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COVID-19 : UNE REPRISE DES CHANTIERS SOUS CONDITIONS

Article rédigé le 30 avril 2020 par Me Jessica Phillips

Peur des salariés et des entreprises du bâtiment, chantiers mis à l’arrêt, appel à poursuivre les travaux par la Ministre du travail, indignation des acteurs du bâtiment, le monde du BTP a été confronté à plusieurs épisodes tumultueux.

Après la tempête, le calme se rétablit, progressivement.

Sans doute à l’origine de cette accalmie, l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques.

Publié début avril par l’organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), le guide de préconisations a reçu l’approbation des principales fédérations d’employeurs du secteur, et l’agrément des Ministères de la Transition écologique et solidaire, de la Ville et du Logement, des Solidarités et de la Santé, et du Travail.

Il impose, par un contenu didactique, simple et concret, le respect de mesures et préconisations permettant de limiter de manière optimale les risques d’infection.

Le respect de ces mesures relève naturellement en premier lieu de la responsabilité des entreprises : si les salariés ne sont pas en mesure d’assurer une application stricte des préconisations émises, les activités de chantier ne peuvent se poursuivre.

Néanmoins, le Maitre d’ouvrage devra, lui aussi, être particulièrement vigilant en la matière, voir exemplaire lorsqu’il a la qualité d’établissement public de santé ou d’établissement médico-sociaux, en s’assurant tant de la bonne mise en œuvre par les entreprises que de l’application effective des mesures par les salariés sur les chantiers. La notification de l’accord de reprise par écrit, tant aux entreprises qu’aux assureurs, comprenant la précision des mesures à respecter, pourrait par exemple être envisagée.

En théorie, l’outil est clair.

Le rappel des exigences préalables est bienvenu :

  • Accord préalable et systématique du Maître d’ouvrage ;
  • Elaboration par ce dernier d’une liste des mesures à respecter, prenant en compte les caractéristiques spécifiques de chaque chantier ;
  • Limitation de la coactivité entre les différents intervenants ;
  • Désignation d’un référent Covid-19 par le maître d’ouvrage, ayant comme mission principale de coordonner les différentes mesures décidées pour chaque chantier ;
  • Tenue d’un CISSCT (Collège Interentreprises de Sécurité, de Santé et des Conditions de Travail) pour les opérations de première catégorie ;
  • Lorsqu’un coordinateur SPS a été désigné, adaptation de ses missions et mise à jour du plan général de coordination ;
  • Mise à jour éventuelle du plan de prévention lorsqu’un tel plan existe ;
  • Vérification de la disponibilité des services de secours en consultant les sites internet des préfectures ;
  • Pour certains clients spécifiques, parmi lesquels les établissements publics de santé, et les établissements médico-sociaux, acceptation des conditions générales d’intervention, et des conditions spécifiques d’hygiène et sanitaires ;
  • Pour les entreprises concernées par les grands déplacements, mise en place d’un hébergement en chambre individuelle et organisation adaptée de la restauration ;
  • Exclusion de tout personnel non indispensable sur chantier. De même, absence des apprentis, stagiaires et alternants et favorisation de la formation à distance.

Les mesures de prévention proposées sont nombreuses :

  • Respect strict des gestes barrières ;
  • Respect d’une distance minimale d’un mètre entre les personnes (mise en place d’un système de marquage et de circulation) ;
  • Lavage approfondi et fréquent des mains à l’eau et au savon liquide, et subsidiairement à l’aide de gel hydroalcoolique, qu’il conviendra de mettre à disposition de manière suffisante (en termes de fréquence : lavage a minima plusieurs fois par jour, impérativement en arrivant sur site, avant et après manger, boire ou fumer, et en principe à chaque changement ou achèvement de tâche. Une fréquence toutes les deux heures est évoquée à titre indicatif pour les personnes ne portant pas de gants en permanence) ;
  • Indication claire de la localisation des lavabos ;
  • Séchage des mains avec essuie-mains à usage unique ;
  • Eviter de se toucher le visage ;
  • Respect des consignes générales émises par les autorités ;
  • Port d’un masque de protection.

Le port d’un masque est impératif : en cas de contact à moins d’un mètre, en présence d’une personne malade ou présentant un risque de santé, ainsi qu’en cas de circonstances particulières (par exemple, travail à plusieurs dans un endroit confiné sans ventilation). Il est facultatif dans les autres cas.

Cela posé, sur les chantiers des établissements publics de santé et médico-sociaux, le port du masque semble devoir être généralisé et imposé à tous les salariés.

  • Port de gants et de lunettes (même préconisation que pour les masques) ;
  • Contrôle de l’accès aux chantiers ;
  • Diffusion du « questionnaire sur l’état de santé du salarié» annexé au guide, permettant à chaque salarié de s’auto-diagnostiquer ;
  • Ne pas faire travailler le personnel à risque ;
  • Désigner un référent COVID-19 au sein de l’entreprise ;
  • Assurer une communication suffisante et un affichage efficace des mesures à respecter ;
  • Être réactif et prendre les mesures qui s’imposent en cas de survenue d’un cas sur chantier ;
  • Favoriser les réunions à l’air libre, toujours en respectant une distance d’un mètre, et éviter les réunions en espèce fermé ;
  • Organiser les temps de pause et de repas en fonction des préconisations ;
  • Faire procéder à un nettoyage le plus régulier possible au moyen de désinfectant (toutes les deux heures pour les surfaces de contact important telle que poignées, tables, interrupteurs, etc. et au moins une fois par jour pour les sols) et mettre à disposition des lingettes désinfectantes à cet effet ;
  • Faire preuve de précaution et appliquer les préconisations du guide et les consignes générales émises par les autorités sanitaires en toutes circonstances : dans le cadre de l’usage des véhicules et engins, au sein des bases de vie et bungalows de chantier, pour la mise à disposition du matériel ;
  • Aérer les espaces fermés aussi souvent que possible, et a minima deux fois par jours ;
  • Faire emporter dans un sac fermé en fin de journée tous les consommables utilisés qui y auront été stockés utilement après chaque utilisation ;
  • Assurer toute autre mesure nécessaire, par exemple tirée de la particularité de la nature de l’activité du client.

Le guide comprend enfin plusieurs annexes, parmi lesquelles deux « check-lists pratiques ». Ces check-lists composées de dix points de vérification, l’une pour les clients particuliers, l’autre pour les clients professionnels, permettent aux entreprises de déterminer d’une part si elles peuvent, ou non, intervenir et maintenir l’exécution des travaux, d’autre part dans quelles conditions.

En substance, la mission de ce guide (limitation optimale du risque d’affection) apparait remplie.

Subsistent malgré tout certaines zones d’ombres et pas des moindres : Quid des éventuelles difficultés d’approvisionnement des entreprises en matériels de protection (masques, lunettes, gels, lingettes, etc.) ? Et qu’en sera-t-il des modalités de prise en charge des surcoûts induits par ces mesures pour les entreprises ?

Les semaines à venir apporteront, du moins nous l’espérons, les réponses escomptées.

 

Concernant d’ailleurs l’incertitude sur la prise en charge des surcoûts, une question ministérielle a été posée (Question écrite n°15165 publiée dans le JO du sénat le 09/04/2020) :


« M. François Bonhomme attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur la non-prise des surcoûts liés aux mesures de protection sanitaire sur les chantiers relevant des marchés publics.
Sur site ou sur chantier, ces mesures représenteront un coût important et viendront s’ajouter aux difficultés financières que traversent les entreprises, pouvant compromettre ainsi la bonne poursuite des opérations.

Il lui demande donc s’il entend prendre des mesures pour assurer, au même titre que pour les concessions, l’indemnisation des dépenses liées aux mesures de protection dans les cadres des marchés publics. »


La réponse ministérielle à venir devrait nous apporter les premiers éléments de réponse escomptés.

 

 

ASTUCE PRATIQUE

Certains acheteurs ont décidé de rédiger leur propre “guide de bonnes pratiques”, en adaptant les mesures et préconisation du guide OPPBTP.

C’est par exemple le cas du CHU de Nancy, qui  a publié récemment un guide des bonnes pratiques destinées à la reprise des chantiers sur leur site. Ce guide suit scrupuleusement les préconisations  de l’Organisme de prévention du bâtiment et des travaux publics. Oui, mais il y ajoute certains compléments bienvenus, et notamment des préconisations liées à l’habillage et au nettoyage des vêtements de travail et des équipements de protection individuelle (EPI).

Deux catégories de vêtements sont répertoriées:
• Les vêtements de travail « de surface » (le pantalon, la veste, les chaussures et gants de travail) ;
• Les vêtements de « contact peau » (Comme le tee-shirt, les sous-vêtements et les chaussettes).

Le guide préconise de s’habiller chez soi uniquement s’il s’agit de la première utilisation des vêtements de travail. Dans le cas contraire, l’habillage devra avoir lieu dans le vestiaire.
Concernant le déshabillage, il doit être fait dans le vestiaire. Si cela n’est pas possible il peut se faire au domicile, mais en dehors des pièces de vie pour les « vêtements de surface » et les chaussures.
Le stockage des « vêtements contact peau » doit être réalisé à part.
Pour ce qui est du nettoyage, un lavage à 60° pendant au moins 30 minutes, séparé, est préconisé. Les vêtements non lavables à 60 ° doivent être stockés dans un sac plastique fermé, 24 heures avant lavage.

Les autres EPI (gants, chaussures, etc) doivent rester en dehors du lieu d’habitation. Ils doivent si possible être désinfectés ou nettoyés en fonction de leur matière.

Jessica Phillips est avocate collaboratrice au sein du cabinet depuis 2019, et intervient principalement sur les dossiers de conseils et de contentieux en droit public et droit de la commande publique.

Elle réalise des audit Marchés publics pour les acheteurs.

Elle assure également des formations en droit de la commande publique au profit des agents en charge de la passation et l’exécution des marchés publics.

Jessica Phillips possède une Spécialisation droit public - Qualification spécifique droit de la commande publique.