Réforme des autorisations en neuroradiologie
Article rédigé le 22 février 2022 par Me Camille Renard
Le 10 janvier dernier, deux décrets et un arrêté ministériel modifiant les conditions d’autorisation d’exercice de l’activité interventionnelle en neuroradiologie ont été publiés. Une gradation selon deux mentions est désormais prévue avec des conditions d’octroi particulières, mais également des conditions communes d’octroi de l’autorisation. Ces deux décrets s’inscrivent dans un contexte plus large de réforme des autorisations d’activités de soins et des équipements matériels lourds porté par l’ordonnance n° 2021-583 du 12 mai 2021 à propos de laquelle nous aurons l’occasion de publier d’autres articles.
C’est donc le 10 janvier dernier qu’ont été publiés, pour une entrée en vigueur le 1er juin 2023, le décret n° 2022-21 du 10 janvier 2022 relatif aux conditions d’implantation de l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie, complété par l’arrêté du 10 janvier 2022 fixant le nombre minimal annuel d’actes pour l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie prévu à l’article R. 6123-110 du code de la santé publique, et le décret n° 2022-22 du 10 janvier 2022 relatif aux conditions techniques de fonctionnement de l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie.
La neuroradiologie interventionnelle fait partie des activités dont la pratique est soumise à autorisation et dont la révision des conditions d’autorisation avait été annoncée. Un état des lieux partagé de l’activité, s’appuyant notamment sur le rapport de la Haute autorité de santé (HAS) publié en juillet 2018 a permis d’identifier les points forts et les points faibles puis mettre d’accord les principaux acteurs sur les axes de travail prioritaires.
La publication des textes était attendue et la direction générale de l’offre de soins (DGOS) en avait donné les grandes lignes à l’occasion du congrès de la Société française neurovasculaire (SFNV) en novembre 2021.
Une nouvelle appellation pour la neuroradiologie interventionnelle.
Dans le cadre d’une amélioration de la prise en charge notamment des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques des gros vaisseaux par thrombectomie mécanique, ces textes consacrent donc une nouvelle appellation : « l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie » qui remplace les « activités interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie ».
Cette nouvelle appellation est définie comme concernant « les actes diagnostiques et thérapeutiques qui portent sur la région cervico-céphalique et médullo-rachidienne et qui sont réalisés par voie endovasculaire ou par voie percutanée, hors localisation ostéoarticulaire. Les actes portant sur la thyroïde ne sont pas concernés. » (Art. R6123-104)
La nouvelle appellation est donc plus large que la précédente puisqu’elle concerne à la fois les actes réalisés par voie endovasculaire et ceux réalisés par voie percutanée.
Le champ des autorisations nécessaires reste similaire au régime précédent :
- Pour le traitement en neuroradiologie interventionnelle des lésions cancéreuses, le titulaire de l’autorisation de pratiquer l’activité interventionnelle en neuroradiologie est détenteur de l’autorisation relative au traitement du cancer (art. R6122-25 18°).
- Par ailleurs, l’autorisation de pratiquer l’activité interventionnelle en neuroradiologie n’est pas exigée d’un établissement de santé ou d’un groupement de coopération sanitaire lorsqu’il est détenteur d’une autorisation de pratiquer la chirurgie (art. R6122-25 2°) et que l’activité réalisée se limite à l’angiographie interventionnelle des vaisseaux cervicaux.
En revanche, les deux décrets instituent une distinction des activités interventionnelles sous imagerie médicale en neuroradiologie (art. R6123-107) :
- D’une part uniquement la réalisation de la thrombectomie mécanique et les actes diagnostiques associés dans le cadre de l’accident vasculaire cérébral ischémique aigu (Mention A).
- D’autre part l’ensemble des activités interventionnelles en neuroradiologie (Mention B).
Au-delà d’un changement d’appellation et d’une distinction graduelle qui pourront sembler anecdotique ou esthétique, cette réforme à notamment vocation à améliorer le maillage des centres de thrombectomie mécanique pour la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Les conditions d’implantation de l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie communes aux deux mentions
Les conditions d’octroi sont énumérées par le décret n°2022-21, qui dispose que l’autorisation ne peut être accordée que si le titulaire (art. R6123-109 à R6123-110 du CSP et arrêté du 10 janvier 2022) :
- dispose d’une unité de soins intensifs avec une expertise neurovasculaire sur place vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept et d’une unité de réanimation sur place.
Les modalités de reconnaissance d’une expertise neurovasculaire seront déterminées par arrêté du ministre chargé de la santé.
- dispose, dans un délai compatible avec la sécurité des prises en charge d’un accès, sur site ou par convention, aux examens de biologie médicale et à des produits sanguins labiles.
- peut assurer l’exploration cérébrale et vasculaire par scanner et IRM, sur place, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.
- dispose d’un accès à une unité de neurochirurgie (art. R6123-109-1), soit, le cas échéant, par convention pour les activités mention A soit sur place pour les activités de mention B. Pour ces dernières, une telle règlementation a pour conséquence de réduire considérablement le nombre d’établissements éligibles.
- assure en permanence, en liaison avec les structures de médecine d’urgence mentionnées à l’article 6123-1, le diagnostic, y compris par télésanté, et le traitement des patients.
A titre dérogatoire et pendant six mois après son commencement d’activité, un titulaire d’autorisation de mention A peut ne pas satisfaire à l’exigence de permanence des soins (v. ci-après IV° les modalités de cette dérogation, au titre des dispositions transitoires).
Cette permanence peut être commune à plusieurs sites autorisés. Dans ce cas, une convention est établie entre les titulaires d’autorisation propre à chaque site. Lorsque la permanence des soins est assurée pour plusieurs sites, la convention précise notamment les modalités d’organisation entre les sites, de participation des personnels de chaque site et les modalités d’orientation et de prise en charge des patients.
- Pour les activités mention A : 60 actes de thrombectomie mécanique de l’accident vasculaire cérébral ischémique aigu.respecte pour l’octroi, le maintien ou le renouvellement de l’autorisation, une activité minimale annuelle :
- Pour les activités de mention B : 140 actes interventionnels thérapeutiques en neuroradiologie.
Dans le cadre d’une création, l’activité minimale annuelle est prévisionnelle pour la première année.
La règle du nombre d’acte minimum pour l’octroi ou le renouvellement de l’autorisation n’est pas nouvelle : l’arrêté du 19 mars 2007 fixait à 80 interventions par site l’activité minimale annuelle. Le décret 2022-21 semble tirer les conséquences de la crise sanitaire de la COVID-19 et des déprogrammations qu’elle a entraînées, en créant une dérogation plus protectrice du titulaire. Ainsi, en cas de survenance d’un évènement exceptionnel et temporaire entraînant une baisse significative de l’activité, le directeur général de l’agence régionale de santé, sur demande du titulaire, peut surseoir à l’application de la règle de l’activité minimale annuelle pour une durée maximale d’une année et dès lors que le titulaire a pris des engagements pour résoudre ledit évènement.
Une dérogation peut également être accordée ou renouvelée à titre exceptionnel lorsque, après analyse des besoins de la population, l’accès aux autres sites pratiquant l’activité de soins impose des temps de trajet excessifs à une partie significative de la population du territoire de santé.
- dispose d’une unité d’hospitalisation (art. D6124-147).
- est soumis à l’obligation d’assurance de la qualité (art. D6124-151).
Les conditions techniques de fonctionnement de l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie communes aux deux mentions
Le décret n°2022-22, quant à lui, précise les conditions techniques de fonctionnement dans lesquelles l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie doit s’exercer (art. D6124-148 à D6124-150-3).
Il s’agit ici de conditions classiques relatives à la radioprotection des patients et à l’optimisation des doses délivrées, ainsi qu’au profil des personnels nécessairement présents durant l’intervention :
- mise à disposition des outils permettant l’optimisation de la radioprotection des patients et des personnels.
- la nouvelle réglementation fixe précisément la liste des personnels médicaux et non-médicaux nécessaires.
Cette liste comprend notamment des médecins formés à ces actes et expérimentés, dont le nombre permet d’assurer les exigences de permanence et de continuité des soins, au moins un médecin anesthésiste-réanimateur, un ou plusieurs médecins spécialisés en médecine physique et de réadaptation (MPR) et en gériatrie “en tant que de besoin”.
Chaque acte nécessite la présence d’au moins trois personnes expérimentées, dont un médecin formé et expérimenté en neuroradiologie interventionnelle, un manipulateur d’électroradiologie médicale et selon les besoins, un médecin, un infirmier ou un manipulateur d’électroradiologie médicale.
Le personnel non médical comprend au moins un infirmier, un aide-soignant et un masseur-kinésithérapeute.
- organisation de la permanence et la continuité des soins.
Un protocole doit être conclu entre les responsables médicaux de neuroradiologie interventionnelle et ceux des unités concernées, précisant le nombre et la localisation des lits mis à disposition, les règles d’admission et de sortie, les modalités de prise en charge des patients et la compétence des personnels.
- organisation du parcours de soins du patient.
- amélioration la pertinence des soins et la collégialité des décisions de prise en charge thérapeutique.
Par ailleurs, l’autorisation d’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie n’est accordée que si les équipements sont connectés à un système d’archivage et de partage des images permettant d’améliorer la qualité de la prise en charge et la pertinence des actes réalisés (art. D6124-152).
Le titulaire de l’autorisation s’assure que les équipements exposant aux rayonnements ionisants mis en œuvre sont connectés à un système de collecte systématique et d’archivage des données dosimétriques.
Une gradation à deux niveaux avec les activités de mention A et les activités de mention B
Les distinctions entre les activités de mention A et les activités de mention B sont les suivantes :
CONDITIONS D’IMPLANTATION L’autorisation ne peut être accordée que si le titulaire :
| CONDITIONS TECHNIQUES DE FONCTIONNEMENT L’autorisation ne peut être accordée que si le titulaire :
| |
activités de mention A | – établit une convention avec une structure autorisée à réaliser l’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie de mention B.
La convention prévoit notamment le partage des pratiques professionnelles et les modalités de connexion des systèmes d’information afin, notamment, de permettre le partage d’images en temps réel (art. R6123-108). | – dispose à tout moment d’un accès sur place à une salle d’angiographie numérisée interventionnelle répondant aux conditions d’anesthésie et d’asepsie identiques à celles d’un bloc opératoire et disposant de moyens de visualisation du parenchyme cérébral.
Cette salle est située à proximité d’une salle de surveillance post interventionnelle dans les conditions prévues à l’article D. 6124-99 (art. D6124-147). |
– dispose d’un accès à une unité de neurochirurgie, le cas échéant par convention (art. R6123-109-1). | ||
activités de mention B | – dispose d’une unité de neurochirurgie sur place (art. R6123-109-1). | – dispose à tout moment d’un accès sur place à deux salles d’angiographie numérisée interventionnelles répondant aux conditions d’anesthésie et d’asepsie identiques à celles d’un bloc opératoire et disposant de moyens de visualisation du parenchyme cérébral, dont une salle biplan.
Cette salle est située à proximité d’une salle de surveillance post interventionnelle dans les conditions prévues à l’article D. 6124-99.
La pratique de cette activité nécessite l’accès à tout moment sur site à des appareils de mesure et d’enregistrement continu de la pression intracrânienne et à un écho-Doppler transcrânien (art. D6124-147). |
En 2019, alors que les discussions étaient en cours, la direction générale de l’offre de soins du ministère de la santé a publié ce visuel récapitulatif, dont les propositions ont finalement été retenues :
V. Les dispositions transitoires
Les dispositions de ces deux décrets entreront en vigueur le 1er juin 2023. Afin de permettre l’adaptation des acteurs à cette nouvelle règlementation, des dispositions transitoires sont prévues.
D’abord, les schémas régionaux de santé devront prendre en compte ces dispositions au plus tard le 1er novembre 2023.
Ensuite, les titulaires d’autorisations délivrées en application de l’ancienne réglementation et en cours lors de l’ouverture de la première période de demandes ou de renouvellement d’autorisation (art. R6122-29), postérieure au 1er juin 2023, devront déposer une nouvelle demande d’autorisation pendant ladite période.
Cette demande fera l’objet d’un dossier spécifique selon les modalités fixées par un arrêté à venir du ministre chargé de la santé. Les demandeurs pourront poursuivre l’activité pour laquelle ils sont autorisés jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur demande.
Ensuite, les dispositions des schémas interrégionaux d’organisation des soins en vigueur à la date de publication du présent décret demeurent applicables jusqu’à la publication du schéma régional de santé modifié, prenant en compte les modifications apportées par les présents décrets.
Enfin, à titre dérogatoire et pendant six mois après son commencement d’activité, un titulaire d’autorisation de mention A peut ne pas satisfaire à l’exigence de permanence des soins.
Dans ce cas :
- Il assure la permanence des soins tous les jours de l’année au moins douze heures consécutives sur vingt- quatre ;
- Le nombre d’actes à réaliser, par site, est fixé à 45 actes de thrombectomie mécanique de l’accident vasculaire cérébral ischémique aigu ;
- Le titulaire transmet à l’agence régionale de santé, dès la déclaration de commencement d’activité, l’organisation prévue pour assurer le respect de l’exigence de permanence des soins à l’échéance du délai de six mois.
Lorsqu’à l’expiration de ce délai, il est constaté que le titulaire de l’autorisation n’est pas en conformité avec les dispositions du code de la santé publique, l’autorisation fait l’objet des mesures prévues à l’article L. 6122-13 du même code. Ces mesures peuvent aller jusqu’au retrait de l’autorisation par le directeur de l’ARS en cas de persistance du refus du titulaire de se conformer aux dispositions du CSP.
VI. Conclusion
Cette réforme est le fruit d’une concertation bienvenue entre les différents acteurs, dans le but d’améliorer le maillage des centres de thrombectomie mécanique et ainsi la coordination et l’efficacité de la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Si les conditions d’exercice de la nouvelle activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie sont sensiblement les mêmes que celles des anciennes « activités interventionnelles par voie endovasculaire en neuroradiologie », la création d’une gradation de l’activité a permis d’assouplir quelque peu le niveau d’exigence pour la mention A, avec seuil d’activité annuel de 60 actes (contre 80 actes dans l’ancienne réglementation) et la possibilité d’avoir un accès par convention à une unité de neurochirurgie. Ces assouplissements permettront sans doute de maintenir, voire d’améliorer le maillage territorial des unités neuro-vasculaires.
Camille Renard est avocate collaboratrice au sein du pôle organisation sanitaire et médico-social.
Elle rejoint de cabinet Houdart & Associés en 2022 après avoir exercé en tant que juriste puis avocate au sein de diverses structures (cabinets d’avocats et établissements publics) spécialistes du droit public et du droit de la santé.
Elle conseille désormais les établissements de santé dans leurs projets de restructuration et apporte son expertise aux acteurs publics comme privés du secteur sanitaire et médico-social.
Elle accompagne également ces acteurs au contentieux, devant les juridictions judiciaires et administratives.