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SEL des professions de santé : le nouveau régime de l’ordonnance du 8 février 2023 – 2e partie

Article rédigé le 7 septembre 2024 par Me Stéphanie Barré-Houdart et Manlius

 

 

>>> Cet article est la suite de l’article SEL des Professions de santé : Le nouveau régime des l’ordonnance de 8 février 2023

 

En deuxième partie de notre article consacré à  l’Ordonnance du 8 février 2023, n°77-2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, nous nous intéresserons aux règles de détention du capital des SEL et à leur gouvernance.

La détention du capital  

Des principes et des dérogations pour toutes les catégories de SEL

L’article 40 al. 3 de l’Ordonnance impose en premier lieu qu’au moins “un professionnel exerçant au sein de la société” soit associé de la SEL directement ou via sa société de participations financières de professions libérales (SPFPL). Notons que l’article 3 de l’Ordonnance définit « le professionnel exerçant » comme la personne physique « ayant qualité pour exercer sa profession […], enregistrée en France conformément aux textes qui règlementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession […]. »

L’article 46 de l’Ordonnance reprend en second lieu le principe, déjà posé par la réglementation antérieure que plus de la moitié du capital et des droits de vote doit être détenue soit directement, soit par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), par des professionnels exerçant au sein de la société.

Le complément du capital pouvant lui être détenu

  1. par des personnes physiques qui sont des professionnels exerçants ou des personnes morales exerçant la profession constituant l’objet social de la société;
  2. Pendant un délai de dix ans, par des associés personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette profession au sein de la société ((et non interdits d’exercice);
  3. par les ayants droit des personnes physiques ci-avant mentionnées pendant un délai de cinq ans suivant leur décès ;
  4. par une société de participations financières de professions libérales ;
  5. par des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille que celle mentionnée dans l’objet social de la SEL; et
  6. par des  personnes européennes dont l’activité constitue l’objet social de la société (art. 47).

Le pouvoir réglementaire pourra cependant décider d’exclure certaines catégories de personnes.

Afin de tenir compte des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres, des décrets pourront le cas échéant « interdire à des catégories de personnes physiques ou morales déterminées la détention, directe ou indirecte de parts sociales ou d’actions représentant tout ou partie du capital social non détenu par des professionnels en exercice au sein de la société ou par des personnes mentionnées aux 1° à 4° et 6° de l’article 47, lorsque cette détention serait de nature à mettre en péril l’exercice des professions concernées (… ) » Pour celles exerçant une profession de santé,  on peut penser que l’exclusion toucherait des catégories de personnes déterminées dont la présence au capital serait jugée incompatible avec l’indépendance des professionnels de santé et in fine l’intérêt du système de soins et celui des patients.

Des dérogations législatives et réglementaires pour les SEL des professions de santé

Relevons qu’il est dérogé  pour les SEL des professionnels de santé au principe posé par l’article 46.  Ainsi, aux termes de l’article 69 de l’Ordonnance, plus de la moitié du capital social de la société peut aussi être détenue :

  1. Par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la société ;
  2. Par toute personne morale exerçant l’objet social de la société (Ce qui fait que les SEL des professions de santé bénéficient sur ce point d’un régime plus libéral que les SELs “de droit commun” puisque pour ces dernières une personne morale – à la seule exception des SPFL des professionnels exerçant – ne peut plus faire partie de la fraction majoritaire des détenteurs de capital et des droits de vote réservée aux professionnels exerçant au sein de la société.);
  3. Par des sociétés de participations financières de professions libérales, mais à condition que la majorité du capital et des droits de vote de celles-ci soit détenue par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou par toute personne morale, établis en France ou par une personne européenne (Par “personne européenne” il faut entendre selon l’article 4 de l’ordonnance une “personne physique ou morale établie dans un Etat membre de l’Union européenne autre que la France, dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou dans la Confédération suisse et qui exerce, dans l’un de ces États, une activité présentant les caractéristiques d’une profession libérale réglementée”), exerçant la profession constituant l’objet social de la société d’exercice faisant l’objet d’une prise de participations – ce qui implique que pour les SEL des professions de santé reste d’application une condition de détention majoritaire de ces SPFPL par des personnes exerçant la même profession -.

Cependant des Décrets pourront être pris pour écarter l’application de ces dispositions dérogatoires « afin de tenir compte des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres. » ( art. 69). Ainsi dans une hypothèse extrême seules les catégories de professionnels exerçant au sein de la société pourraient être détenteurs majoritaires de capital. L’article 70 prévoit également que le pouvoir réglementaire par décret et pour tenir compte des nécessités propres à chaque profession de santé pourra prévoir que des personnes autres que celles mentionnées aux articles 46 et 47 ( comme par exemple des investisseurs) puissent détenir une part, qu’ils fixent, inférieure à la moitié du capital des SEL constituées sous forme de SARL, SAS ou SA (Dans les SEL constituées sous forme d’une société en commandite par actions, ces personnes peuvent détenir individuellement une part du capital pouvant être supérieure au quart de ce capital, tout en restant inférieur à la moitié de celui-ci.).
Sans Décret, seules les dispositions de l’Ordonnance s’imposent aux professionnels de santé.

 On notera aussi pour rappel que les SEL constituées sous forme de société par actions simplifiée (les “SELAS”) peuvent toujours avoir comme actionnaires des apporteurs en industrie rémunérés pour cet apport par des actions (art. L.227-1 al. 4 C. com.), ce qui peut être attractif pour des jeunes débutant dans la profession ou pour offrir une contrepartie à un apport de clientèle.

 

Des contraintes complémentaires

Le contrôle que le législateur entend exercer sur la détention du capital des SEL dans le but de préserver l’indépendance et les droits des professionnels exerçant au sein de la société se manifeste aussi par une série de dispositions dérogatoires du droit commun des formes sociales concernées comme cela sera ci-après exposé, en particulier :

  • L’interdiction de la forme au porteur pour les SELs constituées sous la forme de sociétés anonymes, par actions simplifiée ou en commandite par actions (art. 50),
  • L’interdiction pour les professionnels de santé exerçant au sein de la société de détenir des actions à dividende prioritaire sans droit de vote (ibid.).
  • L’encadrement des droits susceptibles d’être conférés par des actions de préférence : ces droits ne doivent pas être définis de telle sorte qu’ils permettraient de contourner les règles relatives à la détention du capital ou à la gouvernance de ces sociétés : là aussi le législateur entend lutter contre certains montages sociétaires qui chercheraient à déposséder les professionnels exerçant au sein des SEL du contrôle capitalistique et du pouvoir politique au sein de ces sociétés (ibid).
  • Cet encadrement est complété pour les SEL des professions de santé par l’interdiction d’émettre et de détenir des actions (ou des parts) à droit de vote double au profit d’autres associés ou actionnaires que les professionnels exerçant au sein de ces sociétés et par l’obligation d’attribution de tels titres à tous les actionnaires (et donc pas seulement à certains d’entre eux) avec la possibilité d’imposer une condition d’ancienneté dans l’actionnariat pour en bénéficier mais dans la limite d’une durée maximale de 2 ans (art. 71). On notera que cette disposition est expressément applicable aux SEL constituées sous formes de sociétés par actions simplifiée alors que pour ces dernières les règles gouvernant leur émission par les sociétés anonymes ne sont pas applicables en principe (art. L.227-1 du code de commerce écartant l’application des articles L.225-123 et L.225-124 dudit Code). On notera aussi que ces dispositions ne s’appliquent pas aux actions de préférence car celles-ci ne doivent pas être confondues avec des actions à droit de vote double même lorsqu’elles confèrent des droits de vote multiple, mais que pour ces actions de préférence les limites concernant la majorité du capital et/ou des droits de vote prévaudront.

La gouvernance

L’Ordonnance renforce par diverses dispositions “la maîtrise de l’outil de travail” que le législateur entend conférer aux professionnels exerçant au sein des SEL afin bien évidemment de limiter l’influence d’autres acteurs, et notamment des acteurs financiers qui prennent de plus en plus d’importance eu égard aux investissements à financer et aux souhaits de certains professionnels de préparer leur cessation d’activité en rentabilisant au mieux les efforts et les moyens qu’ils y ont consacré.

L’encadrement renforcé des conventions réglementées

L’article 56 de l’Ordonnance reprend ainsi la règle posée par l’article 12, dernier alinéa, de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et qui limite aux seuls professionnels exerçant au sein de la SEL le droit de prendre part aux délibérations sociales portant sur ce qu’on appelle les “conventions réglementées” à savoir, schématiquement, les conventions intervenues directement ou par personnes interposées entre la société et l’un de dirigeants ou associés ou encore entre la société et une autre entreprise dirigée par un de ces derniers (Pour une SEL constituée sous la forme d’une S.A. cela va concerner dans le détail (i) les conventions intervenants directement entre une la SEL et l’un de ses administrateurs, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du directoire ou du conseil de surveillance, certains actionnaires ou société contrôlant la société actionnaire, (ii) les conventions auxquelles une de ces personnes est directement ou indirectement intéressée ou dans lesquelles elle traite avec la SEL par personne interposée, (iii) les conventions intervenant entre la SEL et une entreprise, si l’un des dirigeants susmentionnés de la SEL est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur ou membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise, (iv) les conventions intervenant entre la SEL et l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % et s’il s’agit d’une société actionnaire, les conventions intervenant entre la SEL et la société contrôlant la société actionnaire disposant de plus de 10 % des droits de vote.).

Il s’agit évidemment d’éviter que dans des situations qui sont par nature des situations de conflits d’intérêts potentiels certains dirigeants ou associés ne cherchent à bénéficier d’avantages indus [Pour un exemple de convention réglementée voir l’arrêt Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2003 – n° 01-01.290 portant sur un contrat par lequel une clinique reconnaissait à un des administrateurs le droit de négocier sa présentation de clientèle à des confrères et s’engageait soit à fournir aux médecins présentés un contrat d’exercice, soit, en cas de refus, à l’indemniser.] ou à exercer par le moyen de telles conventions une influence sur la gestion ou le fonctionnement de la société qui leur permette d’en acquérir le contrôle de fait au-delà des droits que leur confère leur rôle de dirigeants ou leur participation au capital.

Des conventions de prêts, de services informatiques, d’utilisation de plateforme techniques peuvent en effet être conçues de telle sorte que les professionnels exerçant d’une SEL soient placés dans un tel état de dépendance financière ou technique qu’ils perdent de fait la maîtrise de leur outil de travail. Leur réserver le droit exclusif d’approuver ou de désapprouver de telles conventions vise à éviter que cela puisse se produire.

 

Les qualités imposées pour être dirigeant de la SEL

Avec les mêmes finalités l’Ordonnance reprend, mais renforce aussi, des dispositions déjà existantes, en imposant que les dirigeants de la SEL – et donc les gérants pour les SEL constituées sous forme de sociétés à responsabilité limitée, les membres du Directoire ou le Directeur Général pour celles constituées sous forme de société anonyme ou le Président ou le Directeur Général (et le DG délégué pour celles constituées sous forme de sociétés par actions simplifiée (articles 58 à 63 de l’Ordonnance – De même, deux tiers au moins des membres du conseil de surveillance ou du conseil d’administration doivent être des associés exerçant leur activité au sein de la société.)- soient des “associés exerçant au sein de la SEL” (Sous réserve toutefois d’une dérogation possible pour les SEL des professions juridiques et judiciaires selon les dispositions de l’article 83 de l’Ordonnance.).

En utilisant cette expression “d’associé exerçant” au lieu de “professionnel exerçant” (qui est selon la définition du “professionnel exerçant” nécessairement une personne physique cf. supra), l’Ordonnance semble permettre de nommer dirigeant une personne morale à condition que celle-ci soit un “associé exerçant” au sein de la SEL, mais cette interprétation devra être confirmée, car le guide de présentation de la réforme pour les professions de santé diffusé par le Ministère de l’Économie et des Finances n’envisage comme dirigeants possibles que des “professionnels  exerçant’ et donc des personnes physiques (Également en sens contraire Serge Nonorgue la nouvelle réforme du droit des sociétés d’exercice des professions juridiques et judiciaires – À propos de l’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023 La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 13, 30 mars 2023, 1092) .

 

Le cantonnement des commanditaires

Tenir à l’écart de la direction des SEL les apporteurs de capitaux “extérieurs” se traduit également par l’interdiction faite aux actionnaires commanditaires de faire des “actes de gestion externe ou interne, même en vertu d’une procuration” sous peine de nullité de ces actes (art. 64).  Cette disposition est utile car on sait que la tentation est grande pour certains commanditaires de s’immiscer dans la gestion puisque dans l’état actuel des textes il était possible dans les statuts d’une société constituée sous la forme d’une société en commandite par actions de permettre à des personnes extérieures au cercle des professionnels exerçant de détenir individuellement une part du capital pouvant être supérieure au quart de ce capital (tout en restant inférieure à la moitié de celui-ci).

 

Les autres gardes-fous

D’autres dispositions relatives à la gouvernance également conçues comme des protections contre certaines dérives ayant pu être observées sont conservées par l’Ordonnance :

  • La limitation des louages de parts ou actions : les actions ou les parts sociales de la SEL ne peuvent être louées qu’à des professionnels de santé en exercice au sein de la société (salariés ou collaborateurs) (art.72); et
  • La possibilité donnée au pouvoir réglementaire de limiter les avances en compte courant d’associés (art.73).

Pour le cas particulier des SEL ressortissant de la famille des professions de santé et constituées sous forme de société en commandite par actions l’article 78 de l’Ordonnance ajoute une restriction supplémentaire : seuls peuvent être associés commandités des “personnes physiques, ayant la qualité de professionnel exerçant, réalisant régulièrement leur activité au sein de la société”, étant ici rappelé que ces associés commandités, en tant que professionnels libéraux “n’ont pas la qualité de commerçants”  mais qu’en tant que commandités ils “répondent néanmoins indéfiniment et solidairement des dettes sociales”.

Les conditions dans lesquelles s’acquiert ou se perd la qualité d’associé

La nécessité d’un agrément

Le dispositif d’encadrement de la gouvernance des SEL, et en particulier des SEL des professions de santé ne serait pas complet s’il n’envisageait pas les conditions dans lesquelles les parts ou les actions de ces sociétés peuvent être transmises ou dans lesquelles un associé ou actionnaire peut se retirer ou être exclu de la société.

C’est ainsi que :

  • Pour les SEL des professions de santé constituées sous forme de SARL, l’article 75 de l’Ordonnance maintient la condition spéciale de majorité des ¾ des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société pour l’agrément d’un nouvel associé (alors qu’en droit commun une majorité de la moitié des parts sociales suffit).
  • Pour les SEL des professions de santé constituées sous forme de société anonyme cette majorité des 2/3 pour l’agrément préalable aux transmissions d’actions s’appliquera au choix des statuts soit aux “actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société” soit aux “membres de son conseil d’administration (ou de son conseil de surveillance)”; ce qui signifie que sont exclus du calcul de ce quorum les actionnaires personnes morales autres que les SPFPL desdits professionnels.
  • Pour les SEL des professions de santé constituées sous forme de sociétés par actions simplifiées cette majorité des 2/3 s’appliquent selon l’article 77 “aux associés exerçant leur activité au sein de la société” ce qui, en toute rigueur devrait inclure aussi, les associés personnes morales exerçant, sans que l’on comprenne bien le pourquoi de cette différence de traitement avec les SA. Peut-être s’agit-il d’une erreur de plume mais le fait d’utiliser dans certains articles de l’Ordonnance l’expression définie “de professionnel exerçant au sein de la société, ce qui correspond nécessairement selon la définition donnée par l’Ordonnance à une personne physique, et dans d’autres articles celle “d’associé exerçant au sein de la société”, cette expression n’étant, elle, pas définie, crée des incertitudes qui auraient pu être évitées.
  • Pour les SEL des professions de santé constituées sous forme de société en commandite par actions l’agrément de nouveaux actionnaires commanditaires est un préalable à toute cession d’action (art. 65) et cet agrément est donné par les associés commandités à la majorité des deux tiers (art.79). Quant à l’acquisition de la qualité d’associé commandité elle suppose aussi un agrément préalable, qui doit être donné au moment et au moyen de la signature des statuts, ou, en cours de vie sociale à l’unanimité des associés commandités et à la majorité des deux tiers des actionnaires commanditaires (art. 66).

 

S’agissant de l’agrément, l’Ordonnance ne se limite pas à en imposer le principe et la règle de majorité applicable. Elle précise aussi que les statuts peuvent à l’unanimité des associés fixer les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales ou des actions en cas de cession soumise à un agrément (art.52 al. 1). Elle précise également que “sauf dispositions contraires du décret particulier à chaque profession, la valeur des parts sociales ou des actions tient compte en principe de la valeur représentative de la clientèle mais qu’à l’unanimité des associés, les statuts peuvent exclure cette valeur représentative de la clientèle civile de la valorisation des parts sociales ou des actions” (art.52 al.2).

On notera que ces dispositions relatives au prix de cession ne s’appliquent expressément qu’aux cessions soumises à agrément et que l’Ordonnance impose d’établir les règles applicables à la détermination du prix de ces cessions dans les statuts (et donc sans possibilité de faire renvoi à un accord entre associés ce qui est cohérent avec le principe d’unanimité des associés qu’elle impose). On notera aussi que pour les cessions non soumises à agrément ce qui se limitera en pratique aux hypothèses de cessions forcées et d’exclusions il reste possible de définir le mode de détermination du prix dans les statuts et à défaut par un expert selon les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil.

La possibilité de prévoir une faculté de retrait dans les statuts

Un des apports substantiels de l’Ordonnance est de prévoir expressément la possibilité pour un associé de SEL de se retirer. Son article 57 permet en effet d’inclure dans les statuts une faculté de retrait – mais attention il faudra que cette faculté soit bien prévue dans les statuts pour exister [ Sinon le retrait ne sera en principe possible que sous la forme d’une cessation de l’exercice professionnel au sein de la société avec maintien de l’associé se retirant de l’exercice professionnel en société en associé non exerçant. Voir l’arrêt  CA Caen, 1re ch. civ., 15 févr. 2022, n° 20/02697 : Dalloz actualité, 17 mars 2022, obs. Ph. Touzet ; Rev. sociétés 2022, p. 608, note B. Brignon. – Arrêt de renvoi après Cass. 1re civ., 12 déc. 2018, n° 17-12.467 : JurisData n° 2018-022707 ; B ] –  ce qui vient mettre à néant le refus de la Cour de cassation de reconnaître une telle faculté de retrait en l’absence de dispositions spéciales l’autorisant.

Dans un arrêt du 12 décembre 2018 la Cour de cassation avait en effet jugé que :

“ à défaut de dispositions spéciales de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales l’autorisant, un associé d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée d’avocats ne peut se retirer unilatéralement de la société, ni obtenir qu’une décision de justice autorise son retrait, peu important le contenu des statuts.”

(Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 Décembre 2018 – n° 17-12.467).

 

Les possibilités d’exclusion

Dans son article 45, l’Ordonnance renvoie aux différents décrets d’application déjà publiés à date ou à paraître le soin de déterminer les effets sur les associés des interdictions temporaires dont ces derniers pourraient le cas échéant être frappés. Elle permet aussi au pouvoir réglementaire de prévoir les cas où un associé peut être exclu de la société à condition toutefois de préciser en parallèle les garanties morales procédurales et patrimoniales qui lui sont accordées dans ce cas (art. 45 al. 2 et al. 3)

En conclusion provisoire et dans l’attente des décrets à paraître pour l’exercice en société des différentes professions de santé, on signalera que les sociétés qui ne respecteraient pas les règles de gouvernance issues de cette nouvelle législation devront rapidement faire le nécessaire pour se mettre en conformité.  L’article 53 de l’Ordonnance dispose en effet que ““dans l’hypothèse où l’une des conditions relatives à la détention du capital et des droits de vote ou de la gouvernance mentionnées aux articles 56 à 67 viendrait à ne plus être remplie, la société dispose d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la présente ordonnance.

Il en est de même pour les associés puisqu’aux termes de l’article 56 de l’Ordonnance “à compter de l’entrée en vigueur des décrets relatifs aux exigences de détention du capital et des droits de vote et prévus aux articles 48, 69, 70 et 86, les associés ont un délai de deux ans pour se mettre en conformité.”  La société pouvant si ce délai n’est pas respecté les exclure de son capital, ce qu’elle fera probablement car sinon elle s’expose au risque d’une demande de dissolution par “tout intéressé”.

Il doit être également rappelé que l’Ordonnance fait obligation aux professionnels  une fois par an d’adresser à leur Ordre professionnel :

  • un état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents, ainsi qu’une version à jour des statuts de leur SEL.
  • les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé ( article 44).

Les mêmes obligations pèsent sur les membres des SPFPL.

Il revient cependant aux décrets d’en préciser les modalités d’application. Quid en l’absence des dits décrets pour les professionnels de santé ?

Surtout, il nous revient de nous interroger sur la capacité des Ordres de santé au vu des moyens dont ils disposent pour certains à opérer un contrôle précis et adapté, propre à s’assurer de la conformité des statuts et conventions aux règles législatives et réglementaires. Nous y reviendrons.

Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.

Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :

- contrats d’exercice, de recherche,

- tarification à l’activité,

- recouvrement de créances,

- restructuration de la dette, financements désintermédiés,

- emprunts toxiques

Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.

Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).