformation des activités hospitalières en réduisant l’autonomie juridique des établissements publics de santé de proximité et de taille moyenne.

 

Par l’accélération des mutualisations de la GRH, des instances et de la trésorerie des établissements, le gouvernement cherche comme cela est souligné dans l’étude d’impact à rationaliser et maîtriser les dépenses hospitalières. .

 

 


 

[i]Projet de loi, Art. 10 III 1°Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, en vue, d’une part, de tirer les conséquences des dispositions du I sur les établissements publics de santé et les groupements hospitaliers de territoire et de renforcer leur gouvernance médicale et, d’autre part, d’ouvrir une faculté aux établissements parties à un groupement hospitalier de territoire d’approfondir l’intégration de leurs instances représentatives ou consultatives, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :

a)…

c)Définir l’articulation des compétences respectives en matière de gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques des directeurs d’établissements parties à un groupement hospitalier de territoire et des directeurs d’établissements support de groupement hospitalier de territoire ;

 

  1. d) Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent fusionner ou substituer leurs directoires et le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire, par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 6141-1 du code de la santé publique ;

 

  1. e) Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent fusionner ou substituer leurs commissions médicales d’établissement et leur commission médicale de groupement hospitalier de territoire, par dérogation aux b et c du 5° du II de l’article L. 6132-2, et aux articles L. 6143-7-5, L. 6144-1 et L. 6144-2 du code de la santé publique ;

 

  1. f) Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent fusionner ou substituer leurs comités techniques d’établissement, leurs comités techniques de groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public et la conférence territoriale de dialogue social du groupement hospitalier de territoire, par dérogation aux articles L. 6144-3, L. 6144-3-1, L. 6144-3-2, L. 6144-4 du code de la santé publique ;

 

  1. g) Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent fusionner ou substituer leurs commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de groupement, par dérogation à l’article L. 6146-9 du code de la santé publique ;

 

  1. h) Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent fusionner ou substituer leurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par dérogation aux articles L. 4611-1 et L. 4611-2 du code du travail, maintenus en vigueur par le I de l’article 10 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;

 

  1. i) Préciser les modalités de constitution, les règles de composition et les attributions des instances qui résulteront des fusions ou substitutions prévues aux d à h ainsi que les conditions permettant de mettre fin à ces fusions et substitutions, de nature à garantir la représentation effective des personnels de chacun des établissements du groupement et le respect du principe d’élection ; »

Caroline LESNÉ est avocate associée et Responsable du département Fonction publique du pôle social. Elle accompagne depuis plus de 15 ans les établissements de santé. Encadrant une équipe d’avocats spécialisés, Maître Lesné conseille quotidiennement les directions d’établissements sur leurs projets et leur stratégie tant au plan individuel que collectif de leur GRH notamment dans le cadre des regroupements et coopérations. Elle les représente et les assiste devant les juridictions administratives et judiciaires et assure par ailleurs des formations, Outre des compétences aguerries en droit de la fonction publique, Maître Lesné délivre une expertise poussée en droit statutaire des médecins et des conseils en gestion stratégique notamment dans le cadre des différentes formes de coopération.
Elle intervient également tant en conseil qu’en représentation en justice en droit du travail auprès d’opérateurs de droit privé et en droit de la sécurité sociale.

Avocat depuis 2014, Xavier LAURENT a initialement exercé au sein d’un Cabinet parisien une activité plaidante et de conseil auprès d’entreprises sociales pour l’habitat tant publiques que privées (OPHLM, SA d’HLM), notamment dans le cadre de contentieux immobiliers (droit locatif, copropriété, construction, urbanisme).

Fort d’une solide formation en droit public et désireux de donner une nouvelle orientation à sa carrière, Xavier LAURENT a par la suite intégré un Cabinet spécialisé en droit de la fonction publique, au sein duquel il a exercé en conseil et contentieux pour de nombreuses collectivités territoriales (contentieux du harcèlement moral et des sanctions disciplinaires, conseil en gestion RH, marchés publics, etc…).

C’est en 2018 qu’il a rejoint le pôle social du Cabinet HOUDART ET ASSOCIE.

Au-delà de ses compétences en droit de la fonction publique, Xavier Laurent a eu l’occasion de traiter des dossiers en droits du travail et de la sécurité sociale, lui donnant une vision transversale et une capacité d’analyse complète sur toutes les questions intéressant la gestion des ressources humaines des acteurs du monde de la santé (salariés relevant du code du travail, agents statutaires et contractuels).