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GCS ET association de praticiens libéraux - CAA de Lyon 9 avril 2020 clinique hôpital
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GCS ET ASSOCIATION DE PRATICIENS LIBÉRAUX : CAA DE LYON 9 AVRIL 2020

Article rédigé le 26 mai 2020 par Me Laurine Jeune

La reprise d’une clinique en déclin par un établissement public de santé ou encore un Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) ne constitue plus un cas isolé.
La recherche du maintien de l’offre de soins sur certains territoires conduit de plus en plus souvent les acteurs publics à recourir à ces montages. L’un des enjeux est de convaincre les praticiens libéraux initialement liés par contrat d’exercice avec la clinique concernée de rester.
Ces dispositifs soulèvent des questions juridiques qui ne sont pas encore toutes tranchées.
Un récent arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon du 9 avril 2020, apporte un éclairage utile sur un GCS constitué entre un centre hospitalier et des praticiens libéraux, érigé en établissement de santé privé suite à l’absorption de l’activité d’une clinique en liquidation.

 

Présentation succincte de l’espèce

 

En 2017, le Centre Hospitalier Métropole Savoie et l’Association pour la commission médicale d’établissement de la Clinique Herbert (association dite de « loi 1901 ») concluaient la convention constitutive du GCS « Clinique Herbert ». Le GCS avait vocation à reprendre notamment les autorisations d’activité de soins détenues jusqu’à lors par la société Clinique Herbert qui appartenait au Groupe Ramsay Générale de Santé.

 

Par deux arrêtés du 27 juin 2017, le Directeur Général de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes :

 

  • approuvait la convention constitutive du GCS dénommé « Clinique Herbert » constitué entre le Centre Hospitalier Métropole Savoie et l’Association pour la commission médicale d’établissement de la Clinique Herbert,
  • autorisait l’adhésion de l’Association au GCS en qualité de membre,
  • confirmait les autorisations d’activités de soins de la société Clinique Herbert au bénéfice du GCS.

 

Le GCS était érigé en établissement de santé privé conformément aux dispositions de l’article L. 6133-7 du code de la santé publique et appliquant l’échelle tarifaire privée.

 

En termes de fonctionnement, le Centre Hospitalier Métropole Savoie détient 80 % des parts du capital et il contribue à hauteur de 99 % aux charges de fonctionnement.

 

La société Médipôle de Savoie, concurrent direct du GCS et du Centre Hospitalier, contestait devant le tribunal administratif de Grenoble les deux arrêtés du Directeur Général de l’ARS opposant notamment les règles encadrant la composition d’un GCS et la détermination de l’échelle tarifaire.

 

La participation d’une association de praticiens libéraux à un GCS érigé en établissement de santé

 

La composition d’un GCS est fixée par l’article L. 6133-2 du code de la santé publique qui dispose :

 

alinéa 1er: un GCS « peut être constitué par des établissements de santé publics ou privés, des établissements médico-sociaux […], des centres de santé et des maisons de santé, des personnes physiques ou morales exerçant une profession médicale à titre libéral. »

 

alinéa 2 : « Des personnes physiques ou morales exerçant une profession libérale de santé autre que médicale et d’autres organismes concourant à l’activité du groupement peuvent être membres de ce groupement sur autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé. »

 

Le Tribunal Administratif de Grenoble relevait alors qu’un GCS devait nécessairement pour être régulier se composer d’au moins deux entités entrant dans l’une des catégories limitativement énumérée à l’alinéa 1er. Le second alinéa qui permet à d’autres entités d’adhérer à un GCS sur autorisation de la tutelle étant « sans influence sur l’obligation faite au premier alinéa de constituer le GCS entre au moins deux entités ».

Le juge de première instance, considérant que l’Association pour la commission médicale d’établissement de la Clinique Herbert ne pouvait être assimilée à une personne morale exerçant une profession médicale à titre libéral au sens du premier alinéa, avait retenu que le GCS Clinique Herbert ne respectait pas les dispositions légales relatives à la composition d’un tel groupement et faisait droit à la demande d’annulation.

 

La Cour administrative d’appel retient une interprétation différente.

Pour la Cour, il résulte de la combinaison de plusieurs dispositions du code de la santé publique (articles L. 6133-1, L. 6133-2 (I), article L. 6133-3 (premier alinéa du I)) que la convention constitutive d’un GCS doit être signée par l’ensemble de ses membres, « au nombre desquels peut figurer un des organismes mentionnés au I de l’article L. 6133-2 [alinéa 2] et susceptible de concourir à l’activité du groupement ». Elle en conclut qu’un « tel groupement peut être constitué entre un établissement public de santé et un organisme pouvant concourir à l’activité du groupement et ayant reçu, comme en l’espèce, l’autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé d’en être membre. »

 

Ainsi une association Loi 1901 regroupant des médecins libéraux et un établissement public peuvent créer ensemble un GCS dès lors que l’Association participe à la réalisation des missions du groupement.

 

 

La nature privée d’un GCS composé d’un établissement public de santé et d’une association de médecins libéraux

 

La nature juridique du GCS est prévue par l’article L. 6133-3 du code de la santé publique.

 

Le GCS est de droit public « lorsqu’il est constitué exclusivement par des personnes de droit public, ou par des personnes de droit public et des personnes physiques ou morales exerçant une profession de santé à titre libéral. » Il est de droit privé lorsqu’il est constitué exclusivement par des personnes de droit privé. Dans les autres cas, sa nature juridique est fixée par les membres dans la convention constitutive.

 

Une question récurrente est de savoir ce que recouvre « personnes physiques ou morales exerçant une profession de santé à titre libéral ». Ces dispositions renvoient-elles aux praticiens à titre individuel et leur société d’exercice ? aux structures de moyens ? Ou à tout autre forme juridique dotée de la personnalité morale comme les associations dite « loi 1901 » qui regrouperaient des professionnels de santé libéraux comme au cas d’espèce ?

 

En l’espèce, la société Médipôle de Savoie faisait valoir que les deux arrêtés en litige étaient entachés de détournement de pouvoir « en ce qu’ils permettent à une association composée de personnes physiques exerçant une profession de santé à titre libéral d’être membre d’un groupement de coopération sanitaire pour faire échapper ce dernier à la qualification de personne morale de droit public ».

 

La Cour ne suit pas cette analyse.

 

Ainsi, elle rappelle que le GCS se compose d’une personne publique et d’une association,  personne morale de droit privé relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. En application des dispositions de l’article L. 6133-3 du code de la santé publique précité, la composition « mixte » du GCS autorise les membres à fixer la nature juridique du Groupement.

 

La Cour considère ainsi que l’Association même si elle est composée exclusivement de praticiens exerçant à titre libéral n’est pas par elle-même « une personne morale exerçant une profession de santé à titre libéral » ; ce qui aurait contraint les membres à constituer un GCS de droit public.

 

Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision qui confirme ce que nous défendons depuis longtemps au sein du Cabinet Houdart et Associés.

 

La nature privée d’un GCS est souvent privilégiée car elle est de nature à rassurer les praticiens libéraux, à offrir davantage de souplesse sur le plan comptable et permet de répartir les résultats. Surtout, lorsque le GCS est érigé en établissement de santé, la nature privée permet de préserver le fonctionnement du GCS (gouvernance, mise à disposition de personnels…etc.) contrairement à la nature publique qui conduit à créer un nouvel établissement public de santé.

 

Mais, au-delà de ces considérations, le recours à une association apporte de la stabilité dans la mesure où d’autres praticiens libéraux peuvent participer à la coopération.  Dans le cadre d’une association, il n’est pas nécessaire de modifier la convention constitutive du GCS à chaque nouvelle admission de praticien libéral. Tout praticien libéral devra alors intégrer l’Association.

 

Les dispositions de l’article L. 6133-3 du code de la santé publique précitées visent donc exclusivement les professionnels médicaux libéraux exerçant à titre individuel et les sociétés d’exercice de professionnels médicaux (les sociétés civiles professionnelles (SCP) et les sociétés d’exercice libéral (SEL)).

 

Conformément à l’adage « ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus », il n’est pas possible de distinguer là où la loi ne distingue pas. La notion de « professionnels médicaux libéraux » doit donc être interprétée strictement.

 

L’application de l’échelle tarifaire privée

 

L’article L. 6133-8 du code de la santé publique prévoit en son premier alinéa qu’un GCS érigé en établissement de santé est financé sur le fondement des règles applicables aux établissements de santé.

 

Ce même article organise à son troisième alinéa un droit d’option entre les tarifs publics et les tarifs privés lorsque le GCS est composé d’établissements de santé bénéficiant de l’échelle tarifaire publique et d’établissements de santé appliquant les tarifs privés. Il appartient alors au Directeur Général de l’ARS d’apprécier l’option souhaitée par les membres du groupement au regard de critères définis réglementairement.

 

La société Médipôle de Savoie faisait valoir que l’échelle tarifaire privée n’était pas applicable au GCS Clinique Herbert au motif que le Centre Hospitalier dispose majoritairement des parts sociales et participe à hauteur de 99 % aux charges. De fait, deux des critères retenus par l’article R. 6133-21 du code de la santé publique sur lesquels le Directeur Général de l’ARS se fonde pour autoriser l’octroi d’une échelle tarifaire (à savoir le critère 3° l’échelle tarifaire applicable aux membres majoritaires au capital et 4° l’échelle tarifaire applicable aux membres participant majoritairement aux charges de fonctionnement du groupement)  engageaient à privilégier une échelle tarifaire publique.

 

Le juge d’appel rejette l’argumentaire considérant que la situation du GCS Clinique Herbert relève du premier alinéa de l’article L. 6133-8 du code de la santé publique et non du troisième alinéa. Autrement formulé, ce GCS ne correspond pas selon la juridiction à la situation autorisant le choix entre les tarifs publics ou privés. Pour la Cour, le GCS, de nature privée, applique obligatoirement les tarifs privés.

 

« Dès lors et en application des dispositions précitées du premier alinéa de l’article L. 6133-8 du code de la santé publique, ce groupement de coopération sanitaire est financé sur le fondement des règles applicables aux établissements de santé privés. Par suite, la société Médipôle de Savoie, qui ne saurait utilement invoquer les dispositions précitées du troisième alinéa de l’article L. 6133-8 du code de la santé publique et du I de l’article R. 6133-21 du même code, la situation du groupement de coopération sanitaire Clinique Herbert relevant du premier et non du troisième alinéa de l’article L. 6133-8 du code de la santé publique, n’est pas fondée à soutenir que serait entachée d’illégalité l’article 10 de l’arrêté n° 2017-1919 du 27 juin 2017 déclarant l’échelle tarifaire privée applicable à ce groupement. »

 

Si cette analyse répond aux attentes du GCS en l’espèce, elle interroge dans son raisonnement et sa portée.

 

Elle se fonderait sur le fait que l’Association pour la commission médicale d’établissement de la Clinique Herbert n’est pas considérée comme un établissement de santé privé appliquant les tarifs privés. Rappelons en effet que l’option entre les tarifs est ouverte aux GCS composés d’une part d’établissements de santé appliquant les tarifs publics et d’autre part d’établissements de santé privés appliquant l’échelle tarifaire privée. S’il ne fait aucun doute que le CHMS relève de la première catégorie d’établissement, ce serait donc l’absence d’établissements de santé privés bénéficiant des tarifs privés qui justifierait l’analyse en l’espèce.

 

Faut-il pour autant admettre qu’un GCS érigé en établissement de santé privé, composé d’un établissement public et d’une association de libéraux devrait se voir appliquer systématiquement l’échelle tarifaire publique réservé au privé lucratif alors même que le GCS est un organisme à but non lucratif ?

 

Les établissements de santé privés à but non lucratif admis à participer à l’exécution du service public hospitalier (ex PSPH ou actuels ESPIC), les établissements de santé privés à but non lucratif ayant opté pour la dotation globale de financement appliquent une échelle tarifaire dite publique.

En outre et surtout au cas d’espèce, la présence du CHSM, établissement public de santé, qui contribue qui plus est largement aux charges et au capital, ne devrait-elle pas conduire à retenir l’échelle tarifaire applicable au seul membre établissement de santé, échelle tarifaire publique applicable ?

Sur ce point la Cour d’appel plonge dans la perplexité…

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.