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Réforme des SAD
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Réforme des SAD

 

Article rédigé le 5 avril 2024 par Me Laurine Jeune et Me Nicolas Porte

Après bien des vicissitudes, le texte définitif de la Proposition de loi portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie a été adopté par l’Assemblée Nationale le 19 mars 2024, puis par le Sénat, le 27 mars 2024.

Au terme de cette dernière étape, les Parlementaires ont définitivement (?) scellé le sort de la réforme des SAD : pas de réel assouplissement; mais des délais supplémentaires sont accordés aux gestionnaires (en particulier ceux de SSIAD), pour mettre en place les SAD intégrés. Il faut laisser du temps au temps disait un ancien président…

L’obligation de constituer une entité juridique unique est plus que jamais renforcée puisqu’elle est érigée au rang législatif.

Fin de la discussion donc, il est temps maintenant de passer aux travaux pratiques !

 

Chacun le sait, la mise en œuvre de la réforme des SAD s’avère délicate. Nous avons plusieurs fois eu l’occasion d’exposer notre point de vue sur les difficultés qu’elle soulève, ainsi que nos propositions en faveur d’une simplification du dispositif (cf. nos articles ici, , en encore par ici).

La suppression de l’obligation de constituer une entité juridique unique aurait sans doute facilité les choses, mais les parlementaires en ont décidé autrement.

Qu’importe. Maintenant que la partition est écrite, il faut la mettre en musique.

Et les acteurs du secteur du domicile disposent d’instruments juridiques pour mettre leurs projets et leurs impératifs en accord avec ceux de la réforme.

L’allongement des délais de mise en place des SAD intégrés n’est certes pas la panacée, mais il a au moins le mérite de donner du temps aux acteurs pour mûrir leur projet commun et se mettre au diapason.

Les délais supplémentaires accordés par la Proposition de loi dite « Bien Vieillir »

Pour bien comprendre et s’engager dans leur projet, encore faut-il savoir de combien de temps précisément les services en particulier les SSIAD, disposeront pour créer les SAD intégrés dotés d’une personnalité morale.

Qu’en est-il ?

  • Les SSIAD auront jusqu’au 31 décembre 2025 pour déposer une demande d’autorisation de SAD intégré.
  • Les tutelles (Président du Conseil départemental et Directeur Général de l’ARS) pourront délivrer une autorisation de SAD intégré à un SSIAD et à un SAD aide dès lors que les conditions fixées aux 1° et 2 ° du C du II de l’article 44 de la LFSS pour 2022, seront remplies :

« 1° Avoir, dans le délai mentionné au premier alinéa du présent C et pour une durée maximale de cinq ans, conclu une convention ou constitué un groupement mentionné au 3° de l’article L. 3127 du code de l’action sociale et des familles afin d’exploiter cette autorisation, dans la perspective de constituer, à l’issue de cette période, un service autonomie à domicile relevant du 1° de l’article L. 31313 du même code doté d’une entité juridique unique ;

2° Respecter le cahier des charges mentionné au même article L. 31313, sauf dérogation prévue par décret. »

 

Ainsi, pour bénéficier d’une autorisation de SAD intégré, les SSIAD et SAD aide disposeront jusqu’au 31 décembre 2025, pour conclure une convention ou constituer un GCSMS, afin d’exploiter cette autorisation, dans la perspective de la constitution d’un SAD intégré doté de la personnalité morale. Ces dispositifs de convention ou de GCSMS ne pourront excéder cinq ans.

A l’issue de ce délai de cinq ans au maximum, ils devront avoir doté le SAD intégré d’une entité juridique unique. A défaut, l’autorisation de SSIAD deviendra caduque et le SAD aide sera considéré comme autorisé pour l’activité d’aide et d’accompagnement exclusivement.

  • En cas de refus d’autorisation de SAD intégré, le texte prévoit que les SSIAD « restent régis par les dispositions qui leur étaient applicables à la date mentionnée au A du présent II pour une durée maximale de deux ans à compter de la notification de la décision de rejet de la demande d’autorisation, ou jusqu’à la date d’expiration de leur autorisation si celleci intervient pendant cette durée. Pendant cette durée, une autorisation peut leur être délivrée en tant que service autonomie à domicile dans les conditions prévues aux 1° et 2° du présent C.»

La formulation alambiquée de cette disposition interroge.

En effet, les SSIAD pourront, cas de refus à leur demande d’autorisation de SAD intégré, perdurer pendant une durée maximale de deux ans à compter de la notification de la décision de rejet. Compte-tenu de la date limite de dépôt d’autorisation (31 décembre 2025) et des délais d’instruction, les SSIAD pourraient vraisemblablement perdurer jusqu’en 2028 au maximum.

Mais pendant cette durée maximale de deux ans, les SSIAD pourront redéposer une demande d’autorisation de SAD intégré dès lors que les conditions précitées sont remplies (1° et 2° du C du II de l’article 44 de la LFSS pour 2022). S’agissant de la condition prévue au 1°, sa rédaction oblige à la conclusion d’une convention ou à la constitution d’un GCSMS pour cinq années au maximum, avant le 31 décembre 2025. Or, si le refus d’autorisation intervient après cette date, comment le SSIAD peut-il utilement conclure une convention ou constituer un GCSMS ? A notre sens, et pour laisser au SSIAD une réelle seconde possibilité d’évoluer en SAD intégré, la convention ou le GCCMS ne peut nécessairement intervenir qu’après le refus d’autorisation.

Dès lors, le seul effet utile à cette disposition serait de permettre la constitution des SAD intégré doté d’une entité juridique unique jusqu’en 2033.

La question des délais de mise en œuvre de la réforme étant réglée par la PPL « Bien Vieillir », les acteurs doivent désormais s’atteler à répondre à l’épineuse question du COMMENT mettre en œuvre la réforme.

Au-delà des considérations locales et propres à chaque projet (partenaire(s) potentiel(s), unicité de la couverture territoriale et modification des autorisations, moyens, financement et situation économique préalable…etc.), intéressons-nous aux schémas et outils juridiques dont disposent les acteurs pour mettre en œuvre la réforme.

La mise en place de l’entité juridique unique

Obligation est faite de doter les SAD intégrés d’une « entité juridique unique ».

C’est cette entité et uniquement elle, qui est titulaire de l’autorisation comme a pu le confirmer la DGCS dans sa notice explicative de septembre 2023.

L’entité juridique unique peut prendre plusieurs formes mais il s’agit nécessairement d’une personne morale qui dispose de la capacité juridique à être titulaire d’une autorisation médico-sociale. La liste est longue : association, EHPAD public autonome, société commerciale, fondation, établissement public de santé, organisme mutualiste, organisme de sécurité sociale, CCAS…etc.).

Pour disposer d’un SAD intégré doté de la personnalité morale, plusieurs options existent.

En schématisant à grands traits, on identifie trois options :

  • La création d’un SAD intégré par SSIAD ou un SAD aide 

Cette option concerne les SSIAD qui sont dans l’obligation de proposer à terme des prestations d’aide et d’accompagnement, mais également les SAD aide, désireux d’obtenir une autorisation de SAD intégré.

Les SSIAD devraient alors se doter « en propre » des moyens nécessaires pour répondre aux besoins d’aide et d’accompagnement des personnes. Et les SAD aide devront quant à eux intégrer les moyens pour assurer la dimension soins.

En pratique, cette option reste théorique car elle dépend des politiques de chacune des autorités de tutelle. Un accord de leur part reviendrait à octroyer du temps et partant des financements supplémentaires d’aide.

Plusieurs conseils départementaux s’y seraient déjà opposés.

  • Le transfert d’activité 

Cette option vise le transfert d’activité entre opérateurs existants, ce qui la distingue de la première option.

Ainsi par exemple, un gestionnaire de SSIAD pourrait intégrer la dimension aide en reprenant l’activité de SAD aide gérée par une autre structure.

L’invariable de cette option est la cession d’autorisation.

Mais outre l’autorisation, les parties doivent également déterminer les opérations à mener pour organiser un transfert d’activité.

Il va sans dire qu’il est impossible de recenser toutes les hypothèses compte-tenu du caractère hétéroclite des acteurs intervenant dans le secteur du domicile.

Le transfert d’activité peut donc se traduire par des opérations juridiques très variables : fusion (entre structures de même forme juridique), transfert d’actif, scission…etc. Pour l’essentiel, elles dépendent de la forme et de la nature juridique des parties qui peuvent imposer le respect de règles particulières.

  • La coopération 

Des structures gestionnaires de services préexistants (a minima un SSIAD et un SAD aide) peuvent décider de gérer ensemble un SAD intégré.

Emerge immédiatement l’idée du GCSMS qui se caractérise par sa souplesse et son adaptabilité aux besoins de ses membres ce que n’offre pas les autres formes juridiques.

 

On citera pêle-mêle :

    • Son objet

Le GCSMS peut être titulaire d’une autorisation de SAD et encadrer une véritable coopération au sein de laquelle les partenaires organisent en commun l’activité. En tant que groupement, par essence transparent ; il agit pour le compte de ses membres qui définissent ensemble les missions qui lui sont confiées, les moyens qu’il mobilise pour les réaliser et les coûts associés…etc. Même si le GCSMS devient le gestionnaire du SAD intégré en tant que titulaire de l’autorisation, il n’agit pas en autonomie vis-à-vis de ses membres.

    • Sa gouvernance

Un socle minimal doit être respecté mais il est possible de prévoir une gouvernance « sur mesure » traduisant la volonté et le degré d’implication des membres. Attention tout de même à une autre caractéristique propre aux groupements : plus les membres bénéficieront d’un poids important dans la prise de décision, ils engageront leur responsabilité financière vis-à-vis du GCSMS.

    • La mutualisation des moyens et en particulier des personnels

L’un des grands avantages du GCSMS réside dans le cadre d’intervention des personnels. Du fait de sa nature, le GCSMS autorise les mises à disposition dites fonctionnelles des personnels des membres mais il peut aussi être employeur. Le GCSMS apporte ici une réponse concrète à une source d’inquiétude répandue des acteurs du secteur du domicile quant à l’impact de la création d’une entité juridique unique sur leurs personnels en poste.

Bien sûr faire coexister des statuts différents n’est pas simple mais elle est possible et des garanties peuvent être apportées aux travailleurs pour préserver leurs droits.

Les outils temporaires : la convention ou le GCSMS  

Comme on l’a vu, la nouvelle mouture de l’article 44 de la LFSS pour 2022 donne la possibilité aux SSIAD et aux SAD « aide » d’obtenir une autorisation de SAD intégré s’ils ont, pour une durée maximale de 5 ans, conclu entre eux une convention ou constitué un groupement de coopération sociale ou médico-sociale afin d’exploiter cette autorisation et dans la perspective de constituer à l’issue de cette quinquennale un SAD intégré doté d’une entité juridique unique.

Soyons clairs, la convention ou le GCSMS ainsi constitués doivent préfigurer la future entité juridique unique et proposer d’ores-et-déjà une organisation intégrée, à même de répondre aux conditions d’organisation et de fonctionnement fixées par le cahier des charges issu du décret du 13 juillet 2023.

L’article 5 du décret est d’ailleurs très clair sur ce point :

« le président du conseil départemental et le directeur général de l’agence régionale de santé peuvent délivrer l’autorisation sollicitée sous réserve que les services respectent les dispositions de l’article 1er du présent décret, notamment le cahier des charges mentionné à l’article D. 312-1 du même code ».

Qu’il soit de moyens ou exploitant d’autorisation, le GCSMS apparaît de prime abord comme le support juridique le plus simple à mettre en œuvre. Le droit des groupement présente en effet l’avantage d’offrir un cadre juridique permettant aux deux partenaires a minima, de mettre en commun les moyens matériels et humains nécessaires à la constitution d’équipes communes, notamment pour assurer la coordination des interventions (hypothèse du GCSMS de moyens), voire d’aller beaucoup plus loin en co-exploitant leurs autorisations respectives au sein d’un GCSMS exploitant, autrement dit, une entité juridique unique.

Dans cette dernière configuration le principal «défaut » du GCSMS exploitant aux yeux de la loi, sera de ne pas être détenteur de l’autorisation de SAD intégré.

Car pour le reste, comme nous le développions dans un précédent article, le GCSMS exploitant peut tout à fait permettre de structurer un service intégré répondant aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement fixées par le cahier des charges.

La rédaction d’une « simple » convention de coopération peut aussi permettre d’approcher cet objectif, mais elle devra être rédigée avec beaucoup de minutie afin de définir précisément les modalités juridiques de la coopération entre les membres, sans pour autant pouvoir offrir les mêmes avantages que le GCSMS exploitant, notamment la perception directe des financements par le groupement et la sécurisation juridique des mises à disposition de personnels.

 

Les acteurs disposent désormais d’un peu plus de temps pour constituer les SAD. Ce temps supplémentaire n’est pas à négliger.

Anticiper et saisir cette occasion pour construire plutôt que de subir, tel est le choix qui est laissée aux acteurs.

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.

Nicolas Porte, avocat associé, exerce son métier au sein du Pôle organisation du Cabinet Houdart & Associés.

Après cinq années consacrées à exercer les fonctions de responsable des affaires juridiques d’une Agence Régionale de Santé, Nicolas PORTE a rejoint récemment le Cabinet Houdart et Associés pour mettre son expérience au service des établissements publics de santé et plus généralement, des acteurs publics et associatifs du monde de la santé.

Auparavant, il a exercé pendant plus de dix années diverses fonctions au sein du département juridique d’un organisme d’assurance maladie.

Ces expériences lui ont permis d’acquérir une solide pratique des affaires contentieuses, aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives, et d’acquérir des compétences variées dans divers domaines du droit (droit de la sécurité sociale, droit du travail, baux, procédures collectives, tarification AT/MP, marchés publics). Ses cinq années passées en ARS lui ont notamment permis d’exercer une activité de conseil auprès du directeur général et des responsables opérationnels de l’agence et développer une expertise spécifique en matière de droit des autorisations sanitaires et médico-sociales (établissements de santé, établissements médico-sociaux, pharmacies d’officines) et de contentieux de la tarification à l’activité.