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Pharmacie à usage interne et GHT quelle structuration juridique ?
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PUI ET GHT : QUELLE STRUCTURATION JURIDIQUE ?

Article rédigé le 18 octobre 2020 par Me Laurine Jeune

L’organisation en commun des activités d’imagerie, de biologie médicale et de pharmacie s’imposent aux établissements parties à un groupement hospitalier de territoire (GHT). Dès la création des GHT en 2016, l’imagerie et la biologie médicale figuraient au III. de l’article L. 6132-3 du code de la santé publique qui impose cette « organisation en commun » ; la pharmacie a quant à elle été intégrée à cette disposition légale dans un second temps avec l’ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016 relative aux pharmacies à usage intérieur. La tendance de plusieurs établissements publics est aussi à appréhender l’organisation commune de l’activité de pharmacie après celle des activités d’imagerie et de biologie médicale.

Une explication pourrait être trouvée dans le fait que des évolutions textuelles en matière de PUI étaient attendues. L’ordonnance n° 2016-1729 du 15 décembre 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2017 et le décret n° 2019-489 du 21 mai 2019 ont en effet modifié plusieurs dispositions en matière de PUI et ont prévu des dispositions particulières pour les GHT. En outre, les établissements avaient déjà engagé, avant même la création des GHT, des coopérations avec la création de groupements de coopération sanitaire (GCS) gestionnaires de pharmacie à usage intérieur commune (PUI).

Pour autant, le besoin d’organisation des activités pharmaceutiques à une échelle plus large que celle d’un établissement devient de plus en plus prégnant. Confrontés notamment à des difficultés de recrutement, de respect des règles en vigueur en matière de temps de présence des pharmaciens gérants de PUI, les établissements parties à un GHT sont à la recherche du ou des moyens améliorant la réponse aux besoins.

 

Les dispositions propres aux PUI dans les GHT

 

Conformément à l’article L. 5126-2 I. du code de la santé publique, le projet médical partagé d’un GHT comprend un projet de pharmacie qui organise les coopérations relatives aux missions des PUI au sein des établissements parties au groupement.

À ce titre, le projet peut :

«

1° Prévoir des modalités de coopération entre les pharmacies à usage intérieur des établissements parties au groupement et avec celles d’établissements non parties au groupement ;

 

2° Désigner la pharmacie à usage intérieur chargée de répondre aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par les établissements parties au groupement ne disposant pas d’une pharmacie à usage intérieur ;

 

3° Confier au pôle interétablissement prévu au III de l’article L. 6132-3, ou à la pharmacie à usage intérieur d’un établissement partie au groupement, la coordination entre les pharmacies à usage intérieur des établissements parties au groupement.

»

Les dispositions règlementaires précisent par ailleurs que les établissements peuvent notamment constituer un pôle intertéablissement.

Deux remarques doivent être formulées.

Ces dispositions nous amènent à remarquer que :

D’abord, les établissements parties à un GHT sont libres de définir leur organisation commune de l’activité de PUI ; les dispositions de l’article L. 5126-2 I. précité comme les dispositions règlementaires ne sont pas limitatives.

Ensuite, ces dispositions visent des modes d’organisation mais ne précisent pas les outils juridiques permettant de les encadrer. Or, la PUI est encadrée par une armada de textes et la dimension juridique ne doit pas être reléguée au second plan.

 

Un écueil à éviter : confondre mode d’organisation et outil juridique

 

Nous avons souhaité évoquer quelques pistes d’organisations et de structurations juridiques.

Compte-tenu de la pluralité des hypothèses, la coopération « entre les pharmacies à usage intérieur des établissements parties au groupement et avec celles d’établissements non parties au groupement » ne sera pas ici abordée.

 

Le pôle interétablissement 

 

Le pôle interétablissement dont la constitution est proposée par les textes en vigueur en matière de PUI, n’est pas une structure juridique en soi.

Le pôle permet de désigner un chef de pôle qui organise le fonctionnement du pôle et l’affectation des ressources humaines et qui a autorité fonctionnelle sur les équipes, sur la base d’un contrat de pôle.

Les textes ne permettent pas de savoir s’il s’agit de définir des modalités de fonctionnement entre PUI – ce qui suppose que seuls les établissements disposant d’une autorisation de PUI soient concernés – ou bien s’il s’agit de confier la gestion d’une PUI à l’un des établissements parties du GHT.

Les incidences ne sont pourtant pas neutres sur le plan juridique : qui est responsable de la PUI ? les autorisations de PUI doivent-elles être modifiées ? Les flux financiers sont-ils soumis à la TVA ?

Ce sont de exemples d’interrogations qu’un outil juridique adapté pourra trancher.

 

La création d’une PUI de GHT

 

Il est fréquent que les établissements souhaitent organiser l’activité pharmaceutique autour d’une « PUI de GHT ».

Cependant, là encore la structuration juridique peut varier d’un GHT à l’autre.

  • La PUI de l’un des établissements assure l’activité

S’il s’agit de confier à l’un des établissements parties au GHT la réponse aux besoins pharmaceutiques, cet établissement assurera une prestation qui ne peut a priori bénéficier qu’aux établissements parties ne disposant pas (ou plus) d’une PUI comme le prévoient les dispositions de l’article L. 5126-2 I. du code de la santé publique précité.   La prestation repose nécessairement sur une convention voire un groupement de moyens. Cette convention devra préciser les modalités de fonctionnement (PUI multisistes, mises à disposition de personnes, calcul des charges et des clés de répartition, régime fiscal, incidences financières en cas d’arrêt de la collaboration, …etc.) et être appréhendée à la lumière du droit de la commande publique.

  • Le GCS gestionnaire d’une PUI commune

S’il s’agit de confier la gestion d’une PUI de GHT à une structure commune sur laquelle chaque établissement conserve un contrôle, seul le GCS (et le GCSMS pour le médico-social) peut être constitué.

Dans cette hypothèse, les établissements membres n’ont a priori plus de PUI en propre – même s’ils peuvent disposer d’un site – et c’est le GCS qui est titulaire de l’autorisation de PUI. Un seul pharmacien gérant est désigné.

Disposant de la personnalité morale, le GCS achète les dispositifs médicaux et les revend à ses membres. Il se caractérise par un régime fiscal spécifique qui doit être anticipé. En effet, la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux est considérée comme de la fourniture de biens au sens du droit fiscal et impose l’application de la TVA sur les produits pharmaceutiques facturés par le GCS aux membres. Soulignons toutefois que TVA ne rime pas nécessairement avec alourdissement du fonctionnement financier. Bien au contraire, l’assujettissement à la TVA peut être favorable compte-tenu des taux de TVA applicables aux produits relevant du monopole pharmaceutique. Il est d’autant plus favorable lorsque des investissements sont réalisés en raison du différentiel de taux de TVA entre ces investissements et celui des médicaments et produits pharmaceutiques.

 

La mutualisation de moyens entre PUI

 

Outil classique et privilégié de la coopération sanitaire, le GCS peut encadrer la mutualisation de moyens de ses membres afin de faciliter, améliorer et développer leur activité.   Appliqué à la pharmacie, le GCS permettrait à ses établissements membres, disposant une PUI en propre, de mutualiser leurs moyens et en particulier leurs personnels. Les coûts des moyens mutualisés seraient partagés entre les membres à proportion du service rendu.

 

La coopération « pour le compte de » 

 

L’ordonnance du 15 décembre 2016 a créé un dispositif par lequel les missions d’une PUI « peuvent être exercées par la pharmacie à usage intérieur pour son propre compte, et dans le cadre de coopérations, pour le compte d’une ou plusieurs autres pharmacies à usage intérieur » (II de l’article L. 5126-1 code de la santé publique).

Ce dispositif n’est pas propre au GHT mais peut intéresser les établissements parties à un groupement qui disposent d’une PUI.

Dans ce dispositif, chacun des établissements conserve son autorisation de PUI mais celle de l’établissement qui assure les missions doit expressément prévoir  son champ d’intervention  en application des articles R. 5126-27 et R. 5126-28 du code de la santé publique.

Une convention doit régler les modalités et préciser en particulier le régime de responsabilité ; la PUI de l’établissement bénéficiaire n’étant pas déchargée de sa responsabilité.

De création relativement récente, ce dispositif est en pleine émergence. Il reste toutefois à clarifier son régime fiscal qui demeure à ce jour inconnu.

 

En bref, il existe plusieurs « organisation(s) en commun » de l’activité de pharmacie possibles et leur structuration juridique sont elles aussi multiples. Et plusieurs d’entre elles pourraient parfaitement se combiner. Chaque GHT fait apparaitre des besoins singuliers et les établissements parties ne seront que gagnants à lancer leur réflexion sans vouloir reproduire un schéma-type ou dupliquer ce qu’ils ont pu faire en matière de biologie médicale ou d’imagerie.

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.