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Veille juridique
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Prescription de l’action du salarié

 

Article rédigé le 25 juillet 2021 par Me Guillaume Champenois

La maitrise des délais de prescription est essentielle pour le salarié s’il veut pouvoir exercer son action devant le juge. C’est également un sujet devant être maitrisé par l’employeur. Ainsi, il n’y a pas lieu de transiger sur une réclamation d’un salarié qui serait confronté à une forclusion de son action. C’est tout autant un sujet central pour le conseil juridique qui peut ici engager sa responsabilité s’il tarde à mettre en œuvre le mandat que lui a confié le salarié au point de se retrouver confronté à une forclusion ou fin de non-recevoir. Il n’est donc pas inutile de faire un point synthétique sur ce sujet.

 

 

 

La prescription est l’écoulement d’un délai à l’expiration duquel une action judiciaire ne peut plus être exercée, ou bien une situation de droit ou de fait est acquise. On parle de prescription extinctive ou acquisitive. Le code du travail fixe une limite temporelle au-delà de laquelle le salarié ne peut plus saisir le juge pour faire valoir ses droits. Passé ce délai, le salarié est forclos et l’employeur peut soulever une fin de non-recevoir devant le juge, c’est-à-dire soutenir que le salarié a agi trop tardivement et qu’il n’est désormais plus autorisé par la Loi à agir en justice. La détermination de la prescription est donc essentielle tant pour le salarié que pour l’employeur.

 

La prescription de l’action du salarié dépend de la nature de la créance

 

L’article L. 1471-1 du Code du travail issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail dispose :

« Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5. »

L’article L. 3245-1 du Code du travail dispose :

« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »

L’article 2224 du Code civil dispose « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. » Au visa de cet article, la Cour de cassation a jugé le 3 avril 2019 que « Le délai de prescription de l’action fondée sur l’obligation pour l’employeur d’affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent ne court qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l’article 2232 du code civil  » (Cassation sociale 3 avril 2019 n° 17-15.568).

 

Quelques précisions utiles fournies par la Cour de cassation le 30 juin 2021

 

Les décisions de la Cour de cassation en matière de prescription de l’action du salarié sont nombreuses et la jurisprudence est assez bien établie. Ce faisant, les arrêts du 30 juin 2021 apportent quelques précisions utiles.

Par 5 arrêts en date du 30 juin 2021, la Cour de cassation rappelle que la prescription de l’action du salarié est, au regard des textes applicables, nécessairement déterminée par la nature de la créance invoquée par le salarié. Précisons que dans ces 5 affaires, elle a fait application des dispositions du Code du travail dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précitée.

Elle a ainsi jugé que :

« L’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail » (Cassation sociale 30 juin 2021 n°18-23.932).

« La demande de rappel de salaire fondée sur une contestation de la classification professionnelle est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code du travail» (Cassation sociale 30 juin 2021 n°19-10.161)

« L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Les dommages-intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée» et « l’action relative à l’utilisation des droits affectés sur un compte épargne-temps, acquis en contrepartie du travail, a une nature salariale » de sorte qu’elle se prescrit par trois ans (Cassation sociale 30 juin 2021 n°16-14.543)

« Le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de mission à l’égard de l’entreprise utilisatrice en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat de mission énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats de mission, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de faire valoir auprès de l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission» et se prescrit par deux ans (Cassation sociale 30 juin 2021 n°19-16.655).

« Lorsque le salarié invoque une atteinte au principe d’égalité de traitement, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance objet de sa demande» et si la demande du salarié est « fondée sur une atteinte au principe d’égalité de traitement », cette demande relève de la prescription triennale (Cour de cassation sociale 30 juin 2021, 20-12.960).

 

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).