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Données essentielles des marchés publics
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Données essentielles des marchés publics, fin de course ?

 

Article rédigé le 11 janvier 2022 par Me Jessica Phillips

L’arrêté ECOM2235715A du 22 décembre 2022 relatif aux données personnelles, publié par la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie, entrera en vigueur au 1er janvier 2024. Il entérine un certains nombres de nouvelles mesures en matière de données de marchés publics, dictées par une poursuite toujours plus poussée et transversale des grands principes de la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement, transparence de la procédure), touchant aujourd’hui toutes ses composantes, y compris le volet numérique.

 

 

Amorcé à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de la commande publique, le marathon de la transformation numérique de la commande publique a franchi en décembre dernier une nouvelle étape, déterminante : l’arrêté ECOM2235715A du 22 décembre 2022 relatif aux données essentielles des marchés publics a été publié.

 

Le départ

 

Il est difficile de s’accorder unanimement sur le point départ de cette « course », mais la réforme de la commande publique, initiée par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, est sans conteste l’une des étapes charnières de la transformation numérique des marchés publics : communications et échanges par voies électroniques, dématérialisation, système d’acquisition dynamique, enchères électroniques, catalogues électroniques, signature électronique, et aussi, et surtout, accès aux données essentielles des marchés publics.

Sur ce point, le décret n°2016-360 précisait :

« Au plus tard le 1er octobre 2018, l’acheteur offre, sur son profil d’acheteur, un accès libre, direct et complet aux données essentielles des marchés publics répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 25 000 euros HT, à l’exception des informations dont la divulgation serait contraire à l’ordre public ».

 

En 2016, ces données essentielles comprenaient notamment les informations suivantes :

« 1°Le numéro d’identification unique attribué au marché public et les données relatives à son attribution :

a) L’identification de l’acheteur ;

b) La nature et l’objet du marché public ;

c) La procédure de passation utilisée ;

d) Le lieu principal d’exécution des services ou travaux faisant l’objet du marché public ;

e) La durée du marché public ;

f) Le montant et les principales conditions financières du marché public ;

g) L’identification du titulaire ;

h) La date de notification du marché public par l’acheteur »

(article 107).

 

Le ton était donné, les informations relevant de l’appellation « données essentielles » des marchés publics aussi.

À l’origine, ces données essentielles se distinguaient clairement des données dites de recensement, collectées dans le cadre du recensement économique :

« les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices communiquent, chaque année, les données contribuant au recensement économique de l’achat public, dans des conditions prévues par voie réglementaire. Ces données ont trait à la passation des marchés, à leur notification ou à leur exécution » (article L2196-3 du code de la commande publique)

et listées dans l’arrêté du 22 mars 2019 relatif au recensement économique de la commande publique :

«

  • le type de contrat ;

  • le millésime de la date de lancement de la procédure de publicité et de mise en concurrence ;

  • les numéros SIREN et NIC de l’organisme acheteur ;

  • le numéro d’ordre de la procédure au sein de l’organisme acheteur ;

  • lorsqu’une procédure de passation donne lieu à plusieurs marchés, l’identifiant du marché ;

  • le cas échéant, le numéro d’ordre de la modification, en dehors des modifications résultant d’une clause de variation de prix, ou de l’acte spécial ;

  • le numéro SIREN du titulaire ou du mandataire du groupement ;

  • le cas échéant, le numéro SIREN du ou des cotitulaires ;

  • le cas échéant, le numéro SIREN du sous-traitant ;

  • l’objet du contrat défini en recourant aux numéros de la nomenclature communautaire « Vocabulaire commun pour les marchés publics » dite « CPV » ;

  • le type de procédure de passation ;

  • le montant hors taxe du contrat ou de la modification du contrat, en dehors des modifications résultant d’une clause de variation de prix ;

  • le cas échéant, le montant de la part sous-traitée ;

  • la durée du contrat ;

  • la nature ferme, actualisable ou révisable du prix ;

  • le mois et l’année de notification du contrat ;

  • le mode d’exécution du contrat ;

  • la mise en œuvre de conditions d’exécution sociales ou environnementales ;

  • la possibilité prévue par le contrat d’utiliser la carte d’achat ;

  • lors de la mise en œuvre de la dématérialisation de la procédure de passation, le nombre de propositions dématérialisées et le nombre de propositions reçues ».

 

Mais ces notions – données essentielles, données de recensement – étaient proches, et la frontière entre les informations concernées poreuse, loin donc des objectifs de simplicité et d’efficience poursuivis par la réforme.

 

L’étape clef

 

En 2018, le ministère de l’économie a publié un Plan de transformation numérique de la commande publique, fixant les grands objectifs attendus en matière de données de marchés, sur la période 2017-2022.

Ce plan a marqué une étape déterminante dans la transformation numérique amorcée.

Son article 16 a en effet fixé aux acheteurs un objectif d’enrichissement et de convergence des données essentielles avec les données du recensement des marchés publics :

« Action 16 :

Enrichir et faire converger les données essentielles avec les données du recensement des marchés publics

La démarche « d’open data » initiée par les textes de la commande publique implique que débute, au plus tard le 1er octobre 2018, la publication des données essentielles de la commande publique. L’arrêté relatif aux données essentielles de la commande publique instaure des standards de base de structuration des données, afin de faciliter leur « moissonnage » et leur réutilisation.

Parallèlement à cette obligation de publier les données essentielles de la commande publique, tous les acheteurs publics ont l’obligation d’établir et transmettre une fiche de recensement pour les contrats, marchés ou accords-cadres d’un montant supérieur à 90 000 € HT.

Depuis le 1 er janvier 2017, deux évolutions majeures sont intervenues :

– 1. les acheteurs qui transmettaient déjà directement leurs fiches de recensement à l’OECP ne peuvent le faire que par la voie dématérialisée ;

– 2. les collectivités territoriales, leurs établissements publics, et les hôpitaux peuvent choisir de saisir les données du recensement de manière dématérialisée sur l’application Web de REAP, ou de transmettre à l’OECP un fichier électronique pré formaté via cette même application. Ils y seront obligés à compter du 1er janvier 2018, la fiche papier disparaissant définitivement.

Les données essentielles et les données du recensement sont identiques à 50%. Il est nécessaire d’aller plus loin dans la convergence. À l’horizon 2020/2022, le recensement devra s’effacer au profit des seules données essentielles, permettant de ne plus avoir qu’un format unique de données structurées pour la commande publique, conforme aux normes internationales utilisées pour l’open data ».

En substance donc, le recensement devait s’effacer au profit des seules données essentielles à horizon 2020/2022, dans une démarche de simplification, efficience et transparence.

Cette fusion entre données de recensement et données essentielles était confirmée par le décret n°2022-767 du 2 mai 2022 :

« Il fixe enfin les nouvelles modalités de publication des données essentielles de la commande publique sur un portail national de données ouvertes et prévoit que le recensement économique des marchés publics sera désormais réalisé à partir de ces données » (préambule).

L’acheteur devait en effet publier sur un portail national les données essentielles des marchés publics pour toute procédure adaptée ou formalisée lancée :

« L’acheteur publie sur le portail national de données ouvertes les données essentielles des marchés répondant à un besoin dont la valeur est égale ou supérieure à 40 000 euros hors taxes dans les deux mois suivant la notification du marché ou sa modification » (article 4).

 

L’arrivée ?

 

Le 22 décembre 2022, la direction des affaires juridiques du ministère de l’économie a tracé la ligne d’arrivée, en publiant l’arrêté ECOM2235715A du 22 décembre 2022 relatif aux données essentielles des marchés publics.

Cet arrêté actualise la notion de données essentielles, données qui recoupent aujourd’hui, notamment, les informations suivantes :

  • Le numéro d’identification unique du marché public ;
  • Le numéro d’inscription de l’acheteur, ou du mandataire en cas de groupement, au répertoire des entreprises et de leurs établissements ;
  • La nature du marché public correspondant à l’une des mentions suivantes : marché, marché de partenariat, marché de défense ou de sécurité ;
  • L’objet du marché public ;
  • La technique d’achat utilisée ;
  • La modalité d’exécution du marché public ;
  • Pour un marché subséquent le numéro d’identification unique de marché public relevant de la technique d’achat accord-cadre ;
  • Le principal code du vocabulaire commun pour les marchés publics (CPV) prévu par le règlement (CE) n° 213/2008 du 28 novembre 2007 ;
  • La procédure de passation utilisée ;
  • L’identifiant du lieu principal d’exécution sous la forme d’un code postal ou d’un code INSEE ;
  • La durée du marché public en nombre de mois ;
  • La date de notification du marché public par l’acheteur ;
  • Les considérations sociales et environnementales ;
  • Le caractère innovant ;
  • Pour les marchés de fournitures de denrées alimentaires, de véhicules, de produits de santé et d’habillement, la part des produits issus de l’Union européenne, dont la part de produits français, avec laquelle le marché sera exécuté ;
  • Le CCAG de référence ;
  • Le nombre d’offres reçues ;
  • Le montant HT forfaitaire en euros ou estimé maximum en euros ;
  • La forme du prix ;
  • Le type de prix ;
  • L’attribution d’une avance et son taux ;
  • Le ou les numéros d’inscription du ou des titulaires au répertoire des entreprises et de leurs établissements, à défaut le numéro de TVA intracommunautaire ou le numéro en vigueur dans le pays lorsque le siège social est domicilié hors de l’Union européenne ;
  • Le type de groupement d’opérateurs économiques ;
  • La sous-traitance déclarée à la passation du marché public ;
  • La date de publication des données essentielles du marché public

(liste fixée par l’arrêté du 22 décembre 2022).

 

L’arrêté précise également les modalités de publication de ces données.

Ces dernières, d’une part, doivent être publiées sur le portail national des données ouvertes par l’intermédiaire du profil d’acheteur ou de tout autre moyen technique similaire, et ce dans un délai maximal de deux mois à compter de la date de notification du marché à l’attributaire.

Elles doivent, d’autre part, être accessibles gratuitement.

Un processus similaire est prévu en matière de sous-traitance et de modifications de marchés.

Naturellement, un garde-fou, assez transversal, est posé : les données disponibles sur le portail national des données sont celles dont la divulgation ne méconnait pas un secret protégé par la loi ou ne porte pas atteinte à la sureté de l’Etat ou à la sécurité publique.

Rappelons que le décret n°2016-360 excluait de son côté uniquement toute information dont la divulgation serait contraire à l’ordre public.

Quelques précisions supplémentaires auraient été bienvenues. Notamment du point de vue de l’articulation avec le Data Governance Act, visant à favoriser le partage des données personnelles et non personnelles, adopté en mai 2022 et qui sera applicable en septembre 2023.

 

Une notice explicative de l’arrêté est annoncée. Espérons qu’elle précise cet aspect. Ou que le pouvoir réglementaire s’en chargera avant le 1er janvier 2024, date d’entrée en vigueur de l’arrêté.

 

Jessica Phillips est avocate collaboratrice au sein du cabinet depuis 2019, et intervient principalement sur les dossiers de conseils et de contentieux en droit public et droit de la commande publique.

Elle réalise des audit Marchés publics pour les acheteurs.

Elle assure également des formations en droit de la commande publique au profit des agents en charge de la passation et l’exécution des marchés publics.

Jessica Phillips possède une Spécialisation droit public - Qualification spécifique droit de la commande publique.