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barème Macron validé
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BARÈME MACRON VALIDÉ PAR LE JUGE DU FOND, MAIS AU CAS PAR CAS !

Article rédigé le 11 octobre 2019 par Me Guillaume Champenois

Les juges du fond, coup sur coup et en moins d’un mois, viennent confirmer la position de la Cour de cassation sur la conventionnalité du barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse instauré à l’article L.1235-3 du Code du travail mais en y ajoutant un bémol, le droit d’aller au-delà dudit barème au cas par cas lorsque l’indemnisation prévue par ce texte serait trop basse et ce de manière disproportionnée.

 

Par un arrêt du 18 septembre 2019, la Cour d’appel de Paris a validé le barème fixé par l’article L.1235-3 du Code du travail tout en se réservant le droit d’y déroger au cas par cas.

La cour d’appel de Paris a jugé que « le plafonnement est adapté à la situation d’espèce », et conforme à « la Convention OIT et la Charte sociale européenne qui s’imposent aux juridictions françaises ».

Cet arrêt constitue une mise en conformité partielle avec l’avis rendu par la Cour de cassation du 17 juillet 2019 rendu en formation plénière qui a précisé que le barème institué à l’article L.1235-3 du Code du travail était conforme à la convention OIT.

« L’article L.1235-3 du Code du travail prévoit que « Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.’ Pour un an d’ancienneté ce montant est fixé dans une fourchette comprise entre 1 et 2 mois de salaire. L’article 10 de la convention de l’OIT n° 158 et l’article 24 de la Charte européenne ratifié par la France le 7 mai 1999 et qui s’impose aux juridictions françaises affirment déclaration d’appel dans ces dispositions relatives à la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur que le salarié doit se voir allouer une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée’ En l’espèce, la cour estimant que la réparation à hauteur des deux mois prévus par le barème  constitue  une réparation  du  préjudice adéquate  et  appropriée à  la  situation d’espèce, il n’y a pas lieu de déroger au barème réglementaire et de considérer le dit barème contraire aux conventions précitées. »

Cette motivation est à saluer car elle permet de concilier la visibilité réclamée par les employeurs quant aux conséquences d’une mesure de licenciement et préserve néanmoins la possibilité pour le juge d’accorder aux salariés de justes dommages et intérêts selon les circonstances. La logique qui prévaut dans le raisonnement de la Cour d’appel de Paris est que l’indemnisation du préjudice doit s’opérer au cas par cas.

La Cour d’appel de REIMS rejoint cette analyse dans un arrêt du 25 septembre 2019 dont la rédaction est encore précise et éclairante.

La Cour d’appel de REIMS affirme que le barème instauré par l’article L.1235-3 du Code du travail est susceptible, dans certaines circonstances, de « compromettre l’indemnisation requise » par les textes conventionnels internationaux et en déduit que ce texte législatif constitue une ingérence dans le droit conventionnel. Elle précise immédiatement que l’ingérence législative dans une norme internationale ne traduit pas néanmoins, en tant que telle, l’inconventionnalité du texte législatif.

Elle relève que les montants prévus par le barème, comme le révèlent les travaux parlementaires, reposent sur des moyennes constatées des indemnisations allouées par les juridictions. Surtout, elle précise que ce barème donne une fourchette d’appréciation en termes d’indemnisation et donc permet au juge de conserver un pouvoir d’appréciation sur l’indemnisation à octroyer en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au-delà de l’effort pédagogique et de la réflexion de pur droit ressortant de la rédaction de l’arrêt, les juges de la Cour d’appel de Reims rejoignent les magistrats de la Cour d’appel de Paris dans l’analyse d’une nécessaire appréciation “in concreto”.

L’argumentation de la décision sur ce point est aussi claire, précise que pragmatique :

« Le contrôle de conventionnalité ne dispense pas, en présence d’un dispositif jugé conventionnel, d’apprécier s’il ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné c’est-à-dire en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché. La recherche de proportionnalité, entendue cette fois in concreto et non in abstracto, doit toutefois avoir été demandée par le salarié. Elle ne saurait être exercée d’office par le juge du fond qui ne peut, de sa seule initiative, procéder à une recherche visant à écarter, le cas échéant, un dispositif dont il reconnaît le caractère conventionnel »

Tout est désormais très clair, le barème s’applique bien sauf à ce que le salarié sollicite et démontre que ledit barème n’est pas adapté à sa situation personnelle au regard notamment des modalités de licenciement et des circonstances l’entourant. Cela revient à considérer que le dépassement du barème peut s’envisager à condition que le salarié démontre la réalité d’un préjudice dont la réparation serait trop faible, plus précisément disproportionnellement trop faible.

On ne peut qu’approuver le raisonnement des magistrats de la Cour d’appel de Reims.

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).