TÉLÉRADIOLOGIE, MARCHÉ PUBLIC ET GCS,
LE CONSEIL D’ÉTAT S’EN MÊLE
Article rédigé le 1er février 2021 par Me Laurent Houdart
L’arrêt du 10 juillet 2020 du Conseil d’Etat a-t-il tranché définitivement la question de savoir si la téléradiologie est un marché public ? Et si un GCS constitué avec des radiologues permet également d’y échapper ?
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Contexte : Controverse autour de la téléradiologie
Les faits
- Il retient que le GCS n’avait pas pour objet l’acquisition de biens, travaux ou prestations de services par le Centre Hospitalier mais de faciliter et de développer l’imagerie médicale de ses membres par l’utilisation commune d’équipements mis à disposition par l’établissement afin de répondre aux besoins de santé de la population du territoire desservi.
- Il considère en outre que les honoraires des actes accomplis par les médecins libéraux intervenants sont intégralement versés à la société Maine IC sous forme de rétrocessions.
Analyse et portée
Qu’est-ce qu’un marché public ?
- Un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs, d’une part ;
- Un ou plusieurs opérateurs économiques, d’autre part ;
- Un contrat répondant aux besoins d’un pouvoir adjudicateur en matière de travaux, de fournitures ou de services ;
- Un caractère onéreux.
Une double confusion
Les juges n’ont pas eu à statuer sur un dispositif unique mais sur deux conventions.
« la convention constitutive du groupement de coopération sanitaire de moyens conclue le 5 novembre 2014 n’a pas pour objet l’acquisition par le centre hospitalier de biens, travaux ou prestations de service mais constitue, par la coopération qu’elle met en place entre l’établissement hospitalier et le cabinet de radiologie Maine IC, une modalité d’organisation du service public hospitalier pour l’utilisation d’un équipement en commun, le scanner. De l’ensemble de ces éléments il résulte que cette convention ne constitue pas un marché public au sens de ces disposition ».
« la coopération organisée par la convention contestée [ GCS], conclue dans le cadre prévu par les articles L. 6133-1 et suivants du code de la santé publique entre le centre hospitalier de Saint-Calais et la société Maine IC, a pour objet de faciliter et de développer l’imagerie médicale de ses membres par l’utilisation commune d’équipements mis à disposition par le centre hospitalier afin de répondre aux besoins de santé de la population du territoire desservi et que les honoraires des actes accomplis par les médecins libéraux intervenants sont intégralement versés à la société Maine IC sous forme de rétrocessions. C’est sans commettre d’erreur de droit que la cour en a déduit que la convention de groupement de coopération sanitaire conclue le 5 novembre 2014 n’avait pas pour objet l’acquisition de biens, travaux ou prestations de services par le centre hospitalier et que cette convention ne pouvait être regardée comme un marché public. »
la « rétrocession » des honoraires en question
- Le premier concerne les actes dits « externes », c’est-à-dire qui concernent les patients non hospitalisés, qui prennent rendez-vous dans le service de radiologie. L’acte génère un forfait technique (destiné à assurer les frais de fonctionnement de l’équipement) et un acte dit intellectuel dont l’objet est de rémunérer l’acte médical proprement dit, c’est-à-dire l’interprétation de l’image numérisée. Ce mécanisme de facturation est le même que celui qui est appliqué pour les praticiens libéraux. Le forfait technique comme l’acte intellectuel sont réglés par l’assurance maladie ; Le règlement du forfait technique bénéficie au titulaire de l’autorisation (dans notre exemple le GCS) et le second (acte intellectuel) bénéfice à l’utilisateur (le praticien libéral ou l’établissement) ;
- Le second mécanisme de facturation concerne les patients hospitalisés. Dans ce cas, il n’y a plus ni forfait technique ni acte intellectuel, le centre hospitalier doit assurer les frais de l’acte de radiologie grâce aux forfaits qu’il perçoit pour son activité (la fameuse tarification à l’activité dite T2A). Pour une catégorie d’activité, il perçoit ce que l’on appelle un GHS. Ce forfait, variable suivant la nature de la pathologie, doit lui permettre de répondre indistinctement à tous ces frais (hospitalisation/plateau technique/actes de laboratoire/radiologie/etc). Ces GHS sont versés par l’Assurance maladie.
La téléradiologie est le plus souvent utilisée par les établissements publics pour ses patients hospitalisés, donc pour ses propres besoins. Ce devait être le cas pour le Centre hospitalier de Saint-Calais.
- Qu’il s’agisse véritablement de prestations croisées et non d’un « faux-nez » destiné à masquer la réalisation de prestations aux seuls bénéfices des établissements hospitaliers ;
- Que le système ne puisse être considéré comme une pratique anti-concurrentielle.
Bref, qu’il s’agisse d’une véritable coopération, tel qu’un plateau d’imagerie mutualisée, ou la gestion commune de l’imagerie médicale.
Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.
Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …).
Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).
Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.
Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.