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Projet de loi d'urgence sanitaire
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CORONAVIRUS : PROJET DE LOI D’URGENCE POUR FAIRE FACE À L’ÉPIDÉMIE

Article rédigé le 19 mars 2020 par Me Guillaume Champenois

Les pouvoirs publics ont préparé en urgence un projet de Loi visant à lutter contre le Covid-19 qui a déjà été adopté en première lecture par le Sénat. Ce texte vise à organiser le report des élections mais également à créer dans notre droit positif un droit de l’urgence sanitaire adapté à la situation à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Il est prévu que l’assemblée nationale l’adopte aujourd’hui vendredi 20 mars 2020.

 

L’état d’urgence sanitaire

Le titre II de ce projet de Loi intitulé « l’Etat d’urgence sanitaire » créé un article L3131-20 du Code de la santé publique ainsi rédigé : « Art. L. 3131-20. – L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain et des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. »

L’article L. 3131-21 du Code de la santé publique prévoit :

«°L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. La prorogation de l’état d’urgence au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi. »

L’article L.3131-23 du Code de la santé prévoit :

« Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : « 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ; « 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements justifiés par des besoins familiaux, professionnels ou de santé impérieux ; « 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d’être affectées ; « 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ; « 5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services essentiels aux besoins de la population ; « 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature; 7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre l’épidémie de covid-19 ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense ; 8° (nouveau) Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens ; « 9° (nouveau) En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de l’épidémie. Les mesures prescrites en application des 1° à 9° du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. »

L’article L.3131-24 du Code de la santé prévoit :

« Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de la santé peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, à l’exception des mesures prévues à l’article L. 3131-23, visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L. 3131-20. « Dans les mêmes conditions, le ministre de la santé peut prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures prescrites par le Premier ministre en application de l’article L. 3131-23. « Les mesures prescrites en application du présent article sont proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires »

Il ressort également de ce projet de Loi que lorsque l’état d’urgence sanitaire est limité à un territoire qui n’excède pas le département, le Préfet du Département peut être habilité à prendre seul les mesures prévues par les articles L3131-23 et L3131-24 du Code de la santé publique après avis du Directeur général de l’Agence Régionale de Santé.

Il ressort également de ce projet de Loi que « Le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-23, L. 3131-24 et L. 3131-25 est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende. »

Le droit du travail et de la sécurité sociale

Enfin, l’article 7 donne habilitation au gouvernement pour régir par voie d’ordonnance, dans un délai de trois mois suivant la publication de la Loi, toute mesure pouvant entrer en vigueur dès le 12 mars 2020 relevant du domaine de la Loi sur une liste de sujets déterminés et ayant notamment pour objet pour ce qui concerne le droit du travail et le droit de la sécurité sociale ;

  • « de limiter les ruptures des contrats de travail et atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;»
  • « de modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, des jours de réduction du temps de travail et des jours de repos affectés sur le compte épargne-temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique; »
  • « de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical; »
  • « de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement en application de l’article L. 3314-9 du code du travail, et au titre de la participation en application de l’article L. 3324-12 du même code ; »
  • « d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail et notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs et définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le code du travail ;»
  • « de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis; »

 

Les procédures juridictionnelles

Les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le Covid-19 emportent des conséquences préjudiciables à la bonne marche de la justice et rend susceptible la perte d’un droit, la nullité d’une procédure pour un délai non respecté, etc.

Le projet de Loi prévoit donc de geler tous les délais de procédure, de prescription, de forclusion, de caducité, etc. Cette interruption de tous ces délais ne pourra pas excéder de plus de 3 mois la fin des mesures de police administrative prises par le gouvernement pour ralentir la propagation du Covid-19.

  • « 2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure : Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation du covid-19; »

  • « Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation du covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions; »

     

Le droit des sociétés

  • « f) Simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent, ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ; g) Simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi que d’adapter les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes; »

En ce qui concerne le financement de l’hôpital, le projet de Loi prévoit d’habiliter le gouvernement à prendre toute mesure permettant de déroger à leur mode de financement :

  • « 2° bis (nouveau) Afin de faire face aux conséquences, pour les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique, de la propagation du covid-19 et des charges découlant de la prise en charge des patients affectés par celui-ci, toute mesure dérogeant aux règles de leur financement ;»

Les dispositions de ce projet de Loi vont permettre d’adapter l’organisation des établissements publics de santé mais tout dépendra du contenu des ordonnances qui seront prises en application de cette Loi d’habilitation.

Le champ du possible donné au Gouvernement est très large.

Nous entrons, pour une période déterminée, dans un schéma d’Etat de droit d’exception.

Est-ce nécessaire ?

Assurément oui !

Nous ne citons dans le présent article qu’une partie très limitée de l’habilitation qui serait donnée au gouvernement de régir par voie d’ordonnance tel ou tel sujet. Nous vous invitons à vous référer au texte http://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/pdf/pl2762.pdf.

Nous procèderons à l’analyse des ordonnances à venir et à leurs incidences concrètes.

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).