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Médico social : PRÉCISIONS SUR LES CESSIONS D’AUTORISATIONS
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MÉDICO-SOCIAL : PRÉCISIONS SUR LES CESSIONS D’AUTORISATIONS

Article rédigé le 14 avril 2020 par Me Nicolas Porte

Que doit contenir exactement le dossier de demande de cession d’une autorisation médico-sociale ? Cette question, de nombreux gestionnaires et juristes œuvrant dans le secteur médico-social ont eu l’occasion de se la poser lorsqu’ils ont dû réaliser une cession d’établissement. Un décret paru le 15 mars 2020 vient (enfin) de préciser le contenu de la demande à adresser à l’autorité administrative. Un meilleur encadrement juridique qui devrait déboucher sur une harmonisation des pratiques.

 

Dans une actualité saturée par la crise sanitaire du COVID-19, un décret du 13 mars 2020 publié au JO du 15 mars est quelque peu passé inaperçu. Pourtant ce décret ne manquera pas d’intéresser les acteurs du secteur médico-social puisqu’il précise le contenu du dossier de demande de cession d’autorisation des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des lieux de vie et d’accueil, ainsi que les conditions d’examen de la demande.

Ce texte était attendu des praticiens car, aussi étrange que cela puisse paraître, alors que les cessions d’autorisations sanitaires bénéficient depuis de nombreuses années d’une procédure bien encadrée dite de « confirmation » (cf. articles L 6122-3 alinéa 3 et R 6122-35 du code de la santé publique), la cession des autorisations médico-sociales se caractérisait jusqu’à présent par une quasi-absence d’encadrement juridique.

 

Un encadrement juridique réduit à sa plus simple expression jusqu’en 2018

 

Jusqu’en 2018, le code de l’action sociale et des familles se bornait à indiquer que l’autorisation ne pouvait être cédée qu’avec l’accord de l’autorité administrative compétente qui devait assurer la publicité de sa décision conformément aux règles de publicité des actes administratifs (soit en pratique, une publication au recueil des actes administratifs). Les textes n’apportaient aucune précision quant aux conditions dans lesquelles l’autorité administrative devait exercer son contrôle. Le silence des textes ne dispensait pas pour autant l’autorité publique d’exercer un contrôle effectif sur les conditions dans lesquelles l’exploitation allait être poursuivie par le cessionnaire.

Le Conseil d’Etat avait eu l’occasion de juger qu’un département auquel était soumise une demande de cession d’une autorisation d’exploiter une maison de retraite doit exercer le contrôle qui lui incombe en vertu de l’article L 313-1 du code de l’action sociale et de familles » au besoin en sollicitant des informations auprès du cessionnaire (CE.13 juillet 2007, Département de l’Yonne c/ Vermiglio Sens, n°294099).

 

 

L’ordonnance du 17 janvier 2018 ou l’amorce d’un « tropisme sanitaire »

 

Une ordonnance du 17 janvier 2018 (ordonnance n°2018-22 du 17 janvier 2018 relative au contrôle de la mise en œuvre des dispositions du code de l’action sociale et des familles et de l’article L 412-2 du code du tourisme et aux suites de ce contrôle) est venue préciser les compétences des « tutelles » en matière de contrôle des cessions d’autorisations ajoutant aux dispositions succinctes de l’article L 313-1 que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation « s’assure que le cessionnaire pressenti remplit les conditions pour gérer l’établissement, le service ou le lieu de vie et d’accueil dans le respect de l’autorisation préexistante, le cas échéant au regard des conditions dans lesquelles il gère déjà, conformément aux dispositions du présent code, d’autres établissements, services ou lieux de vie et d’accueil ».

 

A la lumière de la jurisprudence rendue antérieurement (CE. 26 octobre 1992, Association La Patriarche, n°101897), l’on peut déduire de la formule « dans le respect de l’autorisation préexistante » que l’autorité administrative doit s’assurer que le cessionnaire pressenti présente les garanties financières, techniques et morales nécessaires pour poursuivre l’exploitation de l’autorisation cédée dans les conditions auxquelles celle-ci a été délivrée. En d’autres termes, c’est au regard de ces conditions que l’autorité administrative apprécie la demande de cession qui lui est présentée et, le cas échéant, fonde une éventuelle décision de rejet.

 

En outre, l’article L 313-1 dispose que « la décision autorisant la cession est prise et publiée dans les mêmes conditions qu’une autorisation délivrée en application de l’article L 313-2 », c’est-à-dire dans les mêmes conditions que les demandes d’autorisation relatives aux établissements et services qui ne sont pas soumises à la procédure d’appel à projet. Cela signifie en toute logique que l’autorité administrative doit vérifier que la demande de cession satisfait aux critères de délivrance énoncés à l’article L 313-4 du CASF.

 

Art. L 313-4  du CASF : « L’autorisation est accordée si le projet :

1° Est compatible avec les objectifs et répond aux besoins sociaux et médico-sociaux fixés par le schéma régional de santé ou par le schéma d’organisation sociale et médico-sociale dont il relève (…) ;

2° Satisfait aux règles d’organisation et de fonctionnement prévues par le présent code et prévoit les démarches d’évaluation et les systèmes d’information respectivement prévus aux articles L 312-8 et L 312-9  (…) ;

4° Répond au cahier des charges établi, dans des conditions fixées par décret, par les autorités qui délivrent l’autorisation, sauf en ce qui concerne les projets visés au II de l’article L. 313-1-1 ;

4° Est compatible, lorsqu’il en relève, avec le programme interdépartemental mentionné à l’article L. 312-5-1 ou le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées mentionné à l’article L. 312-5-3, et présente un coût de fonctionnement en année pleine compatible avec le montant des dotations mentionnées, selon le cas, aux articles L. 312-5-2L. 313-8L. 314-3L. 314-3-2 et L. 314-4, au titre de l’exercice au cours duquel prend effet cette autorisation

 

Le projet de cession doit par conséquent :

  • Etre compatible avec les objectifs et répondre aux besoins fixés par le schéma régional de santé ou par le schéma d’organisation sociale ou médico-sociale ;
  • Satisfaire aux règles d’organisation et de fonctionnement prévues par le code de l’action sociale et des familles ;
  • Le cas échéant, être compatible avec le PRIA et présenter un coût de fonctionnement en année pleine compatible avec le montant des dotations allouées par les autorités de financement ;
  • Dans l’hypothèse où l’autorisation avait été délivrée au terme d’une procédure d’appel à projet, le projet présenté par le cessionnaire devra logiquement ne pas contrevenir au cahier des charges établi en son temps par les autorités compétentes

 

L’on constate un rapprochement du régime juridique des cessions d’autorisations médico-sociales avec celui des autorisations sanitaires pour lesquelles le code de la santé publique (article R 6122-35) prévoit que l’ARS statue sur les demandes de confirmation suivant les modalités prévues pour les demandes d’autorisation et ne peut refuser la confirmation que si le dossier fait apparaître des modifications  qui seraient de nature à justifier un refus d’autorisation ou qui seraient incompatibles avec le respect des conditions auxquelles avait été subordonnée l’autorisation cédée.

Ce rapprochement entre les deux régimes demeurait toutefois incomplet. Alors qu’en matière d’autorisation sanitaire, les textes prévoient la communication par le cessionnaire d’un dossier complet, quasiment identique à celui devant être produit pour une demande de primo-délivrance d’autorisation, le code de l’action sociale et des familles ne précisait pas le contenu du dossier de demande de cession devant combiné soumis à l’autorité compétente. Il n’était même pas précisé qui du cédant ou du cessionnaire devait déposer ce dossier.  Il n’aurait pas été illogique que la demande soit formulée conjointement par les deux parties dans la mesure où d’une part, le cessionnaire est évidemment le mieux placé pour fournir les informations justifiant de sa capacité à gérer l’établissement ou le service et où d’autre part, le cédant engage au même titre que le cessionnaire sa responsabilité pénale en cas de cession sans autorisation préalable de l’administration.

L’article L 313-22 du CASF punit d’un emprisonnement de 3 mois et d’une amende de 3750 € la cession de l’autorisation sans l’accord préalable de l’autorité administrative qui l’a délivrée.

 

Le décret du 13 mars 2020 : un régime des cessions d’autorisations médico-sociales calqué sur celui des autorisations sanitaires.

 

C’est désormais chose faite avec le décret du 13 mars 2020 qui insère dans le code de l’action sociale et des familles un article D 313-10-8 qui apporte d’utiles précisions sur plusieurs points :

 

Sur le contenu de la demande de cession.

La demande de cession comporte trois parties :

 

  • Une partie administrative dans laquelle figurent :

a) L’identité, l’adresse et le statut juridique de la personne physique ou morale, constituée ou en cours de constitution, qui demande la cession pour son compte, ainsi que la copie des statuts de l’organisme ou, le cas échéant, de la société ; si la personne morale est en cours de constitution, le dossier indique les nom, adresse et qualité de la personne qui la représente pour la demande ;

b) L’acte ou l’attestation de cession signés du cédant, ou l’extrait des délibérations du conseil de surveillance ou de l’organe délibérant du cédant relatif à cette cession ;

c) Le protocole d’accord portant cession de l’autorisation conclu entre le cédant et le cessionnaire ;

d) Le projet d’établissement mentionné à l’article 311-8 du CASF.

 

  • Une partie relative aux personnels décrivant l’état des effectifs, par type de qualifications, exerçant ou appelés à exercer dans l’établissement, et faisant apparaître les engagements du demandeur en ce qui concerne les effectifs et la qualification des personnels, nécessaires à la mise en place du projet ;

 

  • Une partie financière décrivant les modalités précises de financement du projet, une présentation du compte ou du budget prévisionnel de l’établissement ou du service ;

 

La demande comporte également l’engagement du demandeur de respecter les conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement mentionnées au II de l’article L 312-1 du CASF.

Sans surprise, le pouvoir règlementaire s’est largement inspiré des dispositions applicables aux cessions d’autorisations sanitaires (cf. articles R 6122-35 et R 6122-32-1 du CSP), mais se montre toutefois moins exigeant envers le cessionnaire quant au nombre de documents à produire.

Le nouvel article D 313-10-8 se montre en réalité plus pragmatique puisqu’il prévoit que : « L’autorité ou les autorités compétentes pour délivrer l’autorisation peuvent demander la communication de tout document complémentaire permettant la bonne instruction du dossier pour s’assurer que le cessionnaire pressenti est en capacité de gérer l’établissement, le service ou le lieu de vie et d’accueil dans le respect de l’autorisation préexistante ».

 

Concernant la complétude du dossier

Le III de l’article D 313-10-8 dispose que : « Le dossier de demande d’autorisation est réputé être complet si, dans le délai d’un mois à compter de sa réception, l’autorité compétente ou, en cas d’autorisation conjointe, la première autorité saisie n’a pas fait connaître au demandeur, par lettre recommandée avec avis de réception, la liste des pièces manquantes ou incomplètes ».

 

Compte tenu de la possibilité laissée à l’autorité administrative de demander des documents complémentaires, cette disposition apparaît opportune car elle permet d’éviter que l’instruction de la demande ne traîne en longueur du fait de l’inertie de l’administration (d’autant plus lorsque la demande relève de la compétence conjointe de deux autorités) et que la mise en œuvre du projet s’en trouve retardée.

L’on ajoutera qu’en application de l’article L 114-5 du code des relations entre le public et l’administration, la ou les autorités saisies doivent, lorsqu’elles demandent des pièces complémentaires ou manquantes, fixer un délai pour leur réception, faute de quoi l’instruction du dossier pourrait se prolonger indéfiniment.

 

S’agissant du délai de réponse de l’administration

L’article L 313-1 du CASF, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 17 janvier 2018 a réduit de 6 mois à 3 mois le délai à l’expiration duquel, en l’absence de réponse, la demande de cession d’autorisation est réputée être implicitement rejetée.

 

L’article D 313-10-8 complète cette disposition législative en prévoyant que « l’absence de réponse de l’autorité ou des autorités compétentes dans un délai de trois mois suivant la date de réception du dossier complet vaut rejet de la demande ».

Il s’évince de cette disposition, combinée avec celles du code des relations entre le public et l’administration que le point de départ du délai de 3 mois court :

 

  • soit à compter de la date de réception du dossier reconnu complet par l’autorité administrative, lorsque celle-ci délivre au pétitionnaire un accusé de réception, ce qu’elle est en principe tenue de faire en application de l’article R112-5 du CRPA ;

 

  • soit à compter de la date de réception du dossier réputé complet en application du second alinéa du III de l’article D 313-10-8, lorsque l’administration n’a pas dans le mois suivant la réception de la demande, délivré un accusé de réception mentionnant le cas échéant la liste des pièces manquantes ou incomplètes.

 

Avec l’ordonnance du 17 janvier 2018 et le décret du 13 mars 2020, la cession des autorisations médico-sociales est désormais dotée d’un corpus juridique relativement complet qui permet à l’autorité publique d’exercer un véritable contrôle de l’opération de cession, en particulier sur les garanties offertes par le cessionnaire quant à la poursuite de l’activité dans le respect de la règlementation et de l’autorisation préexistante. Cette procédure devrait également permettre aux opérateurs concernés (cédant et cessionnaire) de bénéficier de conditions d’instruction de leurs demandes plus homogènes et plus prévisibles, celles-ci n’étant plus laissées à l’appréciation des autorités saisies.

 

 

Nicolas Porte, avocat associé, exerce son métier au sein du Pôle organisation du Cabinet Houdart & Associés.

Après cinq années consacrées à exercer les fonctions de responsable des affaires juridiques d’une Agence Régionale de Santé, Nicolas PORTE a rejoint récemment le Cabinet Houdart et Associés pour mettre son expérience au service des établissements publics de santé et plus généralement, des acteurs publics et associatifs du monde de la santé.

Auparavant, il a exercé pendant plus de dix années diverses fonctions au sein du département juridique d’un organisme d’assurance maladie.

Ces expériences lui ont permis d’acquérir une solide pratique des affaires contentieuses, aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives, et d’acquérir des compétences variées dans divers domaines du droit (droit de la sécurité sociale, droit du travail, baux, procédures collectives, tarification AT/MP, marchés publics). Ses cinq années passées en ARS lui ont notamment permis d’exercer une activité de conseil auprès du directeur général et des responsables opérationnels de l’agence et développer une expertise spécifique en matière de droit des autorisations sanitaires et médico-sociales (établissements de santé, établissements médico-sociaux, pharmacies d’officines) et de contentieux de la tarification à l’activité.