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jurisprudence administrative
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fmih : procédure de constitution et annulation différée

Article rédigé par Alice Agard et Caroline Lesné

Tribunal administratif de Pau, 1ère chambre, 20 avril 2023, n°2101413

Par un jugement du 20 avril 2023, le Tribunal administratif de Pau a prononcé l’annulation différée d’une décision portant constitution d’une fédération médicale interhospitalière (FMIH).

L’occasion est ici donnée d’attirer l’attention des établissements publics de santé sur les conséquences que peut avoir une procédure imparfaitement suivie pour la constitution d’une FMIH.

En l’espèce, un accord-cadre du 30 janvier 2020 posait le regroupement des activités de médecine nucléaire des centres hospitaliers de Pau et de Bigorre en une FMIH. La création de celle-ci avait donné lieu à la conclusion d’une convention le 18 décembre 2020 entre les directeurs de ces deux établissements.

Un médecin exerçant au sein du service de médecine nucléaire du centre hospitalier de Bigorre à la date de signature de cette convention en a demandé l’annulation.

Le Tribunal administratif rappelle d’abord que la « convention » du 18 décembre 2020 regroupant l’activité de médecine nucléaire en une FMIH est un acte décisoire réglementaire susceptible de recours eu égard au contenu de la convention qui a pour « objet de définir l’organisation et le fonctionnement du service ».

Le délai de recours contre la convention de FMIH ne commence à courir qu’à compter de sa publication sur le site internet de l’établissement.

En l’espèce, à défaut d’une telle publicité, le délai de recours de deux mois[1] n’a donc pas commencé à courir, de sorte que la requête du médecin ne présentait pas de caractère tardif.

Ensuite et il s’agit du point de bascule du dossier, le Tribunal administratif se prononce sur la question de la nécessité de recueillir préalablement à la signature de la convention de FMIH les avis du comité technique d’établissement (alors en place) et de la commission médicale d’établissement (CME).

Le Tribunal rappelle les compétences consultatives de ses instances, qui comprennent notamment « les orientations stratégiques de l’établissement », « les conditions d’accueil et de prise en charge des usagers ». Il précise que la décision portant création d’une FMIH « relève par son objet des orientations stratégiques de l’établissement et des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, mais également des décisions mentionnées au 8° de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique relatives à la constitution et la participation de l’établissement à une forme de coopération ».

Il est donc bien de la compétence des instances d’émettre un avis consultatif obligatoire préalable à la convention de FMIH.

Cela étant, le Tribunal examine si l’absence d’un avis consultatif obligatoire a nécessairement pour effet d’affecter la légalité de la décision prise, soit ici la convention de FMIH.

Reprenant les apports d’une jurisprudence du Conseil d’Etat de 2011, le Tribunal rappelle donc le principe selon lequel « un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie. ».

En l’espèce, si les CME des deux centres hospitaliers ainsi que le CTE du centre hospitalier de Pau ont bien été consultés conformément aux exigences de l’article L. 6135-1 du CSP pour la création de la FMIH, la consultation du CTE du centre hospitalier de Bigorre n’a pas été effective.

Le Tribunal retient que la consultation préalable du CTE du centre hospitalier a « pour objet d’éclairer les organes de direction de cet établissement sur la position des représentants du personnel » et qu’en conséquence, son omission a privé ces derniers d’une garantie et constitue une irrégularité de nature à entacher d’illégalité la décision attaquée ».

Le Tribunal retient donc l’existence d’un vice de procédure affectant la légalité de la convention de FMIH qui doit donc être annulée pour ce seul motif, nonobstant la parfaite justification au regard de l’intérêt général de la FMIH.

Cela étant et ce point est d’important tant il permet de préserver les organisation et coopération en place sur le territoire, le Tribunal en l’espèce a fait usage d’un pouvoir qui lui est attribué pour différer l’effet des annulations qu’il prononce.

Si l’annulation d’un acte administratif implique en principe qu’il soit réputé n’être jamais intervenu, le juge administratif peut toutefois décider de déroger à titre exceptionnel au principe de l’effet rétroactif, si celui-ci est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives, « en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets ». Il doit alors prévoir dans sa décision d’annulation que « tout ou partie de effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine ».

Or, en l’espèce, le Tribunal fait observer que l’annulation rétroactive de la décision créant la FMIH emporterait précisément des effets manifestement excessifs. L’annulation de la convention instituant la FMIH « impliquerait de compromettre pour l’avenir, sur la zone concernée, l’exigence de permanence des soins érigée en mission de service public par l’article L. 6112-1 du code de la santé publique ». En effet, les pièces du dossier établissent que la FMIH permet de répondre aux besoins de la population en matière d’examens en médecine nucléaire sur les territoires concernés.

Prenant en compte le motif d’annulation (vice de procédure) et l’absence d’autres griefs à l’encontre de la décision, le Tribunal prononce donc une annulation différée au 30 juillet 2023, afin de « laisser aux centres hospitaliers de Pau et de Bigorre le temps nécessaire pour prendre une nouvelle décision organisant le regroupement des activités de médecine nucléaire en FMIH après régularisation de la procédure consultative en amont de la constitution d’une FMIH prévue à l’article L. 6135-1 du code de la santé publique.

Par la technique de l’effet différé de l’annulation, le juge administratif préserve au moins temporairement la continuité et la permanence des soins, le temps que les centres hospitaliers régularisent la procédure de constitution de leur FMIH.

Cette jurisprudence permet de rappeler aux établissements publics de santé souhaitant constituer une FMIH qu’il convient de redoubler de vigilance quant à la procédure imposée par le législateur.

 

[1] Article R. 421-1 du code de la justice administrative

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