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Création de 2000 maisons de santé en 2022 , quelle est la suite ?
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Création de 2000 Maisons de santé d’ici 2022 : Et après ?

 

Article rédigé le 20 septembre 2022 par Me Mathilde Tchernoukha et Me Axel Véran

Les maisons de santé pluriprofessionnelles constituent la clé de voute du développement de l’exercice coordonné, mais pour atteindre leurs objectifs et consolider leur présence sur les territoires leur accompagnement ne doit pas s’essouffler.
Risques financiers et juridiques, gestion chronophage, recrutement insuffisant…Il est indispensable de s’attarder sur les problématiques déjà soulevées par les professionnels de santé.

 

 

La méthodologie nationale de 2017 actualisée par arrêté ministériel en octobre 2021, applicable au zonage médical identifie les zones sous-denses et les classe en deux catégories : les ZIP (zones d’intervention prioritaire), les plus fragiles, les ZAC (zones d’action complémentaire), fragiles mais à un niveau moindre que les ZIP.
Adoptée aux fins de cibler les aides susceptibles de conforter des projets d’installation ; de renforcer l’attractivité des territoires fragiles et de favoriser la mise en place d’actions issues du plan d’accès territorial aux soins, la dynamique insufflée par cette classification a été poursuivie par la stratégie Ma Santé 2022, laquelle affiche, à raison, la libération des temps médical, le développement de l’exercice pluriprofessionnel et le déploiement des CPTS comme une des solutions permettant de redynamiser ces territoires et renforcer l’accès aux soins.
Autant de sujets sur lesquels le HCAAM rappelle « l’urgence à agir » dans son dernier rapport.

 

Etat des lieux et perspectives

 

Très attendues, les discussions relatives à la nouvelle convention médicale devront apporter des réponses, mais surtout, de la méthode sur les moyens mis en œuvre afin de redonner du temps médical aux médecins.

A cet égard, Thomas FATÔME, DG de la CNAM a multiplié ses interventions et a eu l’occasion de rappeler l’importance du travail en équipe et de l’exercice coordonné.

L’exercice coordonné autour du parcours patient est notamment assuré par les équipes de soins primaires, de plus en plus organisées en maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), portées par des sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA).

Affichée comme une des réponses dans la lutte contre la désertification médicale, la MSP, censée garantir, par des conditions d’exercice attractives, accès aux soins et prise en charge coordonnée, a connu un essor véritable et la stratégie Ma Santé 2022 fixait pour objectif la création de 2000 MSP avant 2022.

Si le seuil projeté a été atteint, il ne saurait être question de laisser les professionnels se débrouiller seuls avec la gestion de la structure, souvent bien chronophage, auquel cas les objectifs premiers de la MSP, à savoir, libérer du temps médical et renforcer l’attractivité de territoires sous-dotés demeureront de l’ordre du fantasme, de l’utopie et les effets d’annonce, de la poudre aux yeux.

Le régime auquel sont soumises les SISA a certes évolué et favorise :

    • la participation des infirmiers en pratique avancée (IPA) ;
    • la participation des infirmiers ASALEE ;
    • le recrutement des assistants médicaux, fonction justement créée pour libérer du temps médical et permettre aux médecins d’assurer la prise en charge davantage de patients.

 

Tâches administratives, accueil de patient, préparation et déroulement des consultations, organisation du calendrier, sont autant de missions qui doivent permettre au médecin de libérer du temps médical.

Si l’on peut saluer l’objectif poursuivi par la mise en œuvre de ces initiatives, la multiplication des dispositifs pourrait s’avérer contre-productive si les professionnels de santé ne disposent pas de l’accompagnement méthodologique et financier nécessaire à la gestion de l’entreprise.

 

La MSP, une société comme une autre ?

 

Quand bien même elle est dédiée à la constitution d’équipes pluriprofessionnelles et au portage de MSP la SISA demeure une société civile dont la gestion peut s’avérer chronophage pour des professionnels de santé déjà surchargés. Admission ou retraits d’associés ; recrutement et gestion RH ; attribution et suivi des dotations ACI ; la gestion d’une société révèle de multiples implications juridiques, administratives et comptables.

Les professionnels de santé et a fortiori les gérants de SISA, souvent médecins, sont érigés en véritables chefs d’entreprise, impactant, lorsqu’ils ne disposent pas de moyens financiers leur permettant de salarier un coordonnateur, de fait le temps médical consacré à la prise en charge de leurs patients ; un résultat in fine assez loin de l’objectif poursuivi.

Alors, quelles pistes peuvent être recherchées afin de favoriser, si ce n’est le développement, le maintien des MSP existantes ?

Outre celles déjà évoquées dans différents billets, nous pouvons ici en évoquer trois :

    • Le salariat des assistants médicaux commande la constitution d’un groupement d’employeur, au sein duquel la responsabilité aux dettes est solidaire entre les membres. Une adaptation, à l’instar de celle apportée au régime de l’association loi 1901 porteuse de CPTS apparaît souhaitable, afin, là encore, de sécuriser le recrutement.
    • Le salariat en Maison de santé présente des risques financiers eu égard à la responsabilité indéfinie et conjointe à laquelle est soumise la SISA. De plus, cette dernière doit compter davantage de libéraux que de salariés, ce qui ne répond pas toujours aux souhaits des jeunes professionnels (voir notre article sur la SISARL !).
    • La gestion quotidienne fastidieuse des SISA: le rôle du coordinateur est, là aussi, déterminant. Il n’en demeure pas moins onéreux en ce qu’une grande partie des financements ACI est utilisée pour le rémunérer, ce qui diminue le bénéfice reversé aux associés qui participent à l’animation du projet de santé et font vivre la structure.  Ainsi, il pourrait être opportun de flécher certaines subventions à la gestion de la structure. Dans ces conditions, plusieurs alternatives s’offriraient aux associés, à savoir:
      • recourir à leurs propres cabinets spécialisés,
      • financer un coordinateur qui réalisera le « secrétariat juridique » et la gestion administrative (éventuellement avec une formation spécifique !),
      • financer l’adhésion de la MSP aux fédérations des Maisons de santé qui accompagnent et soutiennent le développement de celles-ci (formations, questions de terrain, actualité…). A cet égard, le Cabinet Houdart a par exemple déjà noué des partenariats avec certaines Fédérations pour l’assistance juridique de MSP.

 

Si un important travail a d’ores et déjà été effectué pour soutenir l’exercice coordonné, celui-ci ne doit pas s’essouffler au risque de pénaliser les professionnels qui ont choisi de travailler en équipe. Il est plus que jamais impératif d’avoir une vision globale et de consolider les bases afin de pérenniser l’exercice coordonné et le rendre attractif.

 

Avocate au Barreau de Paris depuis novembre 2020, Mathilde Tchernoukha a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en août 2021 en tant que collaboratrice au sein du Pôle Organisation.

Après plusieurs expériences au sein de cabinets d’avocats spécialisés en droit des assurances et en droit du dommage corporel, elle apporte désormais son expertise juridique et technique au service des professionnels de santé libéraux dans la création de projets innovants; dans la constitution de structures d’exercice et dans la définition de coopérations territoriales.

Elle est également chargée d’enseignements à la l’université Paris I Panthéon Sorbonne en droit des sûretés, droit des sociétés, et en Tort Law.

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.