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Gestion de l’inaptitude de l’agent sanctionné disciplinairement
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GESTION DE L’INAPTITUDE DE L’AGENT SANCTIONNÉ DISCIPLINAIREMENT

Article rédigé le 25 octobre 2019 par Me Caroline Dufourt

Une sanction peut-elle être prise à l’encontre d’un agent en arrêt ? Les effets d’une sanction d’exclusion temporaire ou de révocation doivent-ils être suspendus dans l’attente de la fin de l’arrêt de l’agent ? Selon quels critères reconnaît-on l’imputabilité au service d’une pathologie ou d’un accident apparus à la suite de l’engagement d’une procédure disciplinaire ou à la suite du prononcé d’une sanction ?

 

Telles sont les questions auxquelles les directeurs des établissements de santé sont confrontés et auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments de réponses.

 

L’exécution d’une sanction d’exclusion temporaire ou de révocation n’a pas à être reportée dans l’attente de la fin de l’arrêt de l’agent

 

Le juge administratif a longtemps considéré que le fait pour un agent d’être placé en arrêt de travail empêchait que la sanction disciplinaire prononcée à son encontre puisse produire ses effets.

 

Ainsi, la sanction d’exclusion temporaire des fonctions ou la révocation devait être reportée dans l’attente du retour de congé maladie de l’agent.

 

Dans une décision du 6 juillet 2016, le Conseil d’Etat est venu mettre un terme à cette jurisprudence en considérant désormais que : « la circonstance qu’un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision de révocation ».

Ainsi, depuis cet arrêt, l’autorité disciplinaire a la possibilité d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre d’un agent en arrêt maladie.

Elle peut également décider :

  • soit d’exécuter la sanction disciplinaire alors même que l’agent est placé en congé de maladie ;
  • soit de reporter l’entrée en vigueur de la sanction à l’expiration du congé de maladie.

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Cette jurisprudence du Conseil d’État est désormais largement reprise par les Tribunaux et Cours administratives d’appel comme l’illustre un récent arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 12 juillet 2019 :

 

Rappel du principe énoncé par le Conseil d’Etat :

« La circonstance qu’un agent soit placé en congé pour maladie ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire à son égard ni, le cas échéant, à l’entrée en vigueur d’une décision de révocation. »

Application du principe au cas d’espèce :

« Par suite, la société La Poste est fondée à soutenir que c’est à tort que par l’article 1er du jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que l’article 2 de la décision contestée qui prévoyait que l’exclusion temporaire de fonction débutera le 29 septembre 2015, à l’issue de l’arrêt de travail qui se termine le 28 septembre 2015 était entaché d’illégalité au motif qu’il fixait la date de prise d’effet de la sanction avant la fin du congé de maladie de M.D…. ».

Finalement, il résulte de ces nouvelles jurisprudences qu’une procédure disciplinaire peut être engagée, et une sanction prononcée, à l’encontre d’un agent placé en congé de maladie.

Les nouveaux critères jurisprudentiels de reconnaissance de l’imputabilité au service du syndrome dépressif d’un agent sanctionné

 

  • Rappel des critères législatifs de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie : article 21 bis de la loi 83-634 du 13 juillet 1983

 

En matière de maladie, il existe une présomption d’imputabilité pour les pathologies contractées ou aggravées en service remplissant les conditions du tableau des maladies professionnelles de la sécurité sociale.

 

Si une ou plusieurs conditions du tableau de la sécurité sociale ne sont pas remplies, le fonctionnaire ou ses ayants-droit doivent établir que la pathologie est directement causée par l’exercice des fonctions.

 

S’agissant ensuite des pathologies hors tableaux du code de la sécurité sociale, l’article 21 bis du statut général prévoit que le fonctionnaire ou ses ayants-droit doivent établir que la pathologie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions et qu’elle entraîne une incapacité permanente d’au moins 10%.

 

  • Critères jurisprudentiels de reconnaissance de l’imputabilité

 

A l’occasion d’une affaire concernant une demande de reconnaissance d’imputabilité au service d’un syndrome dépressif sévère consécutif au prononcé de plusieurs sanctions disciplinaires, le Conseil d’État est venu préciser les critères d’appréciation de l’imputabilité au service d’une maladie.

 

La Haute juridiction a censuré l’analyse de la Cour administrative d’appel de Nantes qui avait jugé que :

 

« en s’engageant de longue date dans un processus d’opposition systématique à son employeur et en s’opposant à toute évolution du service, et en amplifiant cette attitude après la sanction du 3 juin 2013 au point de rendre impossible les relations de travail avec son employeur, Mme A…était à l’origine de l’épuisement professionnel et des conditions de travail dégradées dont elle se plaignait, et que si l’anxiété provoquée par les procédures disciplinaires dont elle avait fait l’objet avait un lien direct avec son activité professionnelle, elle ne pouvait être regardée comme une maladie professionnelle dès lors notamment que ces procédures ne révélaient pas de volonté délibérée de son employeur de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d’altérer sa santé. ».

 

Pour exclure l’imputabilité au service du syndrome dépressif de l’agent, la Cour avait considéré que même s’il existait un lien direct entre l’état dépressif de l’agent et ses conditions de travail, d’une part le comportement de l’agent était de nature à détacher du service la survenance de la maladie, et d’autre part, les procédures disciplinaires engagées contre l’agent ne caractérisaient pas une volonté délibérée de son employeur de porter atteinte à l’agent.

 

L’analyse de la CAA de Nantes était celle classiquement retenue par la juridiction administrative.

 

Dans son arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat a donné une nouvelle définition de la maladie professionnelle :

 

« Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service. »

 

Le Conseil d’État a ici choisi de rapprocher la définition de la maladie professionnelle de celle de l’accident professionnel. En effet, pour rappel, l’article 21 bis de la loi 83-634 prévoit déjà l’exclusion de la reconnaissance de l’imputabilité d’un accident en cas « de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l’accident du service ».

 

Le second apport de cet arrêt du Conseil d’Etat est d’exclure désormais la recherche de l’intention de l’Administration de nuire à l’agent dans l’appréciation du caractère imputable d’une pathologie :

 

« C’est sans erreur de droit que la cour s’est attachée à vérifier l’existence d’un lien direct de la maladie de Mme A…avec l’exercice de ses fonctions et qu’elle a recherché ensuite si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service. En revancheen jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A… interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée ».

Désormais, le Conseil d’Etat propose la grille suivante d’analyse de l’imputabilité au service d’une pathologie :

  • Au regard des conditions de travail de l’agent, la pathologie est-elle en lien direct avec le service ?
  • Le comportement de l’agent ou d’autres circonstances particulières permettent-ils de détacher la maladie du service ?

Cette nouvelle analyse du Conseil d’État est bien heureuse pour les Administrations qui n’ont pas à devoir apporter une preuve négative consistant à démontrer leur absence d’intention de nuire.

 

L’arrêt du Conseil d’État semble avoir été suivi par les Juridictions.

 

En effet, comme nous avons pu le constater dans un affaire gérée par le Cabinet Houdart et Associé, le Rapporteur public du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sans examiner l’intention ou non de nuire de l’Administration, proposé au Tribunal de rejeter la demande d’annulation d’une décision portant refus d’imputabilité au service du syndrome anxiodépressif dans la mesure où les fautes commises par l’agent, et qui avaient entraîné le prononcé d’un blâme, avaient « conduit à une rupture entre le syndrome anxio-dépressif de l’agent et le service ».

 

 

Pour conclure, les situations où l’action disciplinaire se mêle à la gestion de l’inaptitude d’un agent sont nombreuses. Elles supposent toujours une analyse au cas par cas afin d’éluder, ou à tout le moins limiter, le risque contentieux et financier pour l’établissement.

 

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).