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A-T-ON VRAIMENT BESOIN DE CRÉER UN FONDS DE DOTATION ?

 

Article rédigé le 21 novembre 2024 par Me Laurent Houdart et Anaïs Bakali

 

La question à se poser avant, et pas après la création d’un fonds de dotation :  pour ce que nous souhaitons faire et pour les libéralités dont nous sommes susceptibles d’être bénéficiaire, avons-nous vraiment besoin d’un fonds de dotation ?

De l’intérêt du Fonds de dotation pour les associations Loi 1901

Les associations Loi 1901 ou les fondations non reconnues d’utilité publique ont une capacité juridique restreinte à l’heure de recevoir des dons autres que manuels ou des legs. Ces organismes philanthropiques ne peuvent en effet en bénéficier qu’après un contrôle ad hoc des préfectures qui prend la forme d’un droit d’opposition pour chaque opération (dons autres que manuels ou legs), sauf à avoir obtenu la reconnaissance d’utilité publique qui impose, elle, le respect d’une “procédure exigeante impliquant une analyse substantielle devant le Conseil d’État” comme le relève la Cour des comptes dans son  rapport de mars 2024 intitulé “Le contrôle de la générosité publique au service d’une plus grande transparence”.

 

Un Fonds de dotation dédié aux projets d’intérêt général de son fondateur

La création d’un fonds de dotation présente alors l’avantage incomparable de leur permettre de disposer d’une structure qu’elles peuvent contrôler et qui est apte juridiquement à recevoir tout type de libéralité dans le cadre fiscal avantageux du mécénat (des particuliers comme des entreprises) et à les financer en leur allouant les fonds provenant des dons qui lui sont faits. En effet une réponse ministérielle a admis qu’un organisme à but non lucratif, tel qu’une association ou une fondation, puisse être à l’origine de la création d’un fonds de dotation et le contrôler tout en bénéficiant de fonds alloués par ce fonds de dotation.

À la question :

« dans le cas où un fonds de dotation est contrôlé par une ou plusieurs associations, les ressources du fonds peuvent être allouées à ces associations pour remplir leurs missions d’intérêt général sans que cela ne remette en cause la gestion désintéressée du fonds de dotation ? ».

Le ministère a en effet répondu que  :

« rien n’interdit qu’il y ait identité de dirigeant avec l’organisme adossé dans le statut juridique et fiscal du fonds de dotation, cette situation étant même au contraire assez logique dès lors que celui-ci est simplement collecteur et a pour objet de redistribuer les revenus tirés de la capitalisation des dons qui lui sont consentis pour assister un organisme d’intérêt général. Dans ce cas, le fonds de dotation a naturellement pour objet de stimuler l’activité de l’organisme adossé (en l’espèce l’association) sans que l’on puisse en conclure, en cas d’identité de dirigeants entre les deux structures partenaires, que le fonds a une gestion intéressée de ce seul fait. S’il en allait ainsi, tout le dispositif mis en place par l’article 140 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui a institué des nouvelles structures, serait privé de portée. En conclusion, les ressources d’un fonds de dotation créé par une association peuvent être reversées à cette association, sans que cela risque de remettre en cause la gestion désintéressée du fonds de dotation. »

 

Pour les EPS et les ESPIC, l’intérêt est moindre

Cependant, s’agissant des établissement public de santé (EPS) et des établissements privés de santé à but non lucratif (les ESPIC), leur capacité juridique à recevoir des dons est la même que celle d’un fonds de dotation, et leurs donateurs bénéficient également des réductions d’impôts et des exonérations de droits de mutation prévus respectivement par les articles 200/238 bis et 795 du CGI .

En effet, une réponse ministérielle reprise par la doctrine administrative a expressément confirmé que les œuvres ou organismes d’intérêt général qui concourent à la protection de la Santé publique sur le plan de la prophylaxie ou de la thérapeutique peuvent être considérés comme présentant un caractère social ou philanthropique au sens de l’article 200 du CGI.

“Il en est ainsi notamment des hôpitaux et hospices publics, des hôpitaux privés à but non lucratif, des établissements nationaux de bienfaisance et de tous organismes publics, semi-publics ou privés à but non lucratif contribuant à la lutte contre certaines maladies, à la transfusion sanguine, à la réadaptation médicale et à la protection ou à l’éducation sanitaire de la population” (RM Perbet n°29668, JO, AN du 19 octobre 1987, p. 5790).

Même si de nombreux établissements publics ou privés à but non lucratif ont déjà créé “leur fonds de dotation” il est donc permis de se poser une question de bon sens : Est il intéressant de créer un fonds de dotation ?

S’il est – très relativement depuis les dernières modifications légales et réglementaires de son régime, la loi 2021-1109 du 24 Août 2021 confortant le respect des principes de la République et Décret n° 2022-813 du 16 mai 2022 modifiant le décret n° 2009-158 du 11 février 2009 relatif aux fonds de dotation – simple de créer un fonds de dotation via une déclaration en préfecture, et s’il n’est pas extrêmement compliqué de le faire fonctionner (mais attention ces modifications ont complexifié son fonctionnement et lui ont imposé des obligations nouvelles), il s’agit néanmoins d’une nouvelle structure à créer, qui doit être animée et gérée financièrement et comptablement, et tout cela a un coût non négligeable. A cela, il faut rajouter le coût de la collecte elle-même qui en pratique représente souvent une part très importante des fonds recueillis.

 

Quand faut il créer un Fonds de dotation ?

À notre sens et au vu de notre expérience, ;

  • S’’il s’agit de recevoir sous forme de dons ou de legs des immeubles de rapport ou des portefeuilles boursiers, et de manière générale tous actifs de valeur qui peuvent être difficiles à gérer efficacement dans le cadre administrativement contraint d’un établissement public, alors le FDD avec ces coûts et ces contraintes supplémentaires peuvent se justifier.
  • S’il s’agit seulement de recueillir des petits dons manuels pour quelques dizaines de milliers d’euros à l’année, alors les coûts de création et de fonctionnement d’un fonds de dotation ne seront pas justifiés puisque ces dons peuvent être faits directement à l’établissement public de santé concerné, qui pourra comme le fonds de dotation, délivrer aux donateurs les reçus fiscaux exigés par la réglementation pour qu’ils puissent bénéficier des réductions d’impôts y afférentes. Nous reviendrons ultérieurement dans une LETTRE DU MECENAT sur les outils, simples, à mettre en place.

En conclusion : avant de créer un fonds de dotation ou au moment de faire son bilan si l’on se rend compte qu’il rapporte à peine plus qu’il ne coûte, Il faut se poser la question (avant la cour des comptes): stop ou encore ?

Cet article est issu de la lettre juridique du Mécénat en santé #1 de novembre 2024.

AU SOMMAIRE DE LA LETTRE :

💡Pensez à vous abonner à notre lettre d’information pour découvrir l’ensemble de nos conseils juridiques pratiques concernant toutes les règles et dispositifs de mécénat : Parrainage, dons manuels et donations, legs, création de fondations hospitalières, de fonds de dotation, opérations complexes.

Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.

Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …). 

Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).

Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.

Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.

Anaïs Bakali a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en mai 2018 après plusieurs expériences notamment en qualité de juriste dans un cabinet spécialisé en droit bancaire, droit des procédures collectives et voies d'exécution puis en qualité de chargée de contentieux chez un bailleur social.

Elle intervient en qualité de juriste auprès des acteurs des secteurs de la santé et du médico-social en matière de fiscalité, de création et d'évolution de groupement et de société.