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Plan urgence hôpital - Annonces du premier ministre
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ATTRACTIVITÉ DE L’HÔPITAL : DES ANNONCES POSITIVES !

Article rédigé le 18 décembre 2019 par Me Guillaume Champenois

Les annonces du 1er ministre le 20 novembre (« plan d’urgence pour l’hôpital ») vont dans le bon sens. Le défi pour l’hôpital public n’est pas seulement de faire face à un financement défaillant, c’est aussi de redevenir attractif. Si l’attractivité passe obligatoirement par une reconnaissance du travail des praticiens et donc au versement d’une juste rémunération, cela passe également par leur apporter des garanties sur la qualité de vie au travail.

  • Des annonces sur le statut et la rémunération qui vont dans le bon sens :

Dans le cadre du plan d’urgence pour l’hôpital public dévoilé le 20 novembre 2019, le gouvernement a annoncé différentes mesures visant à lutter contre les problématiques d’attractivité que connaissent les hôpitaux publics en termes de recrutement des médecins, toutes spécialités confondues.

L’un des objectifs affichés du gouvernement est de « redonner envie de s’engager à l’hôpital public et d’y construire une carrière ». C’est ici une très bonne initiative qui vise à répondre à une attente forte des chefs d’établissement.

Il faut bien avoir ici conscience que dans certains établissements publics de santé, la difficulté à recruter un praticien est telle que le Directeur est contraint de « jongler » avec la règlementation sur le temps additionnel, ce qui potentiellement peut générer sa mise en cause devant le juge financier.

Quelles sont les annonces du gouvernement et quelle analyse pouvons-nous en faire ?

Il est prévu à brève échéance de fusionner les quatre premiers échelons de la grille de rémunération du praticien hospitalier et à moyen terme de réviser dans son ensemble le statut des praticiens contractuels jugé inadapté et vieillot.

Concernant la question strictement financière, le fait de fusionner les 4 premiers échelons de la grille va dans le bon sens.

Actuellement, le praticien hospitalier qui débute son exercice professionnel et qui exerce à temps plein perçoit une rémunération mensuelle de 4130 euros brut environ correspondant au 1eréchelon. Après un an, il passe à 4200 euros brut, et il atteindra 4411 euros brut environ au 4èmeéchelon, soit après sa 5èmeannée (rappelons qu’un échelon ne correspond pas nécessaire à une année civile).

Si l’annonce du 1erMinistre est suivi d’effet, le praticien fraîchement nommé percevra donc directement 4.411 euros brut, résultat de la fusion des 4 premiers échelons.

Près de 300 euros bruts d’augmentation par mois, soit 3.600 euros brut par an, n’est pas négligeable même si on peut légitimement penser que les syndicats de praticiens espéraient plus.

Le financement de l’hôpital public repose sur la tarification à l’activité, la fameuse et tant décriée T2A. Dès lors que le financement de l’hôpital est lié à l’activité, il n’est pas absurde de s’interroger sur une corrélation entre la rémunération du praticien et les objectifs qui lui ont été assignés. Certes, la rémunération liée à un indice de performance et de rendement est contraire à la déontologie médicale. Cependant, rien ne fait obstacle de s’inspirer des contrats de cliniciens hospitaliers et d’intégrer à la rémunération des praticiens, toutes spécialités confondues, une part variable.

Il y a ici une piste de travail qui nous apparait pertinente.

Ce faisant le manque cruel d’attractivité n’est pas seulement une question financière. L’opacité du statut des praticiens n’aide pas à rendre attractif l’hôpital public. Sa simplification annoncée par Madame la Ministre de la Santé est ici à saluer.

Revoir les modalités d’engagements des praticiens, moderniser le statut en le simplifiant, valoriser la rémunération des jeunes praticiens s’engageant à l’hôpital, tant par une augmentation des émoluments que par la revalorisation de l’indemnité d’engagement de service public exclusif, sont autant de bonnes mesures qui tendent à améliorer la situation actuelle.

Ce faisant, nous pensons que le déficit d’attractivité de l’hôpital public est certes lié à une contrainte financière mais pas uniquement.

 

  • L’attractivité n’est pas seulement une question d’argent

On oublie ici la qualité de l’exercice professionnel au quotidien.

  • Pourquoi un médecin va-t-il s’engager à l’hôpital public plutôt que dans une clinique en salariat ou en libéral ?

Au-delà de l’envie d’exercer au sein du service public par conviction, il y a la perspective de s’épanouir professionnellement dans une équipe qui a pour objectif de mettre en place un projet médical tant au niveau de l’établissement qu’au niveau du GHT.

Nous constatons depuis plusieurs années à travers nos dossiers, et ce de manière très prégnante, que le management de l’équipe médicale comme la qualité des relations professionnelles entre praticiens ont une place plus que prépondérante dans le choix de demeurer au sein de l’hôpital public ou de le quitter.

La presse s’est fait l’écho ces dernières années de différents dossiers de harcèlement moral à l’hôpital opposant le corps médical à la direction de l’établissement.

La gestion de nombre de ces dossiers permet aujourd’hui de relever que ces dossiers prennent naissance très rarement dans une confrontation directe entre le chef d’établissement et un médecin dans un schéma d’un harceleur et d’un harcelé.

C’est bien plus complexe que cela.

Pourquoi ces dossiers évoluent-ils de façon aussi négative ?

L’une des principales raisons découle de ce que le chef d’établissement n’a aucune prise sur le praticien hospitalier nommé à titre permanent. Non seulement il ne le choisit pas mais aussi et surtout il lui est impossible d’exercer le pouvoir disciplinaire lequel relève de la Directrice générale du Centre National de Gestion à Paris (CNG).

Si juridiquement les textes du Code de la santé publique prévoient que la Directrice générale du CNG peut suspendre et sanctionner un praticien hospitalier, dans les faits on constate que c’est particulièrement difficile d’obtenir l’ouverture d’une procédure disciplinaire. Les raisons sont multiples et on peut notamment citer un manque de moyens humains pour traiter la somme des dossiers qui est adressée à son attention par les chefs d’établissements.

Que les praticiens soient nommés au niveau National est une bonne chose qu’il faut préserver.

En revanche, il faut opérer un transfert de compétence sur le terrain disciplinaire pour le confier au chef d’établissement.

 

  • Rendre à l’employeur un vrai pouvoir de direction et donc un pouvoir disciplinaire

Il peut être ici paradoxal d’affirmer que le fait d’octroyer le pouvoir disciplinaire au directeur sur les praticiens hospitaliers nommés à titre permanent contribuera à améliorer l’attractivité de l’hôpital.

Je vais vous donner un exemple ressortant des dossiers traités au cabinet. Je pourrais évoquer de nombreux autres situations équivalentes et tout aussi préoccupantes.

Nous sommes en présence d’un médecin responsable de l’information médicale (DIM) qui non seulement ne remplit pas son rôle tendant à participer à la stratégie de l’établissement mais au surplus refuse de procéder à tel ou tel codage pour des motifs fallacieux, tout en exerçant dans les faits les tâches du technicien de l’information médicale (TIM) par un glissement de tâche dont il est le seul responsable.

  • Quelles en sont les conséquences ?

La première conséquence est financière puisque nous sommes sur un financement à l’activité. Un défaut de codage impacte immédiatement le financement de l’hôpital.

La deuxième conséquence est qu’il ne remplit pas ses missions et donc se retrouve en manquement à ses obligations professionnelles sans que le Directeur ne puisse faire quoique ce soit.

La troisième est que le technicien de l’information médicale va évoquer assez rapidement une dégradation de ses conditions de travail découlant du glissement de tâche précité. Or, la dégradation des conditions de travail est le socle du harcèlement moral.

La quatrième est que le positionnement de ce praticien qui dysfonctionne totalement devient insupportable pour son confrère du même service qui finit par quitter l’établissement et part travailler au sein d’un autre établissement public de santé ou dans le secteur privé.

La cinquième conséquence et non des moindres, l’absence de sanction créer une disparité de traitement entre le médecin et le fonctionnaire qui pour des faits similaires serait renvoyé devant le conseil de discipline. C’est ici une difficulté non négligeable sur le terrain du management pour le Directeur des ressources humaines qui doit gérer le légitime grief qu’il y a deux poids deux mesures.

Les chefs d’établissement sont convaincus de la nécessité de ce transfert de compétence. Certains médecins le sont également. Reste à convaincre les autres ;

  • Que leur dire ?

Nous serions uniquement en présence d’un transfert de compétence. Le praticien à l’encontre duquel une procédure disciplinaire serait engagée bénéficierait nécessairement des droits de la défense tout aussi protecteur qu’actuellement.

Le conseil de discipline serait institué au niveau du GHT (au sein de l’établissement support ?) dont la composition permettrait une réelle implication des praticiens au plus proche du terrain de ces problématiques disciplinaires. C’est ici la possibilité donnée aux praticiens de s’approprier des problématiques en lien avec la nécessaire prise de décision visant à mettre fin à un comportement fautif qui nuit à l’exercice professionnel d’un ou plusieurs médecins voire d’un service tout entier.

La qualité de vie au travail des médecins du secteur public passe évidemment par une rémunération juste, c’est-à-dire à la hauteur de l’investissement des professionnels concernés mais également par l’assurance qu’il puisse être mis fin rapidement à des comportements gravement préjudiciables à l’intérêt collectif.

Beaucoup sont convaincus que ce discours est, dans les circonstances actuelles, inaudibles. Nous sommes convaincus du contraire. D’une part, l’immense majorité des médecins sont des professionnels responsables, investis et ne souhaitant qu’une chose, pratiquer leur art dans de bonnes conditions. D’autre part, c’est justement en ces périodes de « crise » et de tension qu’il faut aborder ces difficultés et y apporter des solutions.

  • En conclusion

Ce transfert de compétence du pouvoir disciplinaire ne règlera pas l’intégralité de la problématique de l’attractivité de l’hôpital public mais il y contribuera fortement. A la toute fin, il faut bien percevoir que c’est ici une garantie pour les médecins de ne pas se retrouver dans des situations conflictuelles inextricables et cette garantie ne peut que contribuer à rétablir un lien de confiance, souvent altéré, entre le corps médical et les chefs d’établissement.

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).