SUBSTANCES D’ORIGINE HUMAINE : OBLIGATIONS, CONTRÔLES ET ENJEUX À VENIR
Article rédigé le 03/10/2025 par Me Laurence Huin
Le 7 août 2027 marquera l’entrée en application du règlement européen relatif aux substances d’origine humaine (dit « règlement SoHO »). Ce texte, adopté depuis le 27 mai 2024, ambitionne d’harmoniser et de renforcer le cadre juridique applicable au don, au prélèvement, à la transformation, à la conservation et à l’utilisation de ces substances, dans un objectif de protection des donneurs et des receveurs tout en favorisant l’innovation biomédicale.
Si l’Union européenne affiche des ambitions claires dont notamment celles d’harmoniser les pratiques entre États membres ou soutenir l’essor des thérapies cellulaires et innovantes, l’impact du texte va bien au-delà. Le règlement est appelé à remodeler en profondeur le cadre juridique et opérationnel des établissements impliqués dans la manipulation de ces substances.
De quoi parle-t-on ?
Les SoHO englobent toute substance prélevée sur le corps humain, qu’elle contienne ou non des cellules, vivantes ou non. Sont concernés notamment : le sang et ses composants, les tissus et cellules (y compris les cellules souches), le lait maternel, les tissus reproducteurs, les préparations issues de ces substances.
Le règlement s’applique dès lors que ces substances sont destinées à une application humaine (injection, transplantation, transfusion, insémination, etc.) ou utilisées pour la fabrication de produits de santé réglementés (médicaments, dispositifs médicaux, thérapies innovantes).
Certaines matières échappent au champ du règlement, comme les organes solides (régis par la directive 2010/53/UE), les cheveux utilisés pour fabriquer des perruques ou encore le lait maternel consommé par l’enfant de la donneuse sans transformation.
Quel est le champ d’application du règlement européen relatif aux substances d’origine humaine (SoHO) ?
Le règlement SoHO s’applique aux « 13 activités règlementées » regroupant toutes les activités susceptibles d’avoir une incidence sur la qualité, la sécurité ou l’efficacité des SoHO :
| 1 | Enregistrement de donneurs de SoHO |
| 2 | Vérification des antécédents |
| 3 | Le contrôle des donneurs |
| 4 | Prélèvement |
| 5 | Transformation |
| 6 | Contrôle de la qualité |
| 7 | Stockage |
| 8 | Libération |
| 9 | Distribution |
| 10 | Importation |
| 11 | Exportation |
| 12 | Application humaine |
| 13 | Enregistrement des résultats cliniques |
Autant d’opérations désormais encadrées à l’échelle européenne, avec une mise en application prévue pour le 7 août 2027.
Quelles nouvelles obligations pour les acteurs ( SoHO ) ?
Le texte distingue plusieurs acteurs :
- Les entités SoHO c’est-à-dire les organismes établis dans l’Union européenne exerçant au moins l’une des 13 activités réglementées.
Les entités SoHO doivent désormais être enregistrées et mettre en place un système de gestion de la qualité conforme aux lignes directrices européennes (EDQM), un système de vigilance, de notification des incidents etc…;
- Les établissements SoHO, c’est-à-dire des entités SoHO exerçant les activités de transformation et stockage, et/ou la libération, et/ou l’importation, et/ou l’exportation de SoHO.
Ils sont soumis à autorisation préalable et contrôles réguliers.
- Les établissements SoHO importateurs, c’est-à-dire des entités SoHO introduisant dans l’Union européenne des SoHO en provenance d’un pays tiers à l’Union européenne avant leur libération.
Ils sont soumis à un régime d’autorisation et à des obligations contractuelles renforcées vis-à-vis de leurs fournisseurs tiers. On notera que ces obligations ne concernent pas l’exportation, ni l’importation de SoHO depuis un pays situé dans l’UE.
Ces exigences ne se limitent pas aux établissements de premier rang : sous-traitants et partenaires contractuels sont également concernés. Les contrats devront être ajustés afin de garantir la conformité. Dans certains cas, les entités qualifiés de « critiques » devront aller plus loin encore : mettre en place des systèmes de vigilance, évaluer les risques associés à leurs préparations, et, si nécessaire, assurer un suivi clinique proactif.
Le règlement concerne-t-il la recherche ?
Le règlement encadre également l’utilisation des SoHO dans la recherche biomédicale dans le cadre desquelles elles sont appliquées au corps humain devraient être conformes au présent règlement. On distinguera donc désormais le critère de l’ « application humaine » et celui de l’« implication humaine ».
A l’inverse, les activités de recherche sans application humaine (ex. : études in vitro) sont exclues. Les dons de SoHO exclusivement destinés à la recherche doivent néanmoins respecter le principe du don volontaire et non rémunéré.
Gouvernance et coopération européenne
Un Comité de coordination SoHO (SoHO Coordination Board) et une plateforme européenne dédiée sont créés afin d’assurer une application uniforme, d’harmoniser les pratiques nationales, de favoriser la transparence et de faciliter l’échange d’informations entre autorités, entités et grand public.
Quelles perspectives en France ?
Bien que le règlement SoHO soit déjà en vigueur, plusieurs zones d’incertitude persistent, et elles pourraient influencer l’organisation quotidienne des établissements concernés.
Tout d’abord, les délais d’enregistrement et les procédures d’autorisation préalable ne sont pas encore précisés.
Ensuite, les exemptions actuellement prévues par le Code de la santé publique (CSP) en matière de recherche clinique pourraient évoluer. Il est en effet interdit aux États membres de prévoir des régimes plus souples que ceux définis par Bruxelles. La France conserve cependant la possibilité d’adopter des mesures plus strictes.
Dans ce contexte, les acteurs du secteur devront suivre de près l’évolution des règles et adapter leurs procédures internes. La mise en conformité avec le règlement SoHO dépasse la simple formalité et impose aux établissements et entités concernées une anticipation des obligations administratives, techniques et contractuelles. Il conviendra notamment de veiller à :
- Sécuriser les conventions entre acteurs (contrats de cession, de transfert, de prestation, partenariats de recherche) ;
- Accompagner les démarches d’enregistrement et d’autorisation ;
- Assurer la conformité des politiques internes avec les nouvelles exigences de traçabilité, vigilance et protection des données personnelles.
Et vous, votre établissement est-il prêt ?
Maître Laurence Huin exerce une activité de conseil et de contentieux auprès d’acteurs du numérique, aussi bien côté prestataires que clients.
Depuis novembre 2024, elle est partenaire du pôle Santé Numérique du cabinet Houdart et associés et contribue à ce titre à Datactu.


