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Service d'accès aux soins : vers une régulation territoriale des soins non programmés !
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Service d’Accès aux Soins : vers une régulation territoriale des SOINS NON PROGRAMMÉS ?

 

Article rédigé le 20 septembre 2021 par Me Axel Véran

En instaurant une plateforme de régulation médicale départementale commune pour l’accès aux soins associant le SAMU et la régulation ambulatoire, le service d’accès aux soins devrait organiser une réponse populationnelle aux demandes de soins non programmés et contribuer au désengorgement des urgences.
Quelles leçons tirer des premières expérimentations ? Quels obstacles éviter ? Quelles perspectives pour demain ?

 

La régulation ambulatoire : un sas de décompression pour les SAMU ?

 

L’activité des urgences n’a cessé d’augmenter en France à tel point que le nombre de passages annuel a doublé en vingt ans et le nombre d’appels reçus par les Services d’Aide Médicale urgente (SAMU) avoisine les 29 millions [Pour un Pacte de Refondation des Urgences, Rapport de Thomas MESNIER et du Professeur CARLI, décembre 2019].

Les raisons sont en partie connues et Polichinelle n’en aurait probablement pas recommandé le secret : les services urgences sont devenus, notamment pour les patients ne disposant pas de médecin traitant dans un système de santé où l’accès aux soins de ville est devenu de plus en plus difficile, un point de passage systématique de tout parcours de soins, mêmes non urgents, risquant inéluctablement d’entraîner un engorgement croissant des services d’urgence et toutes tensions afférentes.

Les préconisations de la mission nationale confiée au député Thomas MESNIER et au professeur Pierre CARLI ont conduit le ministre des Solidarités et de la Santé le 9 septembre 2019 à arrêter un plan de refondation des urgences en 12 mesures clé pour promouvoir des organisations nouvelles, soutenir les professionnels de santé et améliorer les soins pour tous sur le territoire national.

La première de ces mesures, réaffirmée par le Ségur de la santé, est la mise en place d’un service d’accès aux soins (SAS) dans tous les territoires, reposant sur un partenariat entre professionnels hospitaliers et de ville.

Service accessible à tous sur le territoire, le SAS a pour objectif de fournir un service distant universel, visant à répondre 24/7/365 à la demande de soins vitaux, urgents et non programmés du bassin de santé et repose notamment sur « la prise en charge unique des appels pour toute situation d’urgence ou tout besoin de soins non programmés, lorsque l’accès au médecin traitant n’est pas possible en 1ère intention ».

Le SAS n’est pas un offreur de soins et n’a pas vocation à se substituer au médecin traitant ou aux recours habituels des patients (MSP, centre de soins, SOS Médecins). Il rend visible et coordonne des filières indépendantes d’offre de soins, avec un triple objectif : « accueillir, qualifier et transmettre ».

A terme, il doit ainsi permettre de proposer une orientation, un conseil médical ou paramédical, la prise de rendez-vous pour une consultation avec un médecin généraliste dans les 48 heures, l’accès à la téléconsultation, l’orientation vers un établissement de santé etc.

Les modalités de financements n’étaient pas arrêtées mais déjà une instruction du ministère était diffusée aux directeurs généraux d’agences régionales de santé afin d’identifier les territoires volontaires.

Par suite, un appel à projet a été diffusé via les agences régionales de santé (ARS) et vingt-deux projets ont été retenus comme pilotes sur la base d’organisations conjointement définies par les représentants des établissements porteurs de SAU et des soins de ville.

 

La régulation territoriale des soins non programmés : un nouveau paradigme et de grandes ambitions

 

Le Service d’Accès aux Soins est défini par l’article L. 6311-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’article 28 de la loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification qui dispose :

« Le service d’accès aux soins a pour objet d’évaluer le besoin en santé de toute personne qui le sollicite, de délivrer à celle-ci les conseils adaptés et de faire assurer les soins appropriés à son état.

Il assure une régulation médicale commune pour l’accès aux soins, qui associe le service d’aide médicale urgente mentionné à l’article L. 6311-2, et une régulation de médecine ambulatoire.

Il est organisé et géré par les professionnels de santé du territoire exerçant en secteur ambulatoire et en établissement de santé.

Il est accessible gratuitement sur l’ensemble du territoire.

Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et des services d’incendie et de secours.

Les modalités de mise en œuvre du présent article sont fixées par voie réglementaire ».

 

La mise en œuvre des services d’accès aux soins confie aux professionnels de santé hospitaliers et de ville l’organisation d’un dispositif opérationnel visant à répondre à toute heure et en tout lieu du département aux demandes de soins urgents ou non programmés que la demande concerne un recours évitable au service des urgences ou un glissement d’activité de la continuité des soins vers la PDSA.

Sont ainsi associés à la démarche et invités à coopérer :

    • la régulation médicale de l’aide médicale urgente et de la PDSA, historiquement réalisée dans les SAMU-Centres 15 pourvus en infrastructures
    • et la régulation médicale de médecine générale pour les soins de ville non programmés.
    • L’instauration d’une régulation ambulatoire

A la différence des dispositifs connus et jusqu’alors usités notamment en période de permanence des soins, le service d’accès aux soins n’a donc pas pour objet d’associer la médecine de ville à la régulation médicale assurée par l’AMU, mais bien d’instaurer deux filières de régulation distinctes et d’organiser un dispositif de coopération entre elles.

La ville se voit ainsi confier la charge d’organiser et assurer une activité de régulation de médecine ambulatoire. Une petite révolution.

 

    • L’organisation d’une réponse populationnelle aux demandes de soins non programmés

 

Sans préjudice du recours prioritaire au médecin traitant, la lecture de la définition légale du service d’accès aux soins qui laisse son organisation et sa gestion aux « professionnels de santé du territoire » témoigne d’une évolution remarquable de la réponse qui là où elle était individuelle devient populationnelle.

 

Pour autant que les acteurs s’en saisissent, le Service d’Accès aux Soins devrait constituer la première pierre de la restructuration de la gestion des soins non programmés dont et il faut le dire, les généralistes s’étaient déjà saisis, notamment en se structurant autour de MSP ou de CPTS qui, pour bénéficier des dotations de l’ACI doivent organiser l’accès à des plages de soins non programmés.

 

Nouvelles compétences de la médecine de ville par la création d’une filière de régulation ambulatoire, instauration d’un dispositif de coopération reposant sur une gouvernance paritaire, moyens mutualisés, subventions, décloisonnement, structuration de la gestion des soins non programmés et in fine, désengorgement des urgences, sur le papier, le tableau est idyllique.

Mais alors où est le loup ?

Comme souvent, sur la définition des bases de la coopération qui, déjà, présentent plusieurs obstacles.

 

Une nécessaire appétence au saut d’obstacles

 

Sans analogie équestre et sans évoquer la question du numéro d’appel unique ou celle de la plateforme nationale sas.fr jugée non opérationnelle par de nombreux acteurs, peuvent notamment être évoqués plusieurs sujets de discorde :

 

    • Pour la régulation libérale : la question du statut et du régime de responsabilité des MRG

 

Alors que dans le cadre de la permanence des soins, les médecins régulateurs libéraux participant à la régulation des appels au sein d’un SAMU sont placés sous responsabilité administrative hospitalière (article L. 6134-2 du code de la santé publique), le SAS, placé sur des horaires hors PDSA, est un dispositif distinct qui ne leur offre pas cette protection.

L’organisation de la régulation ambulatoire relevant de la compétence de la médecine de ville, en l’état des textes et dans l’attente de décret contraire, les MRG libéraux exerceront leur activité sous leur propre responsabilité et ne devront pas omettre d’en informer leur assureur.

Le sujet ne devrait pas manquer de susciter de nombreuses observations :

Le SAS ayant pour but d’organiser une réponse aux demandes de soins durant la journée, de 8h à 20h, quelle articulation avec la PDSA ?

Quid de la responsabilité du médecin régulateur qui traitant un appel à 19h55 en mode SAS raccroche à 20h05 en période de PDSA ? quid de la situation inverse ?

Un tel régime de responsabilité permettra-t-il d’enrôler suffisamment de MRG pour assurer le fonctionnement de la filière de régulation ambulatoire ?

Parallèlement, l’hôpital doit accepter que la médecine de ville qui accepte la charge de créer, organiser, assurer et répondre d’une régulation ambulatoire doit avoir voix au chapitre.

On comprend alors que la convention entre les différentes parties, publiques et privées sera fondamentale et exige une attention particulière tant le diable est dans le détail.

 

    • Pour l’effection : le maillage du territoire et la valorisation de l’engagement des médecins

 

Dans la plupart des départements, le nombre de CPTS ne permet pas pour l’instant de mailler intégralement les territoires. Quelle représentation au sein du Service d’Accès aux Soins pour les territoires non dotés de CPTS ?

S’agissant de la valorisation de l’engagement des médecins dans les soins non programmés, l’avenant 9 à la convention médicale de 2016 a largement été décrié en ce que la participation au SAS sera désormais intégrée dans le forfait structure, là où les syndicats réclamaient une rémunération des médecins à l’acte avec une majoration de 15 euros.

 

    • Sur le décloisonnement ville-hôpital

 

Tout le monde, à commencer par le patient, gagne au décloisonnement Ville | Hôpital et à gommer les organisations en silo et un observateur extérieur aurait vite fait de rappeler qu’il ne saurait être question de rapports de forces au stade de la construction d’une coopération qui, pour prospérer, doit nécessairement considérer les intérêts de chacune des parties, à défaut de quoi elle ne serait vouée qu’à l’échec.

« La seule voie qui offre quelque espoir d’un avenir meilleur pour toute l’humanité est celle de la coopération et du partenariat » [Kofi ANNAN lors de son discours à l’Assemblée générale de l’ONU le 24 septembre 2001]

Force est toutefois de constater que les décennies de cloisonnement et de fonctionnement en silo ne sont pas de nature à faciliter la mise en œuvre du Service d’Accès aux Soins et le risque d’en faire un terrain où s’exerceront des jeux de pouvoir apparaît :

    • entre les établissements hébergeant un SAMU et la médecine de ville,
    • entre les différents acteurs de la médecine de ville.

 

Quel que soit le véhicule juridique porteur du Service d’Accès aux Soins, il devra permettre d’assurer la parité filière hospitalière/filière médecine de ville, essence même du dispositif.

Compte-tenu de l’hétérogénéité de représentation de la filière médecine de ville susceptible, s’ils ne sont pas regroupés, d’associer de nombreux acteurs poursuivant des missions distinctes et des intérêts divergents, il appartiendra à ces derniers de s’accorder afin de définir une gouvernance de nature à exprimer des choix collectifs sans nier leurs spécificités propres.

 

    • Pour l’ensemble des porteurs de projet

 

Mais surtout, il nous faut constater, ici ou là la désillusion de certains porteurs qui, mobilisés de longue date sur la création du Service d’Accès aux Soins dont ils savent l’importance pour le bassin de santé, ont recueilli les besoins des acteurs du terrain afin de proposer un dispositif adapté aux spécificités territoriales.

Or, bien que désignés pilotes sur la base d’une réponse proposant des expérimentations locales, force est de constater que ces dernières sont in fine souvent bridées pour une harmonisation d’organisation et de fonctionnement sur l’ensemble du territoire national sans considération des particularités territoriales.

Sur ce point, espérons que les Agences Régionales de Santé retrouvent leur liberté d’action et favorisent la mise en œuvre des initiatives portées par les acteurs, et saluées pendant la crise sanitaire.

 

Idées jetées

 

  • Eviter la multiplication des dispositifs dédiés à la coordination urgences – ville

Le Service d’Accès aux Soins n’est que la première des douze mesures du Pacte de refondation des urgences et plusieurs associent la médecine de ville à l’hôpital :

  • Mesure 3 : donner à la médecine libérale les mêmes leviers de prise en charge que les urgences ;
  • Mesure 5 : fixer un objectif « zéro passage par les urgences » pour les personnes âgées ;
  • Mesure 6 : intégrer la télémédecine dans tous les Samu ;
  • Mesure 12 : fluidifier l’aval des urgences grâce à l’engagement de tous en faveur de l’accueil des hospitalisations non programmées.

La phase pérenne devra permettre à la ville et à l’hôpital de ne pas multiplier inutilement les structures et à tout regrouper au sein d’une seule : meilleure logique, meilleure coordination. Quitte à prévoir des sous-budgets en fonction du fléchage des subventions.

  • Permettre aux professionnels de ville, par territoire, de se regrouper au sein d’une structure dédiée aux soins non programmés

Les premières réalisations de SAS ont permis de révéler l’importance d’un regroupement formalisé et structuré des professionnels de ville et qui doit tenir compte des particularités du territoire afin de de donner à chacun la place qui lui revient.

  • Appliquer une vraie logique coopérative

Service fondé sur un partenariat étroit et équilibré entre les professionnels de la ville et de l’hôpital, le SAS peut à n’en pas douter constituer la clef de voûte d’une nouvelle organisation des réponses aux demandes de soins non programmés sur son territoire de déploiement.

Le respect des prérogatives et champs d’actions de chacun sera indispensable à la réussite du dispositif, pour les usagers comme pour les professionnels de santé, qu’ils relèvent du secteur public ou du secteur privé.

Il importe également que pour chaque SAS les parties formalisent leur accord dans le cadre de discussions et d’échanges constructifs.

Ce n’est qu’à la condition que des bases saines, affranchies de logique partisane, aient été préalablement arrêtées que la coopération pourra prospérer.

 

 

Avocat au Barreau de Paris

Axel VÉRAN a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 et exerce comme avocat associé au sein du Pôle Organisation.

Notamment diplômé du Master II DSA – Droit médical et pharmaceutique de la faculté de Droit d’Aix-en-Provence dont il est sorti major de promotion, il a poursuivi sa formation aux côtés d’acteurs évoluant dans les secteurs médical et pharmaceutique avant d’intégrer le Cabinet (groupe de cliniques, laboratoire pharmaceutique, agence régionale de santé, cabinets d’avocats anglo-saxons).

Il intervient aujourd’hui sur diverses problématiques de coopération hospitalière et de conseil aux établissements de santé, publics et privés.

Aussi le principal de son activité a trait :

A l’élaboration de montages et contrats ;
A la mise en place de structures et modes d’activités ;
Aux opérations d’acquisition, de cession, de restructuration … ;
Au conseil réglementaire ;
A la compliance.

Axel VÉRAN intervient aussi bien en français qu’en anglais.

Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.

Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …). 

Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).

Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.

Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.