LA LETTRE DE L’EXERCICE LIBÉRAL #4
JUIN 2023
Me Stéphanie Barré-Houdart , Me Lorène Gangloff, associées, et Me Charlotte Crépelle, collaboratrice du cabinet, ont participé à la rédaction de cette lettre.
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LE FOCUS DU MOIS
Article rédigé par Me Lorène Gangloff
Approbation du règlement arbitral : un véritable compromis ?
Par un arrêté du 28 avril 2023, le Ministre de la Santé et de la prévention, Monsieur François Braun, a approuvé le règlement arbitral organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie.
Ce règlement, conséquence directe de l’échec des négociations entamées avec les médecins, permettra-t-il d’apaiser les tensions dans l’attente de la signature d’une nouvelle convention ?
Nous en doutons ! A titre, d’exemple, alors que les professionnels réclamaient une revalorisation du tarif de la consultation médecin généraliste à 50 euros, c’est finalement le montant de 26, 50 euros qui a été retenu …
Au vu de ce constat, il est plus qu’urgent que les partenaires conventionnels se remettent à la table des négociations, afin de trouver un véritable compromis.
La voie du compromis est en effet la seule qui permettra de tourner la page de la convention nationale signée le 25 août 2016 et modifiée à neuf reprises par voie d’avenants qui, sous réserve des modifications introduites par le règlement arbitral, continue à s’appliquer.
Dans cette attente, il nous faut revenir quelques instants sur le règlement qui, en l’absence de consensus entre les médecins libéraux et l’assurance maladie, avait vocation à permettre de trouver une rédaction acceptable par les deux partenaires, grâce à l’intervention d’un arbitre.
Ce règlement, qui ne répond pas pleinement aux attentes, ouvre la porte à des revalorisations tarifaires (I) et assouplit le dispositif en place d’aide à l’emploi d’assistants médicaux (II).
De timides revalorisations tarifaires
Si le règlement arbitral est loin de répondre aux vœux des professionnels, il ouvre progressivement la porte à des revalorisations tarifaires.
Ainsi et à titre non exhaustif, le règlement introduit les revalorisations suivantes :
- Revalorisation du forfait médecin traitant
Le forfait médecin traitant patients âgés de 80 ans et plus, comme le forfait médecin traitant patient âgé de moins de 80 ans atteints d’une ou plusieurs affections longue durée, passent ainsi de 42 à 46 euros.
- Revalorisation de la participation des médecins à la régulation libérale
La valorisation de la participation des médecins à la régulation libérale augmente, à la marge, de 90 à 100 euros et à 120 € dans les DROM.
- Création de la consultation initiale d’inscription d’un médecin en tant que médecin traitant pour un patient relevant d’une affection longue durée exonérante
Une nouvelle consultation dénommée « IMT » est créée pour valoriser la consultation initiale d’inscription d’un médecin en qualité de médecin traitant d’un patient atteint d’une affection longue durée (ALD) exonérante.
Le tarif de cette consultation est fixé à 60 euros et à 72 euros dans les DROM.
- Revalorisation du tarif de certains actes fixés par la convention à hauteur de 1, 5 euros (1,8 dans les DROM) :
- la consultation/visite de référence des médecins généralistes (G, GS, VG, VGS) via la revalorisation de la MMG,
- l’avis ponctuel de consultant, facturé APC (ou APV), APY (ou AVY) dans les conditions définies à l’article 18 des dispositions générales de la NGAP,
- les consultations complexes ou spécifiques suivantes : CCX, CDE, CCP, COE dans les conditions définies en NGAP,
- la majoration (MPC) de la CS et la majoration (MPC) de la CNPSY pour les neurologues, neuropsychiatres et psychiatres dans les conditions fixées par l’article 2 bis des dispositions générales de la NGAP ;
- la majoration de coordination cardiologues MCC ;
- la majoration spécifique NFP des pédiatres pour la prise en charge des enfants de 0 à 2 ans ;
- la majoration spécifique NFE des pédiatres, dans les conditions prévues par la NGAP.
Outre ces revalorisations, il est procédé à la modification de la valorisation appliquée à « la consultation réalisée par un médecin correspondant dans les 48 heures suivant l’adressage par le médecin traitant ou le médecin régulateur du service d’accès aux soins ».
La référence au médecin régulateur du service d’accès aux soins est supprimée de l’ensemble des dispositions de l’article 28.2.4 qui concerne la réalisation d’une consultation dans les 48 heures par un médecin correspondant, à la demande d’un autre praticien.
En revanche, un article 28.2.6 est inséré concernant les consultations réalisées par un médecin correspondant non médecin traitant pour un patient adressé par le médecin régulateur du Service d’accès aux soins pour une prise en charge dans les 48 heures et crée une majoration spécifique dénommée SNP d’un montant de 15 euros, qui ne peut être cotée plus de vingt fois par semaine.
Il est également procédé à une modification des conditions de facturation de plusieurs consultations et actes, notamment :
- Certaines « consultations très complexes » correspondant aux visites réalisées au domicile des patients en soins palliatifs, avec une suppression de la limite de facturation annuelle par patient ;
- actes de téléconsultation qui peuvent se substituer à certaines consultations dites « en présentiel ».
Si un certain nombre de mesures de revalorisation sont prévues par le règlement, on peut, toutefois, relever l’abandon, à ce jour, de celles qui avaient été envisagées en contrepartie de la signature d’un contrat d’engagement territorial des praticiens dont la mise en place aurait certainement donné lieu à une levée de boucliers.
Un accompagnement renforcé dans le recours aux assistants médicaux
En dehors de certaines revalorisations, le règlement arbitral vient assouplir le dispositif mis en place pour inciter les médecins à recourir à l’emploi d’assistants médicaux.
L’objectif pôné par les défenseurs de ce dispositif est de permettre aux médecins libéraux de gagner du temps, donc de prendre en charge un plus grand nombre de patients. Il permettrait ainsi, selon eux, d’améliorer la réponse au besoin de soins de la population.
L’accompagnement au déploiement d’assistants médicaux dans les cabinets libéraux peut être présenté comme suit :
- Versement d’une aide financière aux médecins pour l’emploi d’un assistant médical formé en contrepartie d’un engagement d’augmentation de la patientèle organisé par la signature d’un contrat avec l’assurance maladie.
- Recrutement qui peut se faire directement par le médecin ou par un groupe de médecins libéraux ou une structure organisée en groupement d’employeurs ;
Certaines spécialités sont toutefois exclues de ce dispositif réservé aux médecins exerçant en secteur 1 ou secteur 2 ayant souscrit à l’OPTAM ou l’OPTAM CO, à savoir : les radiologues, radiothérapeutes, stomatologues, anesthésistes, anatomo-cytopathologistes
Les chirurgiens sont, pour leur part, susceptibles de bénéficier de l’aide si leurs honoraires issus d’actes de la classification commune des actes médicaux (CCAM) représentent moins de 20 % du montant total de leurs honoraires.
Si certaines spécialités sont exclues d’office du dispositif, en revanche, les critères d’éligibilité liés à l’exercice groupé et l’exercice coordonnés disparaissent.
Le bénéficie de l’aide conventionnelle suppose, sous réserve de certaines dérogations prévues par le règlement, de répondre à un seuil minimal de patientèle « médecin traitant » (nombre de patients ayant choisi le praticien comme médecin traitant), pour les médecins généralistes et de patientèle « file active » (nombre de patients ayant consulté au moins une fois le médecin au cours des douze derniers mois), pour les médecins spécialistes.
L’aide est versée en fonction de l’atteinte de l’objectif (dépendant de la patientèle initiale) en termes de patientèle et son montant varie en fonction du temps de travail de l’assistant médical.
A la lecture des dispositions de l’article 6 du règlement arbitral, les contrats d’aide à l’emploi d’un assistant médical signés lors de la précédente convention médicale en cours à la date d’entrée en vigueur du présent règlement, soit le 1er mai 2023, continuent à s’appliquer jusqu’à leur terme mais ne peuvent pas être renouvelés après leur échéance. Un nouveau contrat devra ainsi être conclu. La seule exception prévue est celle des contrats qui prévoient le recrutement d’un tiers temps d’assistant médical, dans la mesure où le règlement que les médecins ne pourront bénéficier de l’aide que pour l’emploi d’un assistant à mi-temps ou plein temps.
Le médecin dont le contrat est en cours à la date d’entrée en vigueur du présent règlement pourra toutefois solliciter la rupture de son contrat par anticipation à une date anniversaire, sous réserve d’une information préalable de la caisse d’assurance maladie, en vue de bénéficier du nouveau dispositif prévu à la présente convention.
Il convient, par ailleurs, d’avoir à l’esprit, comme cela est rappelé à l’article 8 du règlement arbitral, que la mise en œuvre des mesures qui modifient la nomenclature des actes professionnels ne pourra intervenir qu’après la publication la liste modifiée des actes et prestations.
Les revalorisations entreront en vigueur au plus tôt à l’expiration d’un délai de six mois suivant l’approbation du règlement arbitral, à l’exception des mesures relatives aux soins non programmés, de celles relatives aux assistants médicaux et de celle relative à la consultation initiale d’inscription d’un médecin en tant que médecin traitant pour un patient relevant d’une ALD (exonérante, qui s’appliquent à compter du 1er mai 2023.
Enfin, les mesures relatives au forfait patientèle médecin-traitant et à la majoration pour le suivi des personnes âgées entrent en vigueur au 1er janvier 2024.
La chronologie d’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions pourra toutefois être modifiée en cas de signature d’une nouvelle convention.
Les médecins libéraux devront donc faire preuve de vigilance non seulement dans le cadre des négociations qui vont s’ouvrir avec l’assurance maladie, mais également dans l’application de ces nouvelles mesures tarifaires s’ils ne veulent pas se prendre les pieds dans le tapis.
L’ACTU BRÛLANTE
Article rédigé par Me Charlotte Crépelle
Loi RIST : un accès direct adopté mais limité
Malgré les vives critiques formulées par les médecins (voir notre article sur le sujet ici) et après huit mois de discussion, la loi RIST portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, a finalement été promulguée le 19 mai 2023 et publiée au Journal Officiel dès le lendemain.
Pour rappel, dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi déposée le 18 octobre 2022, la députée Stéphanie Rist expliquait :
« L’offre de soins médicaux étant insuffisante par rapport aux besoins de la population (…) Les protocoles de coopération et de développement de la pratique avancée semblent être les réponses les plus appropriées (…) L’objet de cette proposition de loi, dans la suite de la loi n° 2021‑502 du 26 avril 2021, est donc d’accélérer le décloisonnement de notre système de santé en faisant confiance aux professionnels et en leur offrant de nouvelles possibilités »
Si le principe de l’accès direct à certains professionnels de santé est adopté, ce dernier reste aujourd’hui subordonné à certains modes d’exercice, contrairement à ce qui avait été envisagé dans le cadre des débats parlementaires.
En effet, la loi RIST ouvre la voie de l’accès direct aux IPA et masseurs-kinésithérapeutes (dans la limite de huit séances) exerçant au sein d’un établissement de santé public ou privé, d’un établissement social ou médico-social ou, en ville, dans une maison de santé pluridisciplinaire, un centre de santé ou une équipe de soins primaires et spécialisés.
Quid des IPA et masseur-kinésithérapeutes ayant adhéré à une Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) ? Ils ne sont pas concernés. Ce qui signifie qu’un infirmier IPA ou masseur-kinésithérapeute adhérent d’une CPTS ne pourra se prévaloir de cet accès direct.
Cette exclusion étonne d’autant plus que la loi ouvre, en revanche, l’accès direct aux orthophonistes membres d’une CPTS.
Si l’extension du dispositif aux IPA et masseurs-kinésithérapeutes adhérents d’une CPTS est prévue à titre expérimental, durant cinq ans dans six départements dont deux d’Outre-mer, les représentants des professionnels paramédicaux considèrent qu’il s’agit d’une avancée insuffisante.
Dans un communiqué du 6 avril 2023, le conseil de l’ordre national des infirmiers dénonce son incompréhension :
« (…) L’expérimentation extrêmement limitée retenue dans la loi témoigne aussi d’un manque de considérations envers les expériences menées par les professionnels de terrain qui, au quotidien, collaborent avec efficacité dans les CPTS au service des patients, et qui espéraient pouvoir franchir un nouveau cap avec cette loi.
Cela crée de facto une France à 2 vitesses pour l’accès aux soins entre les zones où les expérimentations se déroulent et celles qui sont maintenues dans le statu quo.
Enfin, ce choix de la non-réintégration des CPTS témoigne d’un manque de reconnaissance des compétences et de l’engagement des infirmiers à qui on demande toujours plus – en termes d’horaires, d’implication personnelle, d’acceptation de la pénibilité de leur métier – sans leur donner les éléments de considération auxquels ils ont droit. »
Même sentiment pour le président de la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR), Sébastien Guérard qui estime que seulement 3 % des kinés exercent en maison de santé. Selon lui ce texte n’aura donc qu’un « effet cosmétique ».
Les résultats des expérimentations seront donc décisifs dans la décision d’élargir ou non le dispositif d’accès direct mis en place.
QUOI DE NEUF DEVANT LES JURIDICTIONS ?
Article rédigé par Me Charlotte Crépelle
Pas de suspension de l’instruction ministérielle du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d’intérim médical dans les établissements de santé
Le 11 mai dernier, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu sa décision sur la demande de suspension par le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux (SNMRH) de l’instruction ministérielle du 17 mars 2023 relative au contrôle des dépenses d’intérim médical dans les établissements publics de santé.
Avant de revenir sur cette décision, essayons d’en comprendre le contexte.
Introduit pour la toute première fois en 2016 par loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, le principe d’un encadrement des tarifs de l’intérim avait vocation à mettre un terme aux abus jusqu’alors constatés en matière de rémunération des médecins intérimaires.
La loi du 26 avril 2021 et son article 33 (dite loi « Rist ») est ensuite venue doter les acteurs des moyens de contrôle dans les hôpitaux publics et instaurer un plafond de 1390 euros brut pour une garde de 24 heures réalisée par un médecin intérimaire à l’hôpital.
C’est dans ce contexte que le ministre de la santé et de la prévention et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a adopté l’instruction du 17 mars 2023.
Applicable depuis le 3 avril 2023, tout comme l’article 33 de la loi Rist (loi qui avait été promulguée mais jusqu’alors non entrée en vigueur), cette instruction vise à rappeler le cadre juridique de l’intérim médical, préciser les contrôles du comptable public qui y sont attachés, ainsi que les modalités d’information du directeur de l’agence régionale de santé (ARS) par le comptable public et de saisine du tribunal administratif par le directeur de l’ARS lorsque les actes conclus ne sont pas conforme à la réglementation.
Aux termes de sa requête, le SNMRH soutenait notamment que l’instruction :
- méconnaîtrait le principe d’égalité des rémunérations entre les différents modes de recrutement contractuel ;
- porterait une atteinte qui n’est pas adaptée, ni nécessaire, ni proportionnée au droit du médecin à sa rémunération, dès lors qu’elle ne tient pas compte des autres coûts facturés par l’entreprise de travail temporaire ;
- méconnaîtrait le principe de respect des contrats en ce qu’elle prévoit l’annulation unilatérale des contrats entre les établissements hospitaliers et les sociétés de travail temporaire comme des contrats de vacation ;
- méconnaîtrait l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration en ce qu’elle prévoit la possibilité d’annuler le contrat d’exercice des médecins remplaçants et l’écrêtement de leur rémunération sans procédure contradictoire préalable ;
- méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d’intelligibilité de la norme dès lors que, d’une part, les dispositions de l’instruction ne sont pas opératoires faute des précisions nécessaires et, d’autre part, les calculs de rémunération pour les contrats de gré à gré ne sont pas expliqués ;
et, que ni le ministre de la santé, ni le ministre de l’économie et des finances n’étaient compétents pour définir de nouvelles règles de procédure administrative contentieuse ;
En application l’article L. 521-1 du code de la justice administrative, le juge des référés peut prononcer la suspension d’une décision administrative faisant l’objet d’une requête en annulation ou en réformation ou de certains de ses effets si l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
En l’espèce, ces deux conditions sont-elles réunies ?
La Haute juridiction répond par la négative considérant :
« Que les rémunérations des médecins, odontologistes et pharmaciens recrutés dans les établissements publics de santé par la voie de l’intérim ou de la vacation ne doivent pas dépasser les plafonds réglementaires » dès lors « aucun des moyens avancés par le Syndicat national des médecins remplaçants dans les hôpitaux n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’instruction ministérielle contestée ».
En l’absence de suspension de l’Instruction, les Agences régionales de santé et les directeurs régionaux et départementaux des finances publiques pourront s’y référer.
QUESTION PRATIQUE
Article rédigé par Me Lorène Gangloff
Médecin libéral en établissement de santé privé : Quelles obligations et quels risques en termes de responsabilité sur les périodes d’astreinte ?
Les médecins exerçant en établissement de santé privé peuvent être amenés à réaliser des gardes et/ou astreintes en vue d’assurer la continuité ou la permanence des soins.
Si, pendant une garde, le médecin est tenu de rester au sein de l’établissement, il n’en est pas de même lorsque le praticien est d’astreinte.
La souplesse qu’offre l’astreinte demeure, toutefois, relative.
Les conditions techniques de fonctionnement des activités de soins autorisées prévoient, dans certains cas, pour assurer la continuité ou la permanence des soins, la nécessité de mettre en place une astreinte opérationnelle sans précision quant aux conditions d’intervention du médecin ou une astreinte opérationnelle assurée par un médecin spécialisé « dont le délai d’arrivée est compatible avec l’impératif de sécurité » ou « pouvant intervenir dans délais compatibles avec la sécurité des soins », selon les activités concernés.
Si le délai d’intervention du médecin doit être compatible avec l’état de santé du patient, les textes ne prévoient aucune précision quant à l’éloignement géographique ou au temps de trajet pour intervenir, s’agissant d’une appréciation au cas par cas.
L’établissement, titulaire de l’autorisation d’activité de soins, est tenu de mettre en place une organisation permettant de répondre aux impératifs réglementaires.
Dans ces conditions, ce dernier peut voir sa responsabilité engagée en cas de défaut mis en évidence dans l’organisation des astreintes (Civ.13 novembre 2008, n°07-15.049, CA de Bourges, Chambre civile, 2 décembre 2021 – n°19/01275). Un établissement est ainsi bien fondé à s’abstenir d’inscrire un médecin qui ne respecterait plus systématiquement le tableau de gardes et astreintes (CA de Paris, Pôle 2, Chambre 2, 31 mai 2013).
Cependant, il ne faut pas oublier que, sur le fondement de l’article L.1142-1 du Code de la santé publique, les médecins intervenant à titre libéral au sein d’un établissement de santé privé, engagent leur responsabilité personnelle en cas de faute ayant des conséquences dommageables pour le patient.
La responsabilité de l’établissement au titre d’un défaut d’organisation du service n’exclut pas nécessairement la responsabilité du médecin en charge d’assurer l’astreinte (Civ.1ère 21 février 2006, n°02-19.297), y compris en matière d’astreinte.
Le code de déontologie médicale dont les dispositions sont aujourd’hui codifiées au sein Code de la santé publique (article R. 4127-78 du Code de la santé publique) prévoit que :
« lorsqu’il [le médecin] participe à un tour de garde ou d’astreinte, le médecin doit prendre toutes ses dispositions pour être joint au plus vite. Il est autorisé, pour faciliter sa mission, à apposer sur son véhicule une plaque amovible portant la mention « médecin urgences, à l’exclusion de toute autre. Il doit la retirer dès que sa participation à l’urgence prend fin. Il doit tenir informé de son intervention le médecin habituel du patient dans les conditions prévues à l’article R. 4127-59.».
Le médecin est ainsi tenu, non seulement d’être joignable dans les meilleurs délais, si ce n’est immédiatement (pour certaines spécialités), mais également de se déplacer chaque fois que l’état de santé du patient le nécessite et ce dans un délai compatible avec la prise en charge du patient.
Vous devez donc systématiquement vous assurer d’être en mesure de répondre à vos appels et d’intervenir dans des délais compatibles avec les éventuelles urgences pouvant se présenter dans votre spécialité.
L’analyse de la jurisprudence, y compris pénale, met en évidence une appréciation in concreto de l’existence ou non d’un manquement de la part du praticien d’astreinte par les juges.
Médecins libéraux, soyez vigilants en période d’astreinte, la liberté qu’elle vous offre en termes d’organisation personnelle peut être trompeuse.
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RESPONSABLES DU PÔLE EXERCICE LIBÉRAL
Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.
Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :
- contrats d’exercice, de recherche,
- tarification à l’activité,
- recouvrement de créances,
- restructuration de la dette, financements désintermédiés,
- emprunts toxiques
Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.
Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).
Avocat au Barreau de Paris depuis janvier 2016, Lorène Gangloff a rejoint le Cabinet Houdart & Associé en janvier 2020 et intervient au sein du pôle Organisation.
Après plusieurs années passées au sein du département santé d’un cabinet de droit des affaires, elle accompagne principalement les professionnels de santé libéraux en conseil (création et fonctionnement de leurs structures d’exercice, opérations de rachat ou fusion de cabinets, relations contractuelles avec les établissements de santé) comme en contentieux (conflits entre associés, ruptures de contrat d’exercice).
Elle assiste également les établissements de santé dans leurs projets de restructuration ou de coopération et les représente dans le cadre d’éventuels contentieux.