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LA LETTRE JURIDIQUE DE L’EXERCICE COORDONNÉ DÉCEMBRE 2022

Rédigé par Me Laurent Houdart, Me Marine Jacquet , Me Axel Véran et Me Mathilde Tchernoukha

SOMMAIRE

DÉCRYPTAGE

Qu’en est-il des protocoles de coopération ?

Plus que jamais d’actualité au vu du déclin de la démographie médicale, des derniers mouvements de grève des internes, le sujet est épineux et pose en filigrane celui des délégations de tâches qui ont, de longue date, fait l’objet de débats animés et de crispations.

Récemment, en 2019, l’élaboration d’un Livre Blanc de la profession d’infirmier comprenait 26 propositions dont beaucoup insistaient sur la nécessaire délégation de tâches et pointaient le décalage entre leur quotidien et les textes de loi.

Si, en principe, les compétences des professionnels de santé médicaux et paramédicaux, sont limitées par leur décret de compétence, dont ils ne peuvent sortir, il existe un cas très spécifique, complexe et difficilement intelligible : le protocole de coopération.

Qu’entend-on par coopération ?

Selon les textes, il s’agit d’une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux [les professionnels à l’initiative du protocole] des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leur mode d’intervention auprès du patient. Ces protocoles sont désormais encadrés par les articles L.4011-1 du code de la santé publique.

Toutefois l’acte de soins visé par l’article ne signifie pas acte médical. La différence est fondamentale et l’encadrement des dits protocoles interroge.

Qu’en est-il des responsabilités des professionnels qui participent au protocole et doivent-ils s’assurer en plus pour cette activité, quelle répartition des tâches ?

Vous trouverez une analyse sur ces questions dans notre récent article « Quel cadre juridique pour les protocoles de coopération ? »

POUR ALLER + LOIN

Décision du conseil constitutionnel relative à la publicité des centres de santé

Dans la précédente lettre de l’exercice coordonné nous mentionnions les actions de communication dans lesquelles les Maisons de santé pouvaient s’engager. Qu’en-est-il s’agissant des  centres de santé.

Par une décision r n°2022-998 QPC du 3 juin 2022, le conseil constitutionnel a confirmé la conformité à la constitution de la loi interdisant toute forme de publicité en faveur des centres de santé.

L’interdiction est posée par l’article L. 6326-1-9 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 janvier 2018 (Ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé, ratifiée par l’article 77 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé)  qui dispose que « toute forme de publicité en faveur des centres de santé est interdite ».

L’association pour le développement de l’accès aux soins dentaires, requérante interrogeait le Conseil constitutionnel de la conformité à la Constitution d’interdictions qui, pour elle : « institueraient une différence de traitement injustifiée entre ceux-ci [les centres de santé] et les professionnels de santé ». Pour l’Association, cette interdiction portet atteinte à la liberté d’entreprendre.

Relevons en effet que, sur l’influence de la CJUE, le décret du 22 décembre 2020 (modifiant l’article R. 4127-13 du code de la santé publique) a abrogé l’interdiction générale de publicité des professions médicales et paramédicales au profit d’une nouvelle approche plus souple visant à éviter que le professionnel communiquant ne vise « à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle » pour lui-même, ou pour l’organisme auquel il serait lié.

Néanmoins, le conseil constitutionnel considère que les centres de santé et les professionnels de santé ne sont pas dans la même situation puisque les centres pratiques obligatoirement le mécanisme du tiers payant et ne facture pas de dépassement d’honoraires. Par conséquent :

« En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu éviter que ces centres, qui peuvent être créés et gérés notamment par des organismes à but lucratif, ne mettent en avant ces conditions de prise en charge pour développer une pratique intensive de soins contraire à leur mission et de nature à porter atteinte à la qualité des soins dispensés. Il a ainsi poursuivi un motif d’intérêt général. »

Or, si l’interdiction de publicité faite aux centres de santé tient au fait que ces derniers ne peuvent chercher à réaliser une pratique intensive de soins en ce qu’elle serait contraire à leur mission, à contrario, les autres professionnels de santé le peuvent-ils ?

L’on déduit de la décision du conseil constitutionnel que deux modes d’exercice coexisteraient en ce que l’un des motifs avancés est le respect de la qualité des soins. Pourtant tout professionnel de santé, à fortiori médecin, « s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ».

Le Conseil constitutionnel conclue à la constitutionnalité du texte.

 

Cap des 2000 MSP atteint

La stratégie Ma Santé 2022 fixait pour objectif la création de 2000 Maisons de santé d’ici 2022. C’est désormais chose faite, le seuil a été atteint.

Néanmoins, le développement de l’exercice coordonné, et la multiplication des Maisons de santé pose de nouvelles questions relatives à la gestion de ces structures.

Ainsi que nous l’écrivions récemment ici, , la SISA, véhicule juridique imposé aux professionnels souhaitant contracter l’ACI, demeure une société dont les associés devront assurer le fonctionnement et la gestion courante, au risque de devenir de véritables chefs d’entreprise ! Or, l’objectif premier de la MSP consiste toujours à recentrer le temps des professionnels de santé sur le soin et la prise en charge de leur patientèle..

Le rôle du coordinateur est alors déterminant.  Ce dernier peut jouer un rôle clé et venir en appui des associés sur l’ensemble de la gestion quotidienne de la société. Un tel recrutement représente toutefois un coût souvent important et si des MSP ont pu faire le choix d’un temps partagé de coordinateurs avec d’autres MSP du territoire, force est de constater que pour certaines MSP situées dans des déserts médicaux, les modalités de calcul des dotations ACI, reposant largement sur la file active de patients des médecins, ne leur offre pas l’appui financier suffisant à un tel financement.. Il faut aller plus loin et soutenir les MSP au-delà de leur création, cela pourrait impliquer de,

  • Financer davantage le poste de coordinateur afin qu’il puisse réaliser le « secrétariat juridique » et la gestion administrative (éventuellement avec une formation spécifique !),
  • financer l’adhésion de la MSP aux fédérations des Maisons de santé qui accompagnent et soutiennent le développement de celles-ci (formations, questions de terrain, actualité…).

L’ACUALITÉ BRÛLANTE

Quelle place pour l’exercice coordonné dans le financement de la sécurité sociale pour 2023

Par un rapport rendu public en octobre dernier, la Cour des comptes préconise une refonte des conventions professionnelles passées avec l’assurance maladie en vue de « renforcer la cohérence d’ensemble des conventions ».

En effet, le rapport met en exergue,

  • un « défaut d’articulation et de programmation entre les négociations pluriprofessionnelles (menées par l’UNPS), interprofessionnelles (ACI) et professionnelles (impliquant les organisations syndicales de chaque profession). »
  • la mise en place d’une stratégie pluriannuelle de négociation, notamment en modifiant l’ordre des négociations afin de débuter avec les négociations pluriprofessionnelles. En outre, « il serait complété par des ACI à géométrie variable conclus avec certaines professions, pour clarifier leurs compétences partagées et structurer des prises en charge coordonnées. Les conventions professionnelles traiteraient des seules spécificités de chaque profession ».

Si la coordination des soins et la pluriprofessionnalité ont su se montrer indispensables dans le contexte de crise de l’accès aux soins que nous traversons, une refonte du calendrier et des modalités des négociations interprofessionnelles et pluriprofessionnelles semble être un prérequis obligatoire.

Sur ce dernier point, il faut retenir du projet de loi de finances de la sécurité sociale en cours d’adoption :

  • la modification de l’article L. 162-14-1-2 du code de la sécurité sociale (page 28 du rapport), lequel subordonne la validité des accords interprofessionnels relatifs aux maisons de santé à leur signature « par au moins trois organisations représentatives
    des professions qui exercent dans les maisons de santé, représentant
    ensemble au moins 50 % des effectifs concernés. » , et
    « Lorsqu’un accord porte sur les maisons de santé, les organisations
    représentant ces structures et reconnues représentatives au niveau national
    sont associées en qualité d’observateurs aux négociations conduites en vue
    de conclure, de compléter ou de modifier un accord conventionnel interprofessionnel
    ».

Quel objectif ?

Cette mesure tend notamment à s’assurer que les termes de l’accord satisfont les professionnels et à rassembler les instances représentatives des professionnels, alors que le texte actuel prévoit que l’accord est passé entre l’assurance maladie et « une ou plusieurs organisations représentatives habilitées à participer aux négociations des conventions nationales de ces professions ».

  • Notons également que les infirmiers en pratique avancée voient leurs compétences développées et, à titre expérimental pour une durée de trois ans, l’Etat pourra « autoriser les infirmiers en pratique avancée à prendre en charge directement les patients dans le cadre des structures d’exercice coordonné […].»

CONSEILS ET TUYAUX

Une MSP peut-elle recruter un collaborateur libéral ?

La MSP structurée en société interprofessionnelle de soins ambulatoires a notamment pour objet « L’exercice en commun, par ses associés, d’activités de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération entre les professionnels de santé ».

Ainsi, l’objet de la SISA ne permet l’exercice de la médecine à titre libéral, ni à ses associés, ni à des intervenants extérieurs (comme un remplaçant), en dehors des activités de coordination, d’éducation thérapeutique ou de coopération.

Toutefois, depuis l’ordonnance du 12 mai 2021, la SISA peut également salarier des professionnels de santé ou tout autre professionnel concourant à la mise en œuvre du projet de santé. Le médecin salarié peut exercer la médecine et réaliser des activités de soins dans le cadre d’un contrat de travail passé avec la SISA, laquelle percevra directement les honoraires versés par l’assurance maladie sur son compte.

Dans cette hypothèse, la SISA est inscrite au Tableau de l’ordre du professionnel salarié (médecin dans ce cas de figure), et doit s’assurer pour ces activités médicales (assurance responsabilité civile professionnelle).

Attention, il convient de rappeler que les associés sont tenus indéfiniment (sur leur patrimoine personnel) et conjointement des dettes de la SISA. En cas de salariat, il sera indispensable de redéfinir le modèle économique de la SISA afin d’intégrer cette charge supplémentaire.

  • Un contrat de remplacement salarié seulement peut être passé entre le remplaçant et la SISA.

 

Faut-il préparer un procès-verbal après l’assemblée générale d’une structure d’exercice coordonné (CPTS, MSP) ?

L’Assemblée générale peut prendre diverses formes (ordinaire ou extraordinaire) selon les modalités prévues par les statuts de la structure (association ou SISA).

Quelle que soit la forme de l’Assemblée Générale et les compétences qui lui sont dévolues, cette dernière réunit l’ensemble des associés qui, collectivement, adoptent administrent la société et prennent toutes décisions relatives à son fonctionnement  .

Plus qu’un élément de preuve non négligeable permettant le suivi des décisions qui ont été prises, l’élaboration d’un procès-verbal d’Assemblée Générale est imposée par le décret n°78-704 du 3 juillet 1978 applicable aux sociétés civiles, dont fait partie la SISA.

En effet :

« Toute délibération des associés est constatée par un procès-verbal indiquant les nom et prénoms des associés qui y ont participé, le nombre de parts détenues par chacun d’eux, les documents et rapports soumis aux associés, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes.
S’il s’agit d’une assemblée le procès-verbal indique également la date et le lieu de la réunion, les nom, prénoms et qualité du président et un résumé des débats […] ».

Ainsi, en cas de contestation d’une délibération, ou même de démarches auprès du Greffe du Tribunal de commerce pour déclarer des modifications apportées aux statuts, le procès-verbal sera indispensable !

En ce qui concerne les associations, aucun texte n’impose la rédaction d’un procès-verbal à la suite d’une assemblée générale. Toutefois, à l’instar des SISA, en cas de conflits ce dernier pourrait s’avérer utile à titre de moyen de preuve des décisions qui ont été prises.

ARCHIVES : RETROUVEZ NOS PRÉCÉDENTES LETTRES

26 Fév: Loyers des IDE-ASALEE, à qui la facture ?

La CNAM ne finance plus l’hébergement des infirmières ASALEE. Les collectivités territoriales ne devraient-elles pas mettre la main à la poche ?

22 Fév: La lettre juridique de l’exercice coordonné #8 – Février 2024

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19 Fév: SISA : les apports de la loi Valletoux

La LOI VALLETOUX vient apporter les modifications essentielles attendues des associés d’une SISA tant à l’égard de leurs responsabilités qu’au devenir de leur société.

15 Nov: La lettre juridique de l’exercice coordonné #7 – Novembre 2023

Lettre juridique de l’exercice coordonné de novembre 2023

Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.

Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …). 

Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).

Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.

Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.

Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.

Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.

Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans  les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels,  leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.

Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.

Avocate au Barreau de Paris depuis novembre 2020, Mathilde Tchernoukha a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en août 2021 en tant que collaboratrice au sein du Pôle Organisation.

Après plusieurs expériences au sein de cabinets d’avocats spécialisés en droit des assurances et en droit du dommage corporel, elle apporte désormais son expertise juridique et technique au service des professionnels de santé libéraux dans la création de projets innovants; dans la constitution de structures d’exercice et dans la définition de coopérations territoriales.

Elle est également chargée d’enseignements à la l’université Paris I Panthéon Sorbonne en droit des sûretés, droit des sociétés, et en Tort Law.